The Third Eye Foundation

Huit ans après The Dark, The Third Eye Foundation, AKA Matt Elliott, refait aujourd'hui surface, poursuivant sa conquête de la dub folklorique introspective et minimaliste dont lui-seul a le secret, demandant sans relâche le « listen and repeat » tant l'œuvre, au premier abord conventionnelle, s'avère sacrément complexe et foisonnante.

Sur Wake The Dead, l'artiste anglais atténue davantage encore les délimitations entre les machines et les instruments, entre la danse et le désespoir, entre le The Third Eye Foundation de l'époque et le Matt Elliott des années 2000. La chanson-titre en est la preuve la plus flagrante, délivrant sur ses treize minutes un morceau d'opéra remixé façon indus, avec ses moments de bravoure portés par des cuivres homériques.
Matt Elliott ne fait maintenant plus qu'un avec son projet The Third Eye Foundation, mêlant ses incartades folk désabusées et organiques à des machines synthétiques à la rythmique répétitive et obsédante. Procession For Eric vient aussitôt enfoncer le clou, l'ambiance sépulcrale s'accompagnant cette fois de notes de violons délicieusement dissonantes qui viennent asseoir la rythmique mécanique à la cadence militaire et les chœurs majestueux et mélancoliques.


The Blasted Tower étoffe ensuite progressivement les couches sonores dont regorge Wake The Dead. À l'inverse de Wake The Dead, Matt Elliott s'amuse ici à déshumaniser les vocaux macabres tandis que s'échappe un cortège de violons presque salvateur au milieu d'un disque qui s'aventure froidement, tout du long, dans une quête du spleen frénétique d'une continuité affolante.
Distordu et menaçant, Controlled Demolition est quant à lui l'interlude glacial parfait à un album qui ne cesse de bousculer l'auditeur à travers des expérimentations où les instruments chers à Matt Elliott viennent déformer la structure machinale des compositions. L'opus se conclut sur un Do The Crawl à l'électronique anxiogène, au cours duquel une chorale fantomatique se fait doucement entendre pendant que la drum'n'bass se fait plus assourdissante que jamais.

Wake The Dead ne s'écoute pas, il s'épluche comme un oignon, écoute après écoute, en tant qu'entité propre. Rien ne sert d'écouter une piste de manière isolée ni de tenter l'expérience illusoire de l'aléatoire que nous permettent nos machines : Wake The Dead s'éprouve d'une traite, sans interruption ni répit, le temps de quarante-cinq minutes de noirceur à apprécier seul, dans l'obscurité impassible et le silence impossible, qui, crescendo, consciemment, fracture le temps.
S'il n'est pas, pour les vivants de longue date, l'œuvre ultime et intemporelle de The Third Eye Foundation, Wake The Dead le sera très certainement pour les nouveaux venus ainsi que les morts, définitivement réveillés après avoir entendu la drum'n'bass électrochoc de Do the Crawl !