Heavy Lungs

Les fans d'IDLES devaient certainement s'interroger sur ce bon vieux Danny Nedelko. Mais qui peut bien être ce frère d'armes dont Joe Talbot vante les mérites en 2018 dans le single du même nom sur l'album Joy As An Act Of Resistance ? Si les années ont largement dévoilé les mystères qui entourent le personnage, il était temps d'en savoir un peu plus sur la formation dont il est le leader.

Le bien nommé All Gas No Brakes est donc le premier album du groupe. Celui-ci est plutôt bien nommé car il ne souffre de quasiment aucun temps mort. Cet album est un mur qui vous tombe dessus, une déflagration qui oscille entre un post-punk nerveux et une base parfois purement punk, comme sur ce 2 Hot 2 Ride qui vous ramène quarante ans en arrière. Quelques accords de guitare, une rythmique survitaminée, les vociférations de Nedelko et le tout est pesé-emballé. Une claque qui n'invente rien mais dont l'efficacité n'est pas à mettre en défaut.
La dynamique de l'ensemble est construite sur ce paradigme clair et sans ambages. Il est question de vous bousculer in media res et de vous remuer dans tous les sens. À cet égard, ce Rock, Papers, Scissors ou le très lourd Dancing Man ne devraient pas louper leur cible.

Pourtant, sans se départir de son énergie, Heavy Lungs savent parfois adoucir leur propos, à l'image d'Angle Grinder, et surtout du surprenant Plagiarism aux relents post-punk plus conventionnels. Voilà pourtant qui laisse entrapercevoir une porte de sortie plutôt intéressante pour la bande de Nedelko. Ces gars démontrent ici qu'ils ont tout pour ne pas devenir un simple gang de cogneurs voué tôt ou tard à tourner en rond faute d'idées. Plagiarism est extrêmement bien pensée et bien réalisée. Il s'échappe une ambiance oppressante et tendue. Le chant plus retenu est enveloppé par des claviers discrets et personne ne cherche à prendre le dessus. Surtout, Danny Nedelko est réellement convaincant, tant ici dans un rôle moins en force, que lorsqu'il veut tout arracher.

N'allez pourtant pas croire qu'il faut attendre que Heavy Lungs ralentissent le pas pour devenir intéressant, car on l'aura compris, Plagiarism est un des rares îlots au milieu de toute cette furie. Dès l'attaque de l'album, Matryoshka prouve que le groupe ne fait pas n'importe quoi. Même remarque sur le psychédélique It's Been avec son riff ravageur absolument jouissif. Il y a dans ce All Gas No Brakes une volonté d'aller au plus vite, une immédiateté punk qui est profondément satisfaisante.
D'aucuns verront un petit quelque chose des Melvins, et forcément, dans une certaine mesure, une version moins cérébrale d'IDLES, avec le même désir de contact physique. Ainsi, l'excellent Sometimes People Just Explode pourra dans une certaine mesure vous rappeler quelques intentions de Crawl!. Pourtant, faire un parallèle brut et définitif avec le groupe de Joe Talbot serait une erreur et il vous faudra creuser plus pour vous rendre compte que Heavy Lungs tracent leur propre chemin.

Bien sûr vous n'avez là rien de foncièrement révolutionnaire, mais la détermination de sa musique et l'engagement rageux sans faille de Danny Nedelko, doublé de ce délicieux accent, méritent définitivement votre attention. Cet album est véritablement intéressant, et surtout, pourrait poser les bases d'un groupe qui a le nécessaire pour compter. À suivre de très près.