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Erotic Secrets Of Pompeii

Mondo Maleficum

Erotic Secrets Of Pompeii - Mondo Maleficum
Chronique Album
Date de sortie : 25.01.2024
Label : Deaf Endling Collective
3
Rédigé par Franck Narquin, le 21 janvier 2024
Avec leur esthétique baroque, leur goût pour la démesure et les accoutrements fantasques, un nom qui évoque les éruptions autant sexuelles que volcaniques et les orgies romaines, le quintet de Bristol Erotic Secrets Of Pompeii (Erotic Secrets Of Pompeii pour les intimes et amateurs d'acronymes) se présentent comme le groupe le plus déjanté d'Angleterre.

Se réclamant du mouvement Panique de Roland Topor, Fernando Arrabal et Alejandro Jodorowsky ainsi que du Pop-Art, Erotic Secrets Of Pompeii citent en référence Lynch, Dali, Bacon, Blake, Cronenberg ou Mapplethorpe autant que Devo, Talking Heads, Roxy Music, The Fall ou encore Electric Six dont ils ont assuré la première partie et se définissent eux-mêmes comme un groupe d'« Apocalyptic Lounge Act ». Vous n'avez aucune idée de ce que cela veut dire ? On citera donc le film cu-culte Les Rois du Patin, samplé par Kanye West et Jay-Z dans Niggas in Paris : « No one knows what it means put it's provocative. No it's not ». Forts de telles références racées, Erotic Secrets Of Pompeii se veulent arty, étranges et sauvages. A l'image de leurs vidéo clips qui lorgnent vers le do-it yourself bricolo et décalé à la Gondry mais dans lesquels le groupe n'a aucune autre idée que de se déguiser, rouler des yeux et grimacer pour jouer la folie, leur univers esthétique « fou fou fou » n'est qu'un petit packaging bidon du niveau d'un spectacle de fin d'année de lycéens interprétants le Rocky Horror Picture Show et qui pensent être de gros déglingos parce qu'ils sont allés à la séance de minuit au Studio Galande et ont pu balancer du riz, du papier toilette et un peu d'eau pendant la séance.

Je te l'accorde John, ces propos comportent une grande part de subjectivité, sauf en ce qui concerne leurs vidéo clips qui sont objectivement claqués au sol. Par ailleurs, je t'invite à aller voir leurs photos sur leur compte Instagram où sur chacune d'elles le chanteur grimace avec une outrance à faire passer Danny Boon pour James Stewart. De toute façon, tout ce qu'on vient de voir ci-dessus n'a aucune espèce d'importance. Si je n'avais pas dû chroniquer le disque, je pense que je n'aurai pas ouvert plus loin la porte du magasin tant leur imagerie flaire le marketing mal maîtrisé. Si au contraire John, tu y adhères pleinement, tu remarqueras vite que leur ramage ne se rapporte guère à leur plumage. Les haters trouveront leur musique bien plus intéressante que leur direction artistique et les lovers réaliseront vite qu'elle est bien moins déjantée que ce qu'on leur a vendu. Laissons donc Devo et Talking Heads tranquilles et pour Lynch, Bacon ou Cronenberg, on dira juste qu'on n'a rien entendu.

Mondo Maleficum (ce titre en latin, mon dieu, mettez une recette de sorcière dans les CD ou des lunettes 3D et après je pense qu'on aura fait le tour) est tout simplement un bon album de post-punk, avec des bonnes chansons, bien foutues sans être révolutionnaires et qui se détachent du lot commun par un ajout de glam-rock, d'art-rock et parfois de guitares musclées et virilistes. Tu vois mon petit bonhomme, je crois qu'on s'est un peu fatigué pour rien. Mais que veux-tu, Thomas Hawtin (chant) c'est pas les Sparks, Sean Jones (guitare) c'est pas les Sparks, Tom Hackwell (guitare/ claviers) c'est pas les Sparks, Jools Port (basse) c'est pas les Sparks et Alex Auld (batterie) c'est pas non plus les Sparks. En revanche, Erotic Secrets Of Pompeii n'ont pas oublié de muscler leur jeu et l'écoute de Mondo Maleficum ne provoque finalement pas trop de déconvenues. On va donc pouvoir commencer à parler musique. On fait la suite de l'article en latin ? Chiche ? Ou on écrit chaque lettre d'une couleur différente ? Flemme ? Oui, grosse flemme. Viens John, on a dit qu'on parlait musique.

Quoi John ? Tu dis qu'on préfèrera toujours un groupe de rock grand-guignolesque à un journaliste musical parisien snobinard ? Je suis d'accord avec toi et d'ailleurs comme me le rappelait gentiment un copain officiant chez Jack et Gonzaï, t'es pas journaliste musical vu que tu n'es pas payé pour tes articles. On n'avait pas dit qu'on parlait enfin musique ? Allez, on y va. L'album débute par les deux meilleurs titres, Osiris At The Large Hadron Collider et The Wheel, The Spade, The Stars In Motion, excellents morceaux de post-punk aux guitares angulaires avec juste ce qu'il faut de grandiloquence glam et d'emphase. On perçoit clairement l'influence de Talking Heads, particulièrement dans le chant très inspiré par David Byrne, alternant exécution frontale et montée subite dans les aigues. Conscients que le public s'est déjà fadé des dizaines et des dizaines de purs albums de post-punk ces dernières années, Erotic Secrets Of Pompeii n'hésitent pas à élargir leur éventail musical, quitte à parfois se disperser et nous perdre en chemin. On reste pourtant sceptique quand le groupe décide de montrer les muscles pour nous livrer de morceaux rocks assez classiques et peu inspirés, qui dans le meilleur des cas jouent les sous-Arctic Monkeys (Faustina Filmed In Psychorama) et dans le pire les sous-Royal Blood (Crocodilian). Ils parviennent pourtant à nous surprendre avec le subtil et tendu Auguries And Auguries qui évoque Nick Cave And The Bad Seeds sans jamais tomber dans la parodie ou Venus Ascending, le titre downtempo de cet LP, vibrant comme les meilleurs Anthony/Anohni & The Johnsons.

Mondo Maleficum s'avère finalement un honnête album de post-punk avec quelques excellents titres mais reste très carré et bien plus conservateur qu'Erotic Secrets Of Pompeii n'essaient de nous le faire croire. Une bonne partie de la presse anglaise a beau crier au génie (« chef d'œuvre », « les Talking Heads de leur génération », « un groupe déjà culte »...), nous restons beaucoup plus circonspects. Cela-dit mon Johnny (tu permets que je t'appelle Johnny ?), je ne demande qu'à me tromper et je serai avec toi au premier rang pour leur concert à Paris où il n'est pas impossible que leur rock survolté et leur goût pour la mise en scène ostentatoire, agrémenté de quelques pintes, ne finisse par me convaincre. Se laisser aller, faire fi de ses a prioris et accepter les propositions artistiques qui peuvent paraître quelque peu brinquebalantes, c'est peut-être ça les secrets érotiques de Pompéi.
tracklisting
    01. Osiris At The Large Hadron Collider
  • 02. The Wheel, The Spade, The Stars In Motion
  • 03. Faustina Filmed in Psychorama
  • 04. Venus Ascending
  • 05. Bad Weather At Beachy Head
  • 06. Utterly Rudderless
  • 07. Crocodilian
  • 08. Tenderness Has Failed Me
  • 09. Auguries And Auguries
  • 10. The Unstitching Of Everything
titres conseillés
    Osiris at the Large Hadron Collider - The Wheel, The Spade, The Stars In Motion - Auguries And Auguries
notes des lecteurs