Autant le dire d'emblée, Suki Waterhouse est du genre énervante. Actrice reconnue à Hollywood, supermodel, mère de famille mariée à Robert Pattinson, elle est en plus une musicienne de talent cumulant les centaines de millions d'écoutes sur Spotify. Mais commencer cette chronique par cette biographie people n'est sans doute pas très fair play.
Car ce CV ultra glamour cache encore trop souvent l'énorme talent musical de Suki Waterhouse, déjà entrevenu sur ses premiers singles et son premier album (I Can't Let Go), entre Americana et pop langoureuse à la Lana Del Rey.
Son nouvel opus, Memoir Of A Sparklemuffin devrait mettre tout le monde d'accord. Sur ce disque scintillant et riche, à la fois immédiatement accrocheur et aux détails passionnants, l'anglaise fait étalage de tout son talent de chanteuse et compositrice en faisant exploser avec bonheur tous les cadres. Derrière des mélodies pop, la production organique et home made – elle a transformé son salon en home studio pour l'occasion – d'apparence parfois un peu foutraque, rappelle le meilleur de l'indie contemporain, de Tame Impala à Beach House en passant par Mac deMarco. Côté chansons, les mélodies sont imparables dans une multitude des styles.
Le titre de l'album fait référence à de toutes petites araignée australienne mâles poilues et très colorées qui effectuent des danses incroyables pour séduire leur partenaire. Et si cela ne plaît pas à Madame, elle en fait son déjeuner. Cette image organique, pleine d'étrangeté et de noirceur cachée sous des dehors technicolor, correspond parfaitement à la musique proposée par Suki Waterhouse sur cet album.
Memoir Of A Sparklemuffin contient des morceaux uptempo réjouissants mais aussi bon nombre de ballades subjugantes produites avec suffisamment de style et d'inventivité pour ne jamais être ennuyantes. Bel exemple avec Gateway Drug, morceau d'introduction, qui décolle à grands coups de guitares saturées et de batterie massive, passée le premier refrain. Model, Actress, Whatever est une autre superbe ballade d'inspiration 50s quand Faded caresse une douce mélancolie anglaise avec une mélodie qui évoque Music When The Lights Go Out des Libertines. Toute en délicatesse, la valse To Love n'en oublie pas de montrer les dents lorsque cela s'avère nécessaire et To Get You, produite par Jonathan Rado (Foxygen, Weyes Blood, The Lemon Twigs), s'avère une autre réussite captivante.
Langoureux, l'album sait aussi s'emballer aux moments opportuns pour rester tendu. Avec sa mélodie aux accents 50s, rappelant les mélopées de Julian Casablancas, et sa rythmique girl band passée à la moulinette du 21ème siècle, Blackout Drunk est un single irrésistible. Think Twice avec ses cordes et guitares gorgées de reverb a un côté Twin Peaks optimiste. Ailleurs, Supersad est une friandise 90ies énervée quand My Fun, tout en décontraction, évoque le Beck de Odelay.
Ce double album consistant, qui affiche dix-huit titres au compteur, est une fête captivante entre dream pop, indie nineties et folk psychédélique. Suki Waterhouse passe avec une facilité déconcertante d'une émotion à l'autre : humour, joie, beauté, langueur... Avec son pedigree de superstar, elle semble en mesure de réaliser un cross over entre pop mondialisée et indie pop audacieuse. Un tour de force.
tracklisting
01. Gateway Drug
02. Supersad
03. Blackout Drunk
04. Faded
05. Nonchalant
06. My Fun
07. Model, Actress, Whatever
08. To Get You
09. Lullaby
10. Big Love
11. Lawsuit
12. Omg
13. Think Twice
14. Could've Been a Star
15. Legendary
16. Everybody Breaks Up Anyway
17. Helpless
18. To Love
titres conseillés
To Love, My Fun, Blackout Drunk, Think Twice, Supersad