Johnathan Rice

De sa Virginie natale à Glasgow, de New York à Londres, Johnathan Rice a déjà parcouru un sacré chemin avant de proposer ce premier album Trouble Is Real. Et si c'est en Ecosse qu'il a grandi, son regard s'est vite porté de l'autre côté de l'Atlantique, l'Amérique de ses héros Dylan, Young ou Parsons. Direction New York donc, concerts dans de multiples pubs, comme le grand Zim ! C'est un contrat en poche qu'il rentrera chez lui, comme le grand Zim !

Trouble Is Real n'est pourtant pas un disque passéiste, enchaîné à ses racines folk, bien au contraire. Johnathan Rice s'inscrit dans cette lignée de songwriters qui proposent un folk orchestré, assez accessible, une sorte de folk pop si l'on veut, sans que ce terme soit considéré ici comme péjoratif. On pense à Josh Rouse, ou à Ed Harcourt par exemple, ou encore au tout dernier album de Jeff Klein, sorti lui aussi sur le label One Little Indian. On sent pourtant que le bonhomme maîtrise parfaitement son sujet : Behind The Frontlines rappelle l'atmosphère merveilleuse des chansons de M. Ward, Lady Memphis nous renvoie très agréablement à ce cher Devendra Banhart, les violons inquiétants de My Mother's Son puisent dans l'héritage de Nick Cave...

C'est donc un disque particulièrement riche et varié, qui, selon son auteur, constitue « a complete listening experience ». Transitions chiadées, tracklisting réfléchi et inspiré ou respirations bienvenues montrent qu'il ne s'agit pas simplement de paroles en l'air. D'ailleurs, que dire de cet enchaînement improbable mais implacable : le très « americana » Put Me In Your Holy War est rompu brutalement par le beaucoup plus bruyant Salvation Day, qui lui-même fond vers le côté décalé de Stay At Home.

Impressionnant par moments, Trouble Is Real n'est pourtant pas parfait. Le songwriter semble parfois piégé par cette volonté d'ouverture, et certains titres un peu plus léger semblent parfois manquer de consistance (Leave The Light On). Ces morceaux constituent cependant des pauses dans un ensemble plus que convaincant, et ne doivent pas masquer la profondeur de l'ensemble.

Si ce premier album n'est pas un disque de puriste, il propose une magnifique odyssée qui ravira beaucoup de monde. Un peu à la manière de ce que font la petite fille Guthrie et son mari de Johnny Irion pour la country, Johnathan Rice rend accessible à un vaste public la musique folk. Mais il serait injuste de l'enfermer dans ce rôle ingrat, il vaut bien plus que cela. Et ce I Wouldn't Miss It For The World en guise de conclusion nous offre une certitude : il y a du Nick Drake chez ce jeune homme. C'est certain, l'avenir nous réserve de bien belles surprises avec ce Johnathan là !