Kyte

Depuis un premier album éponyme en 2007, le trio du Leicestershire Kyte aura suscité autant de réactions enthousiastes que déstabilisées. Même si nombreux s’accordent sur le fort potentiel créatif du groupe, les orientations et influences choisies divisent les opinions.

Leur troisième album Love To Be Lost ne déroge pas à la règle et - au contraire - semble vouloir élever les choix singuliers de composition au rang d’identité parfaitement affirmée. Que la pop à tendance post-rock shootée au shoegazing ne parvienne pas à faire planer les moins avertis reste un argument recevable, cependant, c’est une fois le brouillard d’éther dissipé que le nouvel album des Anglais menés par Nick Moon respire un esthétisme soigné et une majesté intemporelle qui ne devraient pas laisser de marbre.

Kyte, c’est une voix juvénile et presque immatérielle flottant à travers des nuages de guitares électriques, de batterie atone et de machine à effets. Le trip céleste pourrait rapidement manquer d’oxygène, s’il n’était pas alimenté en compositions richement inspirées et en textes chargés d’émotions. Love To Be Lost, tout comme les précédents opus, ne manque pas d’inspirations et puise dans les plus belles sonorités de Sigur Ros, The Cure ou M83. Il livre un mélange de genres minutieux et assez captivant : le tissage d’indie- pop (You And I), d’électro-pop (Friend Of A Friend et Over, After), d’épopée post-rock (September 5th) avec une touche de dream-pop (Aerial), enveloppe d’un cocon parfaitement confortable mais, qui, s’il n’oppresse pas, n’euphorise pas non plus. Substance douce-amère, les paroles imprègnent l’atmosphère d’histoires piquantes et de cœurs brisés, rappelant ainsi que le shoegazing (et l’attitude qui va avec), aussi aérien qu’il puisse être, reste un genre d’introspection.

Machine intemporelle voyageant entre le passé du rock progressif et le futur du post-rock, en passant par des sonorités très actuelles, Love To Be Lost est un savant croisement de compositions audacieuses, qui s’appréciera s’il est pris tel qu’il est, quitte à le sortir de son contexte. Plus ambiant que pénétrant, il diffuse une brume de sensations apaisantes qui chatouillent les émotions avant de se dissiper. L’âme est belle mais peut-être un peu jeune pour à la fois s’élever et toucher en profondeur.

Comme disent les Anglais, « Keep calm and just listen ».