The Clientele

En été, nous avons généralement des To Do Lists prêtes à nous occuper sur la plage, dans le hamac du jardin ou planqués dans le mobile home du camping de Palavas-les-Flots pour échapper aux animations gênantes. Piles de livres entassés depuis des mois, de CDs ou vinyles toujours pas déballés, nous les avions mis soigneusement de côté pour ces moments fugaces de liberté. Du temps libre pour ne rien faire, si ce n'est écouter le disque d'un groupe qui nous était jusque là inconnu. Quelle surprise alors de réaliser que The Clientele ne sont pas des débutants, qu'ils nous proposent un double disque en guise de neuvième album studio et que leur petit monde se révèle être d'une incroyable richesse. Adieu les séances de végétation dans le transat, bonjour l'exploration de l'univers psyché-pop des londoniens car, comme dit très souvent dans ces colonnes, il n'est jamais trop tard pour se lancer.

Nous faisons ainsi la connaissance de Alasdair MacLean, Mark Keen et James Hornsey, alias The Clientele version 2023, le groupe ayant connu plusieurs turn-overs depuis sa formation en 1991. C'est une carrière ponctuée de quelques hiatus que The Clientele, établis dans la banlieue de Londres, mènent maintenant depuis plus de trente ans. I Am Not There Anymore, double disque de dix-neuf titres, apparait comme un album concept où l'on nous guide dans un pays aux frontières poreuses entre réalité et rêve, construit autour d'un voyage nous menant dans un univers pas vraiment identifiable, prenant place dans une ambiance pop très aérienne à l'orée du psychédélisme. Cette atmosphère est le fruit d'une orchestration très riche, de consonance plutôt classique avec force piano, instruments à cuivre et à vent, et quelques aditions plutôt atypiques tel le celesta.


Aborder un tel travail de titan n'est pas chose aisée. On connaît la méfiance envers les doubles albums, souvent identifiés comme indigestes dans notre société du tout instantané. Or, The Clientele sachant se faire attendre, on ne peut bouder un tel effort. Le travail ayant été entamé en période de COVID-19, c'est un témoignage de tout ce qu'ont traversé les membres du groupe, une réflexion sur le concret comme l'abstrait et les drames inévitables de la vie comme la mort d'une mère (celle évoquée très pudiquement par Alasdair MacLean), cette sensibilité apportant beauté et profondeur au disque.


Le titre d'ouverture, Fables Of The Silverlink, est une entrée en matière qui en impose. En huit minutes et trente secondes, tout l'univers porté par I Am Not There Anymore y est dévoilé. The Clientele semblent s'être déjà faits connaître pour leur musique toujours extrêmement soignée et leur inventivité qui ne s'est jamais démentie. Entrecoupés d'interludes soit simplement au piano (la série des Radial) soit par des passages en spoken word énigmatiques déclamés par la chanteuse Jessica Griffin, les titres sont tous imprégnés de cette tendance chimérique.
Garden Eye Mantra, Lady In Grey, Blue Over Blue ou Dying In May nous orientent sur des chemins aux senteurs d'encens mais sans jamais tomber dans le caricatural. C'est beau tout en étant presque exotique, nos oreilles étant plutôt versées dans le fougueux post-punk qui foisonne en ce moment. D'autres titres tendent plutôt vers la pop mélodieuse et faussement candide qui faisait le bonheur de nos parents et grand-parents lors de la domination des groupes anglais dans les années 60. Ce sont des accents Beatles-esques qui dominent dans des morceaux tels Claire's Not Real, Hey Siobhan, Through The Roses et le fabuleux Stems Of Anise. On se contente de citer les maîtres en la matière mais les influences sont beaucoup plus vastes et The Clientele nous les renvoient de façon particulièrement intelligente.

Se lancer dans l'aventure I Am Not There Anymore nécessite un peu de temps, un tel ouvrage réclamant de la patience pour s'approprier toutes les petites perles qu'il recèle. Et si comme votre chroniqueuse vous l'abordez en totale néophyte, c'est une expérience assez intense qui vous attend. Le retour sur scène de The Clientele étant annoncé à Paris à Petit Bain le 1er octobre prochain, le rendez-vous est pris pour vérifier si les belles émotions ressenties à l'écoute de cette odyssée musicale seront tout aussi palpables en live.