Pulled Apart By Horses

La quête d'une identité ou de personnalité est un exercice parfois délicat dans l'art. L'idée est de s‘alimenter d'influences diverses et s'en servir pour nourrir son propos et le rendre unique. L'opération est bien souvent plus facile à conceptualiser qu'à mettre en pratique. Concernant le groupe Pulled Apart By Horses, deux cas de figures sont possibles. Soit nos gars de Leeds se cherchent encore, soit la perspective de paraître un tant soit peu original leur est totalement étrangère, et le problème ne se pose même pas. Cette deuxième hypothèse a de quoi laisser perplexe. La singularité de ce groupe résiderait-elle justement dans une volonté farouche de ne pas chercher à se démarquer, à imposer une touche, et revendiquer résolument un mimétisme avec des sonorités, des styles éculés ?

Ce Reality Cheques, cinquième album du groupe depuis le premier LP en 2010, ne va certainement pas changer la donne, tant il dévoile des titres baignés dans un rock poussiéreux, déjà-vu, revu et franchement vieillot. Certes, la production très ronde et léchée ne parvient pas à masquer l'illusion d'un rock garage de la bonne époque. Pourtant, Pulled Apart By Horses se donnent vraiment du mal pour ne pas être originaux à l'image de ce Rinse And Repeat bien nommé qui fleure bon le réchauffé d'un rock n'roll 70 pré-punk.
Parfois, on est dans une quasi totale immersion d'un punk pur jus comme sur le single plutôt réussi Sleep In Your Grave. Parfois, Pulled Apart By Horses s'amusent à flirter dangereusement avec le grotesque. Avec Devil Inside, on pensait certains riffs définitivement rangés, mais voici que le groupe s'amuse à les ressortir sans les dépoussiérer pour autant. On remarquera que ce n'est pas non plus les paroles qui aideront à lustrer un tant soit peu l'ensemble, et les hésitations sont fortes entre les banalités ou les stéréotypes rock, quand ce ne sont pas les deux en mêmes temps.

Mais à bien y réfléchir, le problème ne vient-il pas de vous ? La musique ne repose pas uniquement sur les vocalises d'un Jeff Buckley, ou les pensées de Bob Dylan. L'art ne se limite pas à la démarche conceptuelle bruitiste de Throbbing Gristle, ou aux expérimentations noisy de Sonic Youth ou The Jesus And Mary Chain. Si vous arrêtiez un instant de tout intellectualiser peut-être pourriez-vous enfin apprécier Pulled Apart By Horses à sa juste valeur. N'oubliez pas que le rock c'est aussi, et peut-être avant tout, une bande de gamins et gamines qui forment un groupe pour impressionner leurs camarades de bahut.

Nous conviendrons que, dans le cas présent, nos protagonistes semblent avoir redoublés une paire d'années, ou se contentent simplement de déballer un rock certes désuet, mais terriblement nerveux et accrocheur. Bien sûr tout cela est très prévisible, mais la montée crescendo sur Pipe Dreams est plutôt bien sentie, et sur Positive Place, difficile de ne pas se laisser emporter par le côté festif et insouciant qui est prégnant sur tout l'album. Ainsi donc, Pulled Apart By Horses font irrémédiablement penser à de jeunes lycéens qui ne veulent pas grandir. Il vous faudra partir de ce postulat ou passer votre chemin, car jamais vous ne serez en mesure de supporter ce déballage de vieilleries, dont l'énergie ne peuvent masquer le manque d'âme, d'originalité et de caractère.

Mais ces gars-là ne sont visiblement pas là pour ça et il faut vous y faire. Reality Cheques veut réveiller vos instincts primaires, et vous faire bouger frénétiquement, un point c'est tout. Mais même en prenant tout ça avec recul et sans sérieux, c'est malheureusement trop faible et beaucoup trop redondant.