Blood Red Shoes

Après quelques pérégrinations chacun de leur côté, en tant que producteur pour Steven Ansell, projets radios et un magnifique album solo pour Laura-Mary Carter, voici les deux comparses de Blood Red Shoes de retour pour GHOSTS ON TAPE, nouveau LP qui marque leur dix-septième année ensemble.

La recette de ce nouveau disque est peu ou prou la même que sur les albums précédents. Grosse production pour soutenir le son lourd et nerveux de leurs compositions de ce rock hybridé à la sauce électro dark limite indus. Blood Red Shoes ne renouvellent pas vraiment un style éculé, il est vrai peu évident à dépoussiérer, et malheureusement on tombe sans réelle surprise sur des sonorités passéistes totalement dénuées d'un éventuel charme rétro. À plusieurs reprises ce GHOSTS ON TAPE va même flirter dangereusement avec quelque chose de franchement has-been. Ainsi, si Sucker est plutôt un bon morceau, le son du clavier qui forge le thème de la mélodie est discutable et nous fait revenir quelques dizaines d'années en arrière.

Lorsque le duo réussit à s'affranchir de ces sonorités, il peine à ne pas en faire des caisses pour durcir le trait. Ainsi, Morbid Fascination est noyé sous une orgie d'effets et une production d'une lourdeur telle qu'elle en gâche un morceau pourtant à la base intéressant. Cette technique était novatrice et apportait quelque chose de vraiment fort il y a trente ans sur les albums de Curve. Trois décennies plus tard, le rendu est plutôt indigeste. Même constat lorsque Steven Ansell nous fait maladroitement part de ce chant énervé de saturation sur I Am Not You. Il est absolument interdit de se faire passer pour Trent Reznor si l'on n'est pas Trent Reznor sous peine de flagrant délit de pâle copie vulgaire. Le parallèle ne s'arrête pas là puisque l'intro de ce thème bancal au piano électronique sur Comply nous ramène sur la marque de fabrique de Nine Inch Nails. Malheureusement tout cela est singé de façon trop grossière pour fonctionner, et il faudrait être aveugle pour ne pas voir ces fils bien trop gros. Blood Red Shoes n'ont ni le talent de production, ni le génie musical de Trent Reznor, et cette promptitude à vouloir copier laisse une impression malaisante.

Lorsque l'on arrive enfin à se défaire de ce désagréable sentiment, on fait face à des titres plutôt ternes, à l'image de ce Murder Me, ou Give Up et son passage ambiant incompréhensible malgré sa mélodie touchante. Au final tout cela n'est pas bien engageant, et il faut attendre la fin de l'album pour sortir du marasme et enfin apercevoir une éclaircie. Ainsi l'excellent I Lose Whatever I Want et Dig A Hole ont quelque chose de rafraîchissant et parviennent à éviter la sortie de route totale. Ce dernier titre en particulier est assez singulier avec son petit côté américain qui écarte enfin le groupe d'un schéma répétitif un peu lourdingue.

Malgré tout, GHOSTS ON TAPE ne laisse pas une bonne impression, la faute à un ensemble vraiment trop stéréotypé et dépassé pour convaincre. Cette manie à vouloir muscler ces morceaux dark par une production massive est vraiment trop grossière et tombe complètement à côté de son sujet. On se demande ainsi si la solution ne serait pas d'épurer le tout, sortir de ce carcan, tant le talent d'écriture du duo n'est pas à remettre en cause. Ce sentiment est plutôt conforté par l'excellent album solo de Laura-Mary Carter sorti quelques semaines plus tôt, qui prouve que dépouiller des compositions ne veut pas dire perdre en puissance émotionnelle. Pour l'instant, Steven Ansell n'en est pas convaincu, ou plus probablement, ce n'est pas le chemin que souhaitent prendre Blood Red Shoes.