Presque aussi longue qu'une cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, l'attente le fut avant de pouvoir enfin mettre la main sur le premier album de 86TVs. Pour rappel, la fin 2023 a vu teasé à coup de singles le retour inespéré des frères Felix et Hugo White, issus des très regrettés The Maccabees, qui ont mis fin à leur belle aventure il y a huit ans maintenant, un peu désarçonnés de leur manque de succès commercial. Un argument que nous appuyons fortement, le groupe londonien alors mené par Orlando Weeks nous ayant offert pas moins de quatre albums pop d'une rare richesse.
De tels musiciens aussi talentueux ne pouvaient donc rester inactifs très longtemps. Orlando s'étant le premier manifesté en solo et poursuivant depuis son petit bonhomme de chemin, dernièrement de façon plutôt brillante avec en ce début juillet son troisième essai intitulé LOJA, que mon estimé collègue a largement adoubé, me laissant la difficile tâche de juger si la « deuxième » moitié des Maccabees réussit aussi bien sa reconversion. Une chose est sûre, ce premier LP intitulé idéalement 86TVs va largement rassasier les oreilles impatientes d'enfin découvrir tout ce que ce nouveau super groupe peut leur offrir. En 2024, 86TVs est composé de la fratrie White, incluant à nouveau Will, accompagnée de Jamie Morrisson, que les fans de Stereophonics peuvent déjà apprécier derrière les fûts de la formation galloise menée par Kelly Jones.
En janvier dernier nous était délivré le premier EP du quatuor, You Don't Have To Be Yourself Right Now, seulement composé de quatre morceaux mais qui déjà révélait un style un peu multi-facette : entre une première partie très recherchée et une seconde beaucoup plus mainstream, le groupe semblait nous alerter sur le fait qu'il était déjà prêt à courir plusieurs lièvres à la fois, réunissant les objectifs d'exigence artistique et de conquête du grand public. Un EP en demi-teinte donc mais qui nous rassurait sur le talent toujours prégnant des frères White (à ne pas confondre avec une autre paire de frère White, Alex et Tom issus de The Electric Soft Parade, tout aussi talentueux mais qui n'ont pas encore pris place dans les starting blocks pour leur nouveau retour fracassant).
Ce premier disque est très généreux : quinze morceaux qui intègrent les quatre morceaux de l'EP, ainsi nous voilà avec onze nouveautés qui reprennent les codes de la pop hyper léchée de The Maccabees. Les mélodies euphorisantes, les envolées de piano oniriques, la guitare qui s'ancre dans différents tableaux : tantôt douce et pastorale, tantôt beaucoup plus pêchue avec cette multitude d'harmonies qui font l'objet d'une production très exigeante. Nappes de synthé et chant en canon viennent étoffer l'atmosphère des différents morceaux.
On y trouve beaucoup de nuances entre la folk aérienne de Modern Life, l'indie pop de Tambourine, la dream pop de Komorebi au piano des plus élégants, celle beaucoup plus orchestrale de Settled où les codes très Arcade Fire-iens nous emmèneraient plutôt du côté du Canada que du Royaume-Uni.
Entre le rock très 60s de Someone's Else Dream et la ballade toute ouateuse de Dreaming, le voyage est long et un peu chaotique, en ce qu'il peine à tracer un petit fil conducteur auquel nous pourrions nous raccrocher durant ces presque quarante-cinq minutes plutôt intenses. Il semble que 86TVs nous aient offert tout ce qu'ils avaient sous le coude, et peut être qu'un peu plus de parcimonie nous aurait permis de mieux pénétrer leur nouvel univers regorgeant sans aucun doute de multiples trésors. Un trop plein de bonnes choses, est-ce vraiment possible ? L'exercice de domptage de cet album extrêmement abondant est ainsi rendu délicat. Nombreuses seront les heures d'écoute pour arriver à en déterminer toutes les nuances, et surtout réussir à sortir du lot le couple ou trio de singles les plus évocateurs.
Une chose est certaine : c'est plein de ressource que nous retrouvons Felix, Hugo et Will White, nous laissant espérer que ce nouveau groupe ne soit pas un pétard mouillé. Nous retrouvons chez 86TVs la maîtrise d'une pop très sophistiquée, mais qui aurait méritée d'être un peu plus catalysée, un sentiment léger d'éparpillement se faisant ressortir à l'issue de ce petit marathon musical. Cela ne diminuera cependant pas notre sentiment que 86TVs marquent très fortement le coup avec leur premier LP éponyme, et c'est sur scène que Felix et Hugo devront nous convaincre de la cohérence et de la solidité de leur nouveau projet commun.