Kula Shaker

Alors que Kula Shaker s'étaient fait très discrets depuis 2010, offrant seulement aux fans la réédition de K en 2016, c'est avec grand plaisir que nous avions retrouvé l'an passé Crispian Mills avec un album au nom aussi barré que son contenu : 1st Congregational Church Of Eternal Love (And Free Hugs). Tout y était audacieux : le format (double, bien au-delà du temps de cerveau disponible dont dispose une partie des auditeurs en 2024 – TikTokeurs of The World, Unite), le concept (une messe donnée par la congrégation sus-citée avec sermons en guise d'interludes et bruits de fond en mode pieds de chaises qui raclent le sol et petite toux dissimulant l'ennui), et comme toujours les influences musicales délicieusement rétro.

Ayant malheureusement raté la venue du groupe à Paris en octobre dernier pour cause de petite finale de Coupe du Monde de Rugby au stade (soutenant alors le Quinze de la Rose face à des Argentins qui ont eu l'audace d'éliminer ses dragons rouges gallois, aux grands maux les grands remèdes), c'est donc motivée que votre chroniqueuse réceptionne la nouvelle fournée de Kula Shaker, sept mois à peine après la grand-messe qui a égayé notre été.


Très inspirés, repartis non pas comme en quarante mais plutôt comme lors des premiers albums et l'engouement qu'ils ont suscité en cette fin des années 90, Crispian Mills et ses musiciens nous proposent alors pour débuter 2024 Natural Magick, disque beaucoup plus sage et renouant avec les classiques du répertoire du groupe.

Après avoir intégré l'Eglise de l'amour éternel et avoir donné moults câlins, que pouvaient nous réserver Kula Shaker ? Un road trip délirant dans des contrées exotiques ? Une excursion en terre inconnue avec personnages hallucinants ? Ou un retour au calme et à la quiétude, au son d'une pop élégante qui fleure bon l'insouciance des sixties, mantras et musique indienne à la clé ? Natural Magick fait le choix de cette dernière option, déroulant treize morceaux dignes des meilleurs albums de pop psychédélique dans les discothèques de nos ainés. On pense au Grateful Dead, aux Kinks, aux harmonies vocales des Beach Boys lorsqu'ils portaient patte d'eph' et grosses barbes, et on se dit que c'est très bien fait mais...


Emballés que nous étions par l'extravagance qu'offraient l'an passé Kula Shaker, nous restons donc un peu sur notre faim. Natural Magick est indéniablement un bon album, Crispian Mills démontrant une nouvelle fois son énorme talent de compositeur et restant fidèle à ses influences, mais c'est là que le bas blesse un peu, connaissant les capacités de ce dernier à sortir quand il le souhaite des sentiers battus. Ainsi, le tracklisting se promène entre rock sous stupéfiants (Gaslighting, Natural Magick, IDON'TWANNAPAYMYTAXES), pop fleurie et furieusement rétro (Something Dangerous, Indian Record Player, Give Me Tomorrow, Kalifornia Blue), retrouvant toujours à un moment donné la touche Kula Shaker qui parsème son répertoire de langue hindoue (Chura Liya (You Stole My Heart), Happy Birthday). La magie opère mais de façon un peu ronronnante, aucun morceau ne surpassant réellement les autres.

C'est donc heureux mais finalement sans surprise que nous écoutons le disque, nous laissant à nouveau capturer dans les filets de la nostalgie d'une époque que nous n'avons pas connue mais qui, selon nos aïeux, était unique et ne semble malheureusement pas prête à se reproduire. Natural Magick est un album très riche et prompt à l'évasion, certes un peu prévisible mais où Kula Shaker s'immergent à nouveau dans leurs références faites d'acid rock californien, de pop anglaise et de musique traditionnelle indienne, et nous convainquent à nouveau.