Ce soir, il pleut sur Paris, une pluie bien grasse, typique de novembre, avec un froid pénétrant. Un vrai temps pourri qui rappelle à chaque goutte que l'hiver sera long. Les courageux qui ont bravé les éléments pour trouver refuge aux Etoiles ne seront pas déçu du voyage. Le lieu est accueillant, la salle dispose d'un balcon qui ne sera malheureusement pas nécessaire ce soir, et d'une scène bien surélevée entourée de faux palmiers rappelant que nous sommes dans le quartier des théâtres.
La française
Daphné Brixton ouvre seule avec sa guitare, sa voix claire et ses histoires. Elle se livre dans un set authentique et se dit heureuse quand elle chante des chansons tristes. J'adhère complètement à cette proposition, elle a été inspirée de choisir ce nom du sud de Londres car ses chansons acoustiques empruntent plus à la folk anglo-saxonne qu'aux chouineries franchouillardes. Le dernier titre est dédié à ses ex (qu'elle ne pense pas être présents ce soir) qu'elle remercie seulement comme source d'inspiration !
Cette journée triste et pluvieuse dehors a déjà pris un tournant joyeux. Avec l'arrivée de
86TVs tout sourires dès l'intro, on va frôler l'euphorie. Les trois frères White occupent le devant de la scène. Felix et Hugo, ex-The Maccabees, jouent de la guitare, Will, le petit dernier, est au centre avec sa basse. A trois ils se partagent le chant sauf sur les refrains qu'ils entonnent généralement en chœurs. Jamie Morrisson à la batterie, ex-Noisettes et actuel membre des Stereophonics, n'est pas en reste, il tape comme un dératé et ne laisse pas de temps aux frangins pour reprendre leur souffle. Le beat de
Someone Else's Dream fait place à celui de
Tambourine sans temps mort, contribuant au sentiment d'euphorie et de bonne humeur communicative.
Rebelote sur
Pipe Dream, les derniers accords de guitares résonnent encore que l'intro est déjà lancée par le batteur. Le refrain à trois voix fonctionne particulièrement bien, il appelle les grands espaces dans une ambiance feel good de road movie américain, on oublie la taille de la salle, nous sommes dans l'immensité des étoiles.
A Million Things commence par « I know it's complicated » et, comme pour rendre les choses vraiment compliquées pour Hugo, Felix vient se planter à côté de lui avec son air taquin de grand frère.
Le groupe joue au sens propre, il s'amuse et n'a qu'une envie : emporter le public avec lui dans son jeu. Et ça marche avec des chansons efficaces, faciles d'accès, mais pas simplistes pour autant. Sous leurs airs badins, les membres du groupe ont de la bouteille et des centaines de concerts dans des salles plus ou moins grandes, cette maîtrise semble libérer leur jeu. Les choses s'emballent et Hugo casse une corde de sa guitare acoustique. Les enchaînements ne lui permettent pas de changer d'instrument, il fera donc l'intro de
Spinning World sans broncher sous le regard admiratif de Will qui se demandait comment il allait s'en sortir. La chanson plus calme et mélancolique permet de calmer un peu le jeu et de se plonger un peu plus dans le set. Je remarque au passage la qualité du light show, particulièrement réussi et faisant oublier la taille de la salle.
Changement de guitare, et l'ambiance devient plus festive sur
Apple Tree, le groupe compte les pommes avec nous dans une comptine d'école maternelle passée à la moulinette blues. Puisque la fête est lancée, autant jouer
Days Of The Sun, le tube que nous avons raté cet été, et qui fait regretter les chaudes soirées à traîner en t-shirt. Felix se lance dans des « wa hoop » à la Barney Sumner, l'ambiance est totalement festive.
Même sur des morceaux plus calmes, les refrains restent entraînants, l'effet des trois frères chantant ensemble donne envie de les accompagner. Cette connexion fraternelle marche aussi très bien sur les parties instrumentales et le final de
Komorebi est particulièrement réussi. Au passage, regardez le vidéo clip du titre avec John McEnroe en déprimé chez le psychanalyste, l'ancien tennisman se prête merveilleusement au jeu, il doit avoir apprécié la bande originale composée pour son biopic.
Sans perdre en intensité, l'ambiance se fait calme et intimiste pour
Dreaming. Hugo chante seul sur le devant de la scène, Jamie joue de sa batterie directement avec les mains pour un ressenti plus organique et moins sec. La scène est baignée d'une belle lumière orange, on se laisse porter. Felix et Will qui étaient accroupis en retrait finissent par se relever pour des chœurs, Jamie reprend ses baguettes et, mesure après mesure, la tension monte, la guitare se fait plus forte mais toujours délicate. Le dernier vers tombe comme un coup dans l'estomac : « Did you have to lose someone to find out they'd always been there ». La chanson aurait pu figurer sur le dernier album de The Cure, c'est le tube de l'hiver, attention à ne pas passer à côté.
En connaisseurs, le groupe sait orchestrer les changements d'ambiance, pour préparer une sortie en apothéose, Felix lance un clapping pour
New Used Car, une chanson plutôt fun qui tutoie le punk old school. Le groupe ne cache pas sa joie de présenter des chansons qu'ils avaient en eux depuis dix ans pour les plus anciennes. On redevient sérieux avec
Higher Love dans une version plus électrique que sur l'album, taillée pour les stades ou les festivals, j'entends des milliers de voix entonner “Higher Love” ! Le set se clôture sur
Worn Out Buildings, mais pas avant d'avoir entendu un solo de batterie épique avant le dernier refrain.
Là où je reproche à leur premier album d'être un peu long et de partir dans trop de directions, le set du soir de 86TVs a été rapide et intense. Nous n'étions pas très nombreux ce soir, mais j'ai le sentiment d'avoir assisté à un grand concert. Les membres du groupe vont se consacrer à d'autres projets l'année prochaine, il faudra donc attendre 2026 pour les revoir. En attendant, nous rentrons tous avec le sourire, et en plus la pluie a cessé !