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Sault

Air

Sault - Air
Chronique Album
Date de sortie : 15.04.2022
Label : Forever Living Originals
4
Rédigé par Franck Narquin, le 2 mai 2022
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Après Nine, album sorti l'année dernière avec une durée de vie de 99 jours, Sault, toujours aussi énigmatiques et secrets, sortent sans crier gare leur nouveau projet intitulé Air et sur lequel ils cultivent l'art du contrepied comme jamais. Si on commençait à bien cerner l'univers musical de Sault, fusionnant avec joie et créativité la soul et le funk avec le post-punk et l'electronica, les anglais opèrent ici un virage à 180 degrés.

Les sept morceaux quasi exclusivement instrumentaux, aux orchestrations grandiloquentes, semblent tirés d'une bande originale d'un film imaginé. La première écoute a de quoi dérouter tant les influences tirent vers le néo-classique et les musiques de films hollywoodiens mainstream. On est bien loin des expérimentations de Mica Levi pour le génial Under The Skin de Jonathan Glazer et on a même parfois l'impression d'écouter la bande son de Fantasia.
Il faut néanmoins savoir dépasser cette première impression et se laisser guider par Inflo, producteur surdoué et tête pensante de ce collectif à géométrie variable. Bien que livré sans aucune note d'intention (pas un dossier de presse ou une interview pour nous donner quelques pistes de lecture), on réalise vite que Air ne se limite pas à une simple expérience atmosphérique et cinématographique mais s'apparente plutôt à un mini-opéra, dévoilant au fur et à mesure toute sa complexité grâce à une production riche et subtile qui apporte par petites touches une réelle modernité à cet objet d'apparence classique. Qui dit opéra, dit narration, nous nous sommes donc laissés aller à une interprétation toute personnelle de Air et ses sept morceaux décrivant les sept étapes d'une histoire d'amour.

Sur Reality, tout en cordes et cuivres tendus, les staccatos des cœurs masculins et féminins semblent s'affronter dans une ambiance sombre et mélodramatique. On en est encore au stade du célibat. Air, évoque la première rencontre, légère comme une bulle, où les cœurs menaçants du morceau d'ouverture se font désormais accueillants et les voix saccadées prennent des accents bien plus suaves. Tels Dorothy, nous passons en un claquement de doigts de la tempête angoissante d'une ferme du Kansas et son noir et blanc granuleux au technicolor flamboyant du Pays d'Oz. On assiste ensuite à la naissance de l'amour avec Heart qui démarre tout en douceur au son fragile d'une harpe avant de s'enflammer peu à peu et de déployer grand ses ailes sur une orchestration flamboyante.
Ces trois morceaux d'ouvertures font place à Solar, pièce centrale de douze minutes trente, se présentant comme une œuvre autonome découpée en plusieurs chapitres, tantôts tendres, tantôt fougueux, mais toujours solaires, la vie de couple en somme.

Quoi qu'encore légère, la mélancolie pointe le bout de son nez sur Time Is Precious. A ses deux tiers, les cœurs se taisent avant de repartir dans un gospel évoquant les Sunday Service de Kanye West, sur lequel Cleo Sol vient poser sa voix de velours. Ce petit aparté soul nous rappelle que l'on écoute bien un album de Sault. Le ciel se fat sombre et les disputes éclatent sur June 55. Les tonalités graves et dissonantes évoquent les duels à couteaux tirés. Bien que le morceau se termine sur une note légère, presque apaisé, le mal est fait, il faut passer à autre chose. C'est exactement ce que fait Luos Higher, intégrant des guitares africaines appelant à un ailleurs et à un nouveau départ.

Avec Air, Sault propose une expérience déroutante qui devrait en laisser plus d'un à la porte mais qui s'avère être un passionnant voyage pour les auditeurs curieux et les cinéphiles mélomanes.
tracklisting
    01. Reality
  • 02. Air
  • 03. Heart
  • 04. Solar
  • 05. Time is Precious
  • 06. June
  • 07. Luos Higher
titres conseillés
    Air – Time is Precious – Luos Higher
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