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Plaid

Feorm Falorx

Plaid - Feorm Falorx
Chronique Album
Date de sortie : 11.11.2022
Label : Warp Records
45
Rédigé par Franck Narquin, le 8 novembre 2022
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Après plus de trente ans de carrière, dont la plupart passées au sein de l'écurie Warp et à l'occasion de la sortie du onzième album de Plaid, on se dit qu'Ed Handley et Andy Turner n'occupent peut-être pas la place qu'ils méritent au panthéon de la musique électronique. Souvent dans l'ombre de leurs brillants congénères, Aphex Twin, Squarepusher ou Autechre, leur influence sur plusieurs générations de producteurs n'en est pas moins importante. Avec leur premier groupe The Black Dog, aussi culte que méconnu et pionnier de l'IDM (pour « Intelligent Dance Music »), les deux anglais ont posé quelques jalons de l'électro à l'orée des années 90. Si on les a connus collaborateurs de Björk à sa grande époque ou auteurs d'excellents projets solos sous les alias Atypic et Balil, c'est bien sous le nom de Plaid, qu'ils ne cessent depuis tant d'années d'explorer les infinies possibilités des sons synthétiques.

D'une régularité métronomique et à un véritable rythme de sénateurs, Plaid sortent un nouvel album tous les trois ans. Sans opérer de grand écart (on n'est pas chez Mount Kimbie non plus), ils s'acharnent sur chaque nouveau projet à proposer de nouvelles pistes artistiques, toujours à l'affut des dernières innovations technologiques. Leur dernier né, Feorm Falorx, est présenté comme un concept-album dans lequel le duo se téléporte en tant que corps de lumière sur la planète Falorx pour jouer un live intergalactique à Feorm, festival sans fin. On sent ici clairement l'impact du confinement avec son lot d'expérimentations de nouvelles formes de concerts en ligne. Il est toutefois inutile de vous ruer immédiatement sur Dice (cette appli aussi pratique pour prendre ses places qu'agaçante pour les revendre ou les partager) car on nous dit que les billets ne seront en vente que chez votre dealer de quartier.

Poussant le concept jusqu'au bout, les visuels de l'album ainsi que les vidéo clips à venir ont été élaborés à l'aide de technologies alliant intelligence artificielle et images de synthèse, un roman graphique devant paraître sous peu afin de faire émerger la planète Falorx tout entière. On pourra trouver le principe amusant, novateur ou fumeux, il témoigne néanmoins de la volonté farouche de ces vétérans de coller à leur époque et même d'en anticiper son évolution.
Après l'angularité sombre de son prédécesseur Polymer, Feorm Falorx dévoile des abords plus accueillants et s'avère nettement plus doux, ludique et accessible. S'inspirant de John Cusack ouvrant une porte menant tout droit dans la tête de John Malkovich, nous avons découvert, peut-être au septième étage et demi de nos locaux de Sound of Violence, un chemin menant aux cerveaux embrumés des deux producteurs et avons pu assister à une de leur représentation au festival Feorm. Tout juste remis de nos émotions, on vous raconte ce trip dans ses moindres détails.

Pour embarquer dans ce voyage, il faut se rendre à Perspex, morceau d'ouverture assurant le service de téléportation vers la planète Falorx. Vous avancez dans un long couloir blanc aux murs matelassés et percevez au loin comme un ruissellement de cordes, vous vous sentez léger comme l'air et commencez tranquillement à flotter. Vous n'êtes désormais plus que lumière, bienvenue à destination, le spectacle va commencer.
Largement inspirés par la musique des années 60 et 70 mais réalisés sur des machines derniers cris, les titres de Feorm Falorx ont été composés dans un esprit qu'on pourrait qualifier de rétro-futurisme high-tech. A peine arrivé, un cyborg vous installe à votre place. Vous siégerez sur une licorne multicolore transgénique créée en 2046 par l'hologramme d'Elon Musk. Tout à coup vous êtes saisis par une irrépressible envie de danser. Ne paniquez pas, c'est simplement l'effet produit par Modenet et sa disco mutante portée par son entêtant riff de synthétiseur et la basse funky de Wondergan. Au centre de la piste de danse, éclairé par des boules à facette, vous ne vous êtes pas senti aussi bien depuis le Studio 54.

N'oubliant pas votre passion pour la musique répétitive, C.A. vous envoûte avec son beat lourd nappé de suaves chants de sirènes. A mi-parcours, les batteries de votre corps de lumière commencent à avoir besoin d'être rechargées. Cwtchr vous offre alors un temps calme au son d'une electronica pointilliste et mélancolique. Regonflé à bloc, votre cœur de rocker vous réclame maintenant de révéler votre côté obscur, ce que ne manque pas de faire Nightcrawler, tendu et sombre à souhait avec sa basse à la Joy Division et ses guitares gothiques. Et comme noir c'est noir, Bowl persiste dans cette veine oppressante. Accompagné par des sons inquiétants accolés à des rythmes syncopés très warpiens, vous marchez dans une étrange forêt et alors que vous vous apprêtiez à vous enliser dans les ronces, des sonorités exotiques viennent apporter de la lumière et vous mène sain et sauf vers sa sortie.

Vous ne rêvez maintenant plus que de soleil. Vous voilà alors sur la plage, face à la mer au son de Return To Return dont les étranges mandolines, comme mutilées, ont un léger parfum de brésil. Mais sous le sable chaud, la terre tangue, vous vous sentez fiévreux. Normal, vous êtes devenu un personnage de la série The White Lotus, enfermé dans un univers paradisiaque qui ne demande qu'à vaciller.
Les orgues ouvrant Tomason vous font un instant croire à votre fin. Vous n'êtes pourtant pas à l'église mais dans une rave. Les basses vous sont étrangement familières, ce sont celles sur lesquels vous dansiez en 1989 à la Haçienda en plein summer of love. Vous êtes prêt à festoyer pourtant vous n'arrivez qu'à danser au ralenti, comme dans un rêve. Les sons métalliques et froids de Wilde I's ne vous rassurent pas. Vous croisez à nouveau ce sympathique Cyborg qui arbore un regard effrayant comme dans ces films de Science-Fiction anxiogènes. A son contact, votre corps de lumière se transforme en robot, tout comme la musique que vous écoutez qui se fait de plus en plus angoissante. Désormais, vous êtes seul au milieu du désert, vous portez une combinaison et un lourd casque de moto. Un autre robot marche lentement derrière vous, il vous débranche et soudainement vous vous retrouvez chez vous.

Ne sachant pas combien de temps ce voyage a duré, vous vérifiez la date du jour sur votre iPhone. Nous sommes bien le 11 novembre 2022, vous vous apprêtez à insérer dans votre platine le nouveau disque de Plaid que vous venez d'acheter au Virgin Megastore des Champs-Elysées mais, les yeux encore brumeux, vous peinez à déchiffrer son étrange titre dont la signification vous échappe alors. Dans un instant vous pénétrerez dans le monde étrange et merveilleux de Feorm Falorx.
tracklisting
    01. Perspex
  • 02. Modenet
  • 03. Wondergan
  • 04. C.A.
  • 05. Cwtchr
  • 06. Nightcrawler
  • 07. Bowl
  • 08. Return to Return
  • 09. Tomason
  • 10. Wide I's
titres conseillés
    Wondergan - C.A - Nightcrawler - Tomason
notes des lecteurs