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Blur

The Ballad Of Darren

Blur - The Ballad Of Darren
Chronique Album
Date de sortie : 21.07.2023
Label : Parlophone
45
Rédigé par Amandine, le 20 juillet 2023
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Entre Gorillaz, The WAEVE, les projets solo et les soundtracks, on se demandait si Blur allaient avoir le temps de se retrouver à nouveau pour enregistrer ensemble. Ils ont pris tout le monde par surprise avec une vidéo en mai annonçant la sortie de leur neuvième album studio quelques semaines plus tard.

L'an dernier, alors qu'il était en tournée, l'hyperactif Damon Albarn a écrit une vingtaine de titres qu'il a présentés au groupe début 2023. La spontanéité a fait le reste et en résulte The Ballad Of Darren avec cet artwork, une photo de Martin Parr, semblant être le pendant désabusé de la jeunesse insouciante présente sur la pochette de The Great Escape, sorti il y a près de trente ans, qui laisse entrevoir un instantané imparable sur le monde comme Blur savent si bien en créer.

The Ballad Of Darren, faisant officiellement référence à Darren Evans, un proche du groupe, semble plutôt être le voyage d'un groupe se retournant sur les quatre dernières décennies. Ce qui frappe d'emblée, ce sont les sonorités mélancoliques, à l'image de The Ballad, qui ouvre l'album, où les cordes et les chœurs entourent Albarn et son baryton si reconnaissable. Parce qu'évidemment, Blur sont identifiables entre tous : qu'il s'agisse de la fragilité et la vulnérabilité du chant, des guitares distordues ou des lignes de basse imparables, la recette est connue, mais les réduire aux pop songs écrites dans les années 90 serait une grave erreur.
J.D. Beauvallet écrivait à ce propos il y a peu dans les Inrocks « Il me fallut des années et plusieurs interviews pour mesurer tous les complexes, la richesse, la créativité et le chaos qu'abrite Damon Albarn. Mais le délit de belle gueule – et celui, en plus, de tête saturée de savoir –, confirmé par des poses langoureuses, joua longtemps contre lui ». Un peu comme leurs comparses de Sheffield, Pulp, ils érigent la pop en étendard de la société et de ses névroses, de ses regrets et de ses peurs.

La nostalgie, au cœur de ces dix titres, n'est cependant pas de celle de musiciens figés dans le passé. The Ballad Of Darren, au contraire, réinvente un style dans lequel le quatuor est plus qu'à l'aise. Parallèlement, le groupe n'en oublie pas pour autant la recette qui a aussi fait son succès, à savoir un titre court, dynamique, rentre-dedans et immédiat comme peut l'être St. Charles Square qui sert d'entrée en scène pour les récents concerts.
La bal(l)ade propose d'errer dans une ambiance de fin de fête de foraine (Far Away Island) comme l'avait déjà fait Death Of A Party à l'époque. On ne saurait expliquer pourquoi ce moment a une saveur de fin de quelque chose et on a du mal à ne pas penser au fait que cet album pourrait être un clap de fin magistral pour le groupe. De la même manière, Avalon, ses changements de rythmes, d'ambiances, voire de tessitures, reste un moment tout à fait particulier, comme suspendu, d'où les protagonistes regardent le temps passé et à venir.

Loin d'être une grosse demi-heure de musique de quinquas nostalgiques du « c'était mieux avant », The Ballad Of Darren est plus un constat ; en ce sens, Barbaric en est la parfaite illustration : on commence sur des sonorités électroniques qui laissent place à la guitare et à ce bonheur de se retourner sur le chemin parcouru. Grand moment de l'album, il mêle une rythmique catchy à un refrain amer « I have lost the feeling that I thought I'd never lose, now where am I going ? ». Tout en finesse et en vulnérabilité, il vient aussi rappeler le pouvoir des lignes de basse d'Alex James.
The Narcissist, premier single, est la bande son parfaite pour faire un résumé. Chaque membre apporte sa spécificité, du storytelling parfait posé par un baryton de plus en plus maîtrisé, une ligne de basse et une batterie qui emportent viscéralement l'auditeur et un son toujours légèrement distordu de guitare pour nous rappeler l'importance de Coxon dans un groupe souvent réduit, à tort, au simple nom de son frontman.

Blur, c'est aussi bien remplir Wembley que se produire dans une petite salle de Colchester ayant vu leurs débuts, c'est à la fois hurler sur Song 2, chanter des « lalala » sur For Tomorrow et pleurer sur Tender ou The Universal. Longtemps étriqués dans un carcan britpop bien trop serré pour eux, les comparses reviennent avec un album venant boucler la boucle, marquant l'intemporalité de leur musique, cette pop intelligente et audacieuse, jetant un œil aiguisé sur ce qui les entoure. Ils se nourrissent de leurs expériences passées, en dressent un bilan, parfois acerbe, et contemplent le monde, constatant leur impossibilité à changer le chaos mais réussissant malgré tout à en extraire toute sa beauté.

En résulte un album beau, mélancolique et contemplatif hissant la pop des Anglais au sommet.
tracklisting
    01. The Ballad
  • 02. St. Charles Square
  • 03. Barbaric
  • 04. Russian Strings
  • 05. The Everglades (for Leonard)
  • 06. The Narcissist
  • 07. Goodbye Albert
  • 08. Far Away Island
  • 09. Avalon
  • 10. The Heights
titres conseillés
    The Narcissist, Far Away Island, Barbaric
notes des lecteurs
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