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Pit Pony

World To Me

Pit Pony - World To Me
Chronique Album
Date de sortie : 01.07.2022
Label : Clue Records
3
Rédigé par Adonis Didier, le 30 juin 2022
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Pit Pony, Poney Minier dans la langue de Zola. Comme dans Germinal, les poneys tirent des chariots de charbon sous des centaines de mètres de terre, rarement voire jamais remontés, et laissés à leur sort dans l'obscurité et les émanations gazeuses, sous la menace constante des éboulements et des inondations de galeries.

Vous l'aurez compris, on n'est pas là pour se marrer. L'ambiance chez Pit Pony est post-punk et garage, Joy Division dans un train de la mine. Comme quoi, grandir à Newcastle, ça laisse des traces. Si on reprend du début, Pit Pony ce sont donc cinq lads de Newcatle-Upon-Tyne, éminente cité minière du tout nord de l'Angleterre, d'où le nom du groupe. Andrew et Garth à la guitare, Joey à la batterie, Potter à la basse, et pour finir, Jackie au chant. Pour la mise en cases, le groupe se définit sur son site web comme du north-east fuzz-rock, mais les écoutes répétées nous poussent plutôt à sortir la boîte un peu réductrice du post-punk, tout en entendant du garage, du punk en prose façon IDLES, et même du post-rock.
Ça fait beaucoup de styles pour un seul groupe, mais tout cela s'est-il habilement retrouvé mélangé dans un seul nouveau genre musical briton que l'on définirait par « du Pit Pony » ? En fait, pas vraiment. Et c'est un petit peu là que le bât blesse (non, pas la chauve-souris). On a du garage punk déclamé sur Black Tar et Just That, comme des coups de pompes en pleine face, pedal to the metal. Puis du post-punk Joy Divisionesque sur, au choix, Supermarket ou Underwater. Et enfin du post-rock beaucoup plus lent, aéré, et planant, sur World To Me et Best Is Yet.

Ce qui saute aux yeux sur ce premier album, c'est, ne nous le cachons pas, l'identité encore floue qui peine à se maintenir le temps de quarante-cinq minutes et douze chansons. Et puis, assaillis que nous sommes dans l'écoute par cette vague de doute, apparaît la lumière. Tide Of Doubt, la première chanson de l'album, repassée une deuxième, puis une troisième, puis allez une quatrième fois pour la route, trouve enfin la formule. Le riff d'intro est lourd, plein de gras et de fuzz. Le couplet, un peu noise en fond, se trouve totalement post-punk dans l'esprit sombre et constamment en mouvement, au groove rebondissant comme des pas sur le trottoir mouillé. Puis vient le refrain. Ça saute, ça bouge, ça pop. La voix de Jackie est au moins triplée, remplie ce qu'il faut de reverb par les ingés son, la mélodie ultra efficace, accrocheuse, le tout débité sur un rythme frénétique, et on voit Blondie apparaître en rétroprojection sur la cornée, image sans doute renforcée par une proximité vocale momentanée entre Jackie et Debbie Harris. Un pont inquiétant, lourd, lent, à la basse distordue, vient ralentir le temps, sublimant un refrain final qui reprend sa course effrénée vers le single parfait.
At last, toutes leurs influences se trouvent mêlées en une seule chanson, et on se prend à tomber en amour d'un soir avec le style Pit Pony. Et le style Pit Pony, c'est un talent purement anglais pour la mélodie pop, recouvert de fuzz, et projeté sur un grand huit de basse et de batterie post-punk. Le contraste, ce petit ingrédient qui nous manque tant sur une bonne partie des chansons, c'est évidemment là où les cinq membres du Poney Minier excellent : preuves en sont Sinking et cette ambivalence entre lourdeur rock et douceur pop, et Cold, qui reprend en partie la formule de Tide Of Doubt avec ses couplets lourds et son refrain hyper-propulsé.

Enfin, comment ne pas au moins un peu détailler Supermarket ? Oui c'est sans aucun doute du post-punk. Et oui, j'ai inclus plus haut cette chanson dans la case « manque d'identité propre » du pour ou contre. Mais si les Pit Pony sont capables de reprendre un style comme s'ils l'avaient créé eux-mêmes, c'est sans aucune hésitation le post-punk. Underwater, trois chansons plus loin, en est déjà un bel exemple, mais Supermarket pousse l'expérience à un tout autre niveau. On suit comme une obsession la montée en puissance et en cadence des musiciens tout au long des cinq minutes pendant lesquelles Jackie va déclamer en boucle le même mantra brisé concernant cet ex qui ne quitte pas ses pensées. Rarement une structure musicale aura aussi bien exprimé les paroles hantées qui l'habite, et une fois les trois-cent-vingt secondes écoulées, on en monterait presque des versions de dix heures si notre conscience ne nous interdisait pas à nous aussi de ressasser en boucle les bons moments passés.

Qu'est-ce qu'on attend de Pit Pony, maintenant ? En premier lieu des concerts abrasifs, si possible en France, parce que le nord de l'Angleterre c'est un peu comme mélanger la Bretagne et le Pas-de-Calais, donc voilà... Et ensuite et surtout, de revenir avec un deuxième album plus mature, plus sûr de lui, exprimant pleinement une spécificité et une identité trop peu entrevue au cours de World To Me. Cela dit, nul doute que Pit Pony mérite déjà sa place aux côtés de la nouvelle vague de punks anglo-irlandais à chanteuse : Black Honey, Sprints, GHUM, The Mysterines, et consorts.
tracklisting
    01. Tide Of Doubt
  • 02. Black Tar
  • 03. Sinking
  • 04. See Me Be
  • 05. World to Me
  • 06. Wish You Would
  • 07. Cold
  • 08. Supermarket
  • 09. Best Is Yet
  • 10. Just That
  • 11. Underwater
  • 12. Profit
titres conseillés
    Tide Of Doubt, Cold, Supermarket
notes des lecteurs