Poppy Ackroyd

La compositrice de Brighton, Poppy Ackroyd, et son piano divin sont de retour avec un quatrième album composé en portant son nourrisson endormi dans son écharpe porte-bébé, pendant un confinement. Autant dire qu'elle avait peu de possibilité d'ajouter de nombreux arrangements multi-instrumentaux et d'avoir accès à une foultitude de claviers différents, comme pour son dernier disque en date. Pause a été écrit pour être joué à deux mains uniquement, en solo sur un unique piano qui n'a jamais aussi bien sonné.

L'impression d'être dans un auditorium abritant le meilleur piano du monde est bien là, alors que l'on écoute simplement cet album sur une installation de qualité correcte. On trouve une sorte de quintessence dans le rendu sonore du clavier, comme s'il était frôlé avec une délicatesse extrême. Lorsqu'il s'envole, il semble que l'on n'attendait que cela pour le ressentir encore davantage. Une certaine puissance s'en dégage, tenant à un folk écorché sur un disque pourtant néo-classique : une d'envie d'en découdre, une utilisation rebelle d'un instrument classique. Le calme brusquement interrompu par une torpeur, ressort des compositions parfois méticuleuses et fébriles, parfois pris dans la frénésie et l'envoûtement. On ne sait jamais vers quelle direction le piano va évoluer avec ces échappées vers d'autres sonorités, semblant évoquer une fuite en avant, une quête sans fin dans une bousculade pleine de rebondissements.

L'émerveillement se fait sentir dès le titre d'ouverture avec ces montées de notes si nombreuses donnant une impression de foisonnement, entrecoupés de passages plus introspectifs où le piano semble se languir, restant dans une certaine attente. Les passages du clair à l'obscur nous font transiter par de nombreuses émotions, sur la base d'un simple piano. Sur Suspended, les cordes de l'instrument sont manipulées directement à la manière d'une harpe pour façonner la rythmique intrigante et mélancolique du morceau. Murmurations prend son contre-pied avec une accélération marathon qui tente de nous perdre sous les montées de notes malicieuses. Sur l'introspective Pause, on ne sait jamais si ce flottement délicat est le reflet d'un marasme ou d'une légèreté. Release libère une certaine joie de vivre atteignant une sorte de perfection. On a parfois l'impression d'avoir à faire à une bande originale de film d'angoisse comme sur Impulse et son tourbillon de notes aussi surprenantes que géniales. Les sonorités pop ne sont parfois pas si loin comme sur la mélodie de Stillness qu'on aurait presque aimé voir prolongée par un chant.

Ce disque de Poppy Ackroyd est une douceur voluptueuse pour les oreilles. Si vous voulez vous sentir descendre dans un toboggan cotonneux en provenance des nuages, écoutez-le.