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Famous

Party Album

Famous - Party Album
Chronique Album
Date de sortie : 11.10.2024
Label : untitled (recs)
45
Rédigé par Franck Narquin, le 7 octobre 2024
Le vendredi 11 octobre 2024 voit la sortie simultanée de deux party albums aux pochettes composées d'un fond vert flashy sur lequel est apposé le titre du disque. Si le premier, troisième volet de la saga Brat est déjà famous as fuck, le second n'est autre que fucking Famous ! Laissons Charli fêter cette sortie comme si c'était son anniversaire pour nous concentrer sur le plus confidentiel de ces deux projets qui s'avère aussi être le plus essentiel, le plus détonant et tout simplement un des plus des beaux disques de l'année. Famous livrent avec Party Album une œuvre parfois brouillonne et claudicante mais brûlant comme peu d'autres du feu sacré, un premier album signé par un vieillard de trente ans qui en un battement de cil (neuf titres en à peine trente minutes) nous rappelle pourquoi nous aimons tant la musique pop au sens où l'entendent Jarvis Cocker, Pregoblin, Lawrence (Felt-Denim) ou bien encore Black Country, New Road et black midi, groupes pour lesquels Famous ont assurés les premières parties.

Jack Merrett, unique membre permanent et homme à tout faire de Famous, décrit sa musique comme « un long voyage initiatique qui menace sans cesse de s'arrêter, mais qui continue éternellement ». C'est justement cette dualité qui nous a déstabilisés de prime abord et qui a fini par nous séduire sur Party Album. On y retrouve toutes les qualités et défauts d'un premier album, à savoir cette insolente candeur alliant énergie vitale et envie de bouffer le monde, invariablement contrariée par ce péché d'orgueil visant à prouver tout ce que le groupe est capable de faire plutôt que de se concentrer sur ce qu'il sait faire de mieux. On y retrouve également les fêlures et la rage désabusée de ces losers magnifiques comme seuls le rock et la pop anglaises savent en créer. Alors qu'on ne sait presque rien de Jack Merrett, on lui imagine aisément une vie chaotique, faite de quelques désillusions et de beaucoup d'excès, de celles qui ont forgé les plus grands albums de musiques britanniques.

Jack compose et écrit des chansons depuis ses quinze ans, a fondé Famous en 2016, puis sorti deux EP, England en 2019 et The Valley en 2021. Plus qu'un son, ces deux premiers essais ont défini un ton Famous fait de mélodies accrocheuses, de rock flamboyant, de bidouille électronique, d'emphase baroque et d'envolées lyriques, le tout porté par une esthétique et une production lo-fi ainsi que des textes au romantisme échevelé. Écrit sur une période de deux ans, Party Album a été conçu à l'origine comme un disque de rock classique prêt à être joué dans les stades avant que fort heureusement le plan de départ ne dérape complétement et aboutisse à cet album foutraque et grandiose à la beauté hideuse.

Titre d'ouverture, Boxing Day s'apparente à une marche funèbre surplombée par la voix râpeuse, écorchée et lancinante de Merrett qui, en quelques secondes, divisera les auditeurs en deux camps opposés, ceux qui, rétifs à ces trémolos théâtraux et cette posture outrancière, resteront sur le bord de la route et ceux qui en tomberont instantanément amoureux, prêts à suivre Famous sur n'importe quels chemins de traverse. Ces derniers se verront immédiatement récompensés par What Are You Doing The Rest Of Your Life, grand-huit émotionnel et Annapurna d'un album qui tutoiera pourtant plusieurs sommets. Attention ce classique instantané jubilatoire qu'on pourrait décrire comme un titre de Pulp chanté par Sid Vicious risque de provoquer quelques orgasmes cutanés.

Monté trop haut et trop vite, le mal des montagnes surgit alors. Malgré sa boucle de guitare sombre et oppressante à la Suicide, Warm Springs, reste scotché aux starting blocks et ne parvient jamais à prendre son envol tandis que God Hold You, se voulant une « puissante explosion de bruit post-hardcore comprimée en trois minutes », ferait bonne figure sur l'album de Gurriers mais semble tomber ici comme un cheveu sur la soupe. It Goes On Forever, folk apocalyptique dépouillé vient remettre le groupe sur le droit chemin et nous préparer à quatre derniers titres de haute volée.

D'Arcade Fire à Black Country, New Road, on a beau avoir déjà entendu mille fois de tels crescendos chevaleresques, on se laisse prendre par The Destroyer qui délaisse les armures d'indestructibles Avengers pour partir tel Don Quichotte se battre contre les moulins de mon cœur. Déjà présent sur l'EP England, 2004 a été réenregistré pour s'intégrer parfaitement dans l'album et en symbolise assez bien le propos et l'ambition, soit de la pop de chambre jouée dans un garage mais interprétée comme du rock de stade. Nous parlions plus tôt de loser magnifique donc rien de plus logique que de trouver dans le tracklisting une chanson intitulée Leaving Tottenham, au goût amer de la défaite, ici celle des ruptures amoureuses bien plus douloureuses qu'un penalty raté par Harry Kane. Pour que la fête soit complète, il ne manquait que Love Will Find A Way, déchirante ballade au piano, chanson d'amour chancelante et bouleversante et ultime sommet avant l'inévitable redescente provoquée par la fin de cet album.

Party Album, disque passionné et passionnant, ne cesse d'osciller entre ego trip et ego triste et s'il a beau parfois s'égarer et souvent en faire trop, s'il n'a rien du grand disque incontestable trônant en tête des classements de fin d'année, s'il ne révolutionne ni la pop ni le rock, s'il est bourré de défauts, on ne peut s'empêcher de l'aimer plus que tout autre cette année et de n'y voir qu'un geste pur qui nous accompagnera pour « the rest of our life ».
tracklisting
    01. Boxing Day
  • 02. What Are You Doing The Rest Of Your Life
  • 03. Warm Springs
  • 04. God Hold You
  • 05. It Goes On Forever
  • 06. The Destroyer
  • 07. 2004
  • 08. Leaving Tottenham
  • 09. Love Will Find A Way
titres conseillés
    What Are You Doing The Rest Of Your Life - The Destroyer - Love Will Find A Way
notes des lecteurs
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