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Pink Floyd

The Endless River

Pink Floyd - The Endless River
Chronique Album
Date de sortie : 10.11.2014
Label : Parlophone
3
Rédigé par Olivier Kalousdian, le 22 novembre 2014
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1965 - 2014 : Quasiment cinquante ans d'histoire ont défilé depuis les premières mesures jouées à l'UFO Club par Pink Floyd version Syd Barrett (guitare, chant, composition), Richard Wright (claviers), Roger Waters (basse) et Nick Mason (batterie et percussions).

Un record de longévité marqué par des étapes, des drames et d'inévitables conflits dont le monde du rock est un grand habitué. Le Pink Floyd connu et reconnu internationalement est un peu plus récent (1968, avec le départ forcé de Syd Barret, scotché par les acides) et prend réellement naissance avec les albums More et Ummagumma. Il quitte le son folk rock psychédélique, voire expérimental très en vogue à cette époque, pour embrasser le rock progressif et planant dont il en deviendra le maître absolu pendant plus de vingt ans. Vingt années pendant lesquelles Pink Floyd, rejoint par David Gilmour commettra les disques parmi les plus importants de l'histoire du rock. The Dark Side Of The Moon (troisième album le plus vendu de tous les temps), Wish You Were Here (en forme d'hommage à Syd Barret et, surtout, The Wall dont l'aura et la carrière, dépassant de loin le monde de la musique, continuent d'alimenter l'imagination collective et le compte en banque du groupe. Ce dernier marque l'apogée de la domination de Roger Waters dans le groupe et sa détermination à régner sans partage, ou presque, sur l'avenir de Pink Floyd. Le groupe n'y survivra pas et le conflit qui opposera Roger Waters à David Gilmour fera date. En 1985, Roger Waters quitte le groupe en pariant sur sa mort prochaine. Tête pensante du Pink Floyd depuis le retrait de Syd Barret, Roger Waters reprend à son compte et en solo les plus grands succès du groupe, mais l'alchimie n'est plus la même sans ses trois compères ; il suffit de revoir le mythique concert à Pompeï, tourné avec peu de moyens par un réalisateur français en 1971 pour comprendre à quel point la réunion de ces quatre là est indissociable des tours de magie dont ce quatuor, somme toute classique (guitare, basse, clavier, batterie) est capable.
Blues spatial, musique des sphères, opéra rock…les qualificatifs sont nombreux pour décrire le style de la période faste des Pink Floyd. Quant à leur apport au rock en quarante-cinq ans de carrière, il est gigantesque ! D'Archive à Glass Animals de nos jours, en passant par nombre de groupes new wave des années 80... même le mouvement punk doit quelque chose aux Pink Floyd et à ses compositions cosmologiques. Plus qu'un groupe, Pink Floyd est un pilier fondateur de la culture anglaise et un creuset de création pour rockers visionnaires ou spationautes.

Après vingt ans sans album (depuis The Division Bell), Pink Floyd version 3 (avec David Gilmour aux manettes) revient au-devant de la scène internationale avec The Endless River, quinzième disque du groupe, toutes périodes confondues. Hommage posthume au claviériste génial (et sous-estimé, même par ses pairs) Richard Wright (décédé en 2008), The Endless River reprend quelques-unes des sessions enregistrées en sa compagnie et laissées de côté en 1994 et pourrait tout aussi bien être qualifié de suite. Une oeuvre de cinquante-deux minutes, dont une grande majorité sans textes, comme à l'époque des albums concepts du groupe (Atom Heart Mother) pour un disque de rock planant et de titres instrumentaux qui s'enchaînent, de piste en piste, et que les Pink Floyd ont largement contribué à démocratiser. Le chant du cygne, donc, pour Rick Wright, mais également pour le groupe qui ne devrait plus commettre d'album dans le futur. Et c'est en forme de compilation de savoir-faire et de legs à l'histoire de la musique que The Endless River aimerait s'imposer, sans Roger Waters (à qui David Gilmour n'a pas demandé de participer)...
Et cela commence exactement comme le Pink Floyd des grands classiques sur le très bien nommé Things Left Unsaid avec des voix fantomatiques en ouverture et des bruitages musicaux plus ou moins mélodieux qui se transforment, en attaque, en une ode à la méditation sur un titre exclusivement joué sur les claviers de Rick Wright. Nulle surprise donc à ce que, dès le deuxième titre, It's What We Do, nous remémore avec un brin de nostalgie l'introduction de Shine On You Crazy Diamond ou Welcome To The Machine, présents sur Wish You Were Here. Ultime hommage à la dextérité et aux sonorités sci-fi des claviers de Richard Wright, que Phil Manzanera avouera avoir voulu surligner après s'être replongé de longues heures dans le fameux concert à Pompéi. Le tempo est lent et se déroule sans à coups à une vitesse élevée mais toute relative, dans un espace sidéral sans point de repère et donc, sans notion de temps. Ce temps distordu, sans commencement ni fin, est la notion même du style musical du Pink Floyd.

Capable de pondre des titres de plus de seize minutes dans des rythmes constamment changeants qui vont de la contemplation aux envolées free jazz et au rock progressif, futuriste pour l'époque (Echoes), le Pink Floyd version 2014 connaît la valeur que ses fans apportent à cette période dorée et David Gilmour le sait plus que personne. Il a donc dégainé les guitares et leurs effets qui ont fait son histoire pour une version moderne d'un album qui paraît pourtant sonner comme dans les années 70. Il les fait pleurer en accords de blues surmontés de nappes de synthés, évanescentes...
S'enchaînant sans aucune pause, les titres suivant répondent aux précédents, comme Pink Floyd a toujours su le faire sur ses albums concepts. Sum est un titre instrumental, comme 90% du reste de l'album, et fait la part belle aux claviers de Rick que viennent épaissir la batterie décalée et non rythmique de Nick Mason sur des cordes à effet de David Gilmour. Les deux titres suivant dispersent l'auditeur dans une pluie de solos et il faut attendre Anisina pour l'entrée de ce saxophone discret (Gilad Atsmon remplaçant ici Dick Parry, convalescent) tel qu'on l'entendait déjà sur The Dark Side Of The Moon. Tout cela ressemble d'ailleurs étrangement à un prologue à cet album culte... Sauf que sans les ingrédients textes, voix et les visions musicales de Roger Waters, Rick Wright, Nick Mason et David Gilmour réunis pour inspirer ces ballades new age, le soufflé ne prend pas.

On s'était pourtant pris à rêver à un album inspiré, d'une nouvelle leçon de rock progressif bercé de ballades cosmiques torturées de la part d'un groupe sérieusement amputés au niveau des membres principaux, mais le rêve fut de courte durée, comme les titres de l'album. Allons-Y (1), onzième titre de l'album, use d'une autre recette made in Pink Floyd. Le titre Calling entérine la dérive cinématographique de l'album et sa composition nous renvoie de trop à un compositeur de BO comme Vangelis. Un compositeur qui aurait lui aussi pu utiliser l'image qui orne l'artwork de l'album (un gondolier voguant sur une mer de nuages... vers l'infini ?) tellement le parallèle entre musique de film et Pink Floyd est et a toujours été parfait. Les Pink Floyd avaient raté de peu la composition des Bandes Originales des films 2001 l'Odissée de l'Espace et Orange Mécanique dans les années 60/70. Roger Waters regrettera amèrement ce refus fait à Stanley Kubrick, les années passant...
Dernier titre de l'album et de l'histoire du groupe, Louder Than Words... plus fort que les mots. C'est en substance la recette que se sont appliqués David Gilmour et Nick Mason pour cet ultime opus de Pink Floyd, ce titre étant le seul chanté de tout l'album (excepté les voix enregistrées sur le titre d'ouverture) qui mise sur le voyage instrumental, comme pour ne pas se risquer sur des écrits souffrant d'un manque d'inspiration ou qui, histoire oblige, pourraient décrire une nostalgie empreinte d'amertume et de critiques envers leur leader, Roger Waters.
Pourtant, écrit par la compagne de David Gilmour, la journaliste Polly Samson (qui était déjà l'auteur des textes de The Division Bell et On An Island), Louder Than Words est une chanson consensuelle dont les paroles (« On rouspète, on se bat, mais cette chose qu'on fait ensemble est plus forte que les mots... ») se veulent rassembleuses et définitives. Il est malheureusement le seul titre qui mérite notre attention et qui prouve que ce The Endless River est bien l'album final du groupe Pink Floyd.

Ce testament ultime qui se veut une forme de réconciliation globale (Roger Waters, lui-même, en 2008, avouera qu'attaquer ses ex-amis en justice dans les années 80 fut une erreur) est la dernière page d'un livre d'anticipation qui a fait voyager des millions de fans et donné l'envie à des centaines d'autres de créer leur propre groupe pour puiser dans la créativité du quatuor de Cambridge. « C'est la dernière fois qu'on entendra Pink Floyd jouer ensemble sur un album officiel ». Cette déclaration de Phil Manzanera (ex-Roxy Music et fidèle collaborateur de David Gilmour depuis ses débuts) sonne la fin d'une époque. Mais, même avec l'apport supplémentaire de Youth (Killing Joke) à la production et toute la bonne volonté de David Gilmour et Nick Mason, les titres beaucoup trop courts, les progressions mélodiques qui choquent par leur absence et l'alchimie en berne (et pour cause), la tentative de David Gilmour et Nick Mason de remettre le Pink Floyd sur orbite est un semi-échec... temporisé par un plaisir retrouvé, malgré tout, à l'écoute de ce voyage nostalgique de par ces sonorités identitaires d'un groupe entré dans la mémoire collective et cette forme d'infirmité depuis le décès de Rick Wright et, plus loin encore, le départ de Roger Waters.
Alors que le marché du disque pleure toutes les larmes de son corps depuis l'avènement d'Internet, The Endless River, sorti le 10 novembre dernier, bat des records de vente outre-manche et même en France ! En tête des ventes au bout d'une semaine et avec 150 000 exemplaires vendus au Royaume-Uni, le dernier album des Pink Floyd fait bien mieux que les précédents albums du groupe (The Division Bell). Mieux encore, il est devenu l'album le plus pr-écommandé de tous les temps sur la plateforme de téléchargement Amazon au Royaume-Uni.
C'est dire la puissance du mythe Pink Floyd et la fidélité de son public, bon gré mal gré. À l'instar de la sonde Voyager 1 ayant rejoint l'espace intersidéral, Pink Floyd et ses disparus continuent, malgré tout, un voyage spatial démarré avant même le lancement de cette dernière. Leur musique et leur vision artistique, via des albums devenus cultes ouvrent à chaque écoute des trous de ver repliant l'espace temps, et il y a fort à parier qu'ils donneront encore longtemps à leurs auditeurs le sentiment de pouvoir partir visiter des mondes inhabités, immobiles, le casque vissé sur les oreilles et l'esprit libéré, flottant au loin dans un univers infini...
tracklisting
    01. Things Left Unsaid
  • 02. It's What We Do
  • 03. Ebb And Flow
  • 04. Sum
  • 05. Skins
  • 06. Unsung
  • 07. Anisina
  • 08. The Lost Art Of Conversation
  • 09. On Noodle Street
  • 10. Night Light
  • 11. Allons-Y (1)
  • 12. Autumn '68
  • 13. Allons-Y (2)
  • 14. Talkin' Hawkin'
  • 15. Calling
  • 16. Eyes To Pearls
  • 17. Surfacing
  • 18. Louder Than Words
titres conseillés
    Louder Than Words - Allons-Y (1) - Things Left Unsaid
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