Jarvis Cocker

Jarvis Cocker nous gâte. Un peu plus d'un an après l'excellent Beyond The Pale de JARV IS..., nous avons droit à un nouvel album. D'un naturel plutôt lent, il nous fallait généralement attendre plusieurs années entre deux de ses productions. Dans le cas de Chansons d'Ennui Tip-Top, l'ex-chanteur de Pulp a dû parfaire son français, mais il n'a pas eu à écrire les morceaux puisqu'il ne s'agit que de reprises de la chanson française des années 60.

Jarvis, qui a étudié le cinéma à la Saint Martin's School Of Art, vécu à Paris et toujours eu un goût marqué pour les années 60s, était le candidat idéal pour cet album compagnon du film The French Dispatch de Wes Anderson. La "vraie" bande originale est signée Alexandre Desplat, qui avait rapporté un Oscar au réalisateur pour la musique de The Grand Budapest Hotel. Dans le film (ndlr : que je n'ai pas encore vu), on peut juste entendre Aline de cet album, en compagnie des originaux d'autres classiques français de Charles Aznavour ou Chantal Goya (période Jean-Luc Godard, pas Bécassine).


Cela fait quinze ans que Wes Anderson et Jarvis Cocker se connaissent et qu'ils échangent des playlists. L'occasion de collaborer était trop belle pour la laisser filer. Le choix des titres est en lui seul un joli travail, mêlant classiques (de Brigitte Bardot, Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc, Dalida...), chanteurs plus obscurs (Claude Channes, Max Berlin), et clins d'oeil cinématographiques (Mao Mao entendu dans La Chinoise de Godard, Requiem Pour Un Con dans Le Pacha et le duo Alain Delon/Dalida pour Paroles, Paroles).

Jarvis Cocker se prête au jeu, parfois un peu trop, les interprétations étant souvent très proches des originales. Amour Je Te Cherche est le titre le plus éloigné de sa VO : il a été traduit en français (ndlr : Nino Ferrer et Radiah le chantaient en anglais) et il s'enrichit de violons dissonants me font penser à ceux de Tindersticks, un autre groupe d'expatriés qui parlent français.

Le fantôme de Serge Gainsbourg plane sur tout l'album, et pas seulement sur les morceaux qu'il a écrit. On retrouve tout au long des Chansons d'Ennui Tip-Top les belles orchestrations et la classe désinvolte de ce crooner cabossé qui colle bien à son cousin éloigné de Sheffield. Le petit accent de Jarvis est d'ailleurs très séduisant, et il est amusant de l'entendre chanter Les Gens Sont Fous de Dutronc, ou faire la pin-up sur Contact de Bardot. Laetitia Sadier de Stereolab l'a coaché pour sa prononciation, et elle lui donne la réplique sur une excellente version de Paroles, Paroles.

Plus qu'une curiosité, ou d'un complément érudit du film, Chansons d'Ennui Tip-Top est un véritable album avec des chansons merveilleusement écrites, interprétées avec plaisir, et un twist d'impertinence qui va bien à l'époque de référence.