Saint Etienne

Trente ans après Fox Base Alpha, leur premier album, Saint Etienne accouchent de leur dixième enfant. Successeur de Home Counties, paru en 2017. Il aura donc fallu attendre quatre ans pour que les Anglais soient de retour. Sarah Cracknell et Pete Wiggs nous avaient déjà évoqué ce disque lors de notre rencontre à l'occasion de leur première partie d'Etienne Daho à la Philharmonie de Paris en novembre 2019. Tout n'a donc pas pu aller aussi vite que prévu, COVID-19 oblige, cet album ayant été initialement pressenti pour la fin de l'année 2020.

Mais il est bien là et son contenu est vraiment différent des précédents essais publiés par le trio. Tout d'abord, il convient de le dire, aucun tube ne figure sur I've Been Trying To Tell You. L'ambiance générale de celui-ci est davantage tournée vers la mélancolie avec un son véritablement downtempo pouvant rappeler le trip-hop. L'album a été élaboré à partir de samples de morceaux parus à la fin des 90's et au tout début des années 2000. De nombreuses boucles composent donc les huit morceaux figurant sur ce disque; à commencer par celles figurant sur Music Again. Si son titre peut possiblement évoquer I've Got Your Music ou Over Your Shoulder (deux titres parus sur Words And Music), musicalement on en est à des années lumières. Sur une mélodie terriblement atmosphérique, la voix de Sarah Cracknell répète inlassablement « never had a way to go » sur un sample de Honeyz, Love Of A Lifetime.

L'entrée en scène a vraiment de quoi surprendre, et celle-ci est pourtant assez évocatrice de la suite de l'album que ce soit en termes de rythme, de son, mais aussi sur ce qu'on peut attendre du chant de l'anglaise sur le disque. Car en effet, comme précisé auparavant, point de tube dansant ou calibré pour les radios ici, ce qui signifie également que vocalement il ne faut pas s'attendre à des couplets/refrains chantés, mais plutôt de nombreuses répétitions de phrases.
I've Been Trying To Tell You possède une forme bien plus énigmatique qu'on peut l'imaginer. Le beat de Pond House peut peut-être rappeler Wilson, en guise de clin d'œil au premier album du groupe, mais cela s'arrête là. Sur celle-ci sur figure la voix de Natalie Imbruglia (« here it comes again... »), samplée bien entendu.

La progression de cet album en fait quelque chose de littéralement inédit, s'apparentant à une bande originale de film, alors que ce n'en est pas du tout une, même si un film a bien été conçu en parallèle. Ce disque a des accents de fin d'innocence, du passage de l'adolescence à l'âge adulte ou comme lors d'une fin d'été lorsqu'on souhaiterait conserver au fond de soi des moments inoubliables en sachant que plus rien ne sera jamais comme avant. C'est ce que semble signifier I Remember It Well, parfait moment de nostalgie merveilleusement conçu. Penlop qui lui fait suite touche une fois encore sur le versant émotionnel notamment par sa progression sur laquelle les vocalises de Sarah Cracknell nous bouleversent. Broad River, le final du disque, et ses sons de guitares éthérées nous emportent au bout de quelque chose dont on ne sait plus si cela relève du rêve ou de la réalité.

Saint Etienne réussissent donc joliment leur comeback avec un disque qui surprendra pas mal de fans habitués à quelque chose de musicalement très différent. Malgré ses huit titres, ce dixième album se déclinera en de nombreuses éditions augmentées de morceaux supplémentaires (Boxset avec 10" bonus, vinyle, CD bonus de remixes chez Rough Trade...) qui sauront ravir les aficionados du groupe. Joliment calibré pour une fin d'été (voire un début d'automne), I've Been Trying To Tell You arrive à point nommé en ce début de mois de septembre.