M(h)aol

2025, l'année du post-punk bruitiste ? Faisant suite à l'EP Gender Studies en 2021 et un premier album minimaliste aux messages coup de poing, Attachment Styles, en 2023, Constance Keane, Jamie Hyland et Sean Nolan de M(h)aol nous reviennent en grande forme, et malgré deux changements majeurs, ce n'est pas pour trier les lentilles.

Tout d'abord, M(h)aol est désormais signé chez le réputé label Merge Records, et non plus sur le label TULLE fondé par Constance Keane. Ensuite, le départ de deux membres a été acté, faisant passer la formation de cinq à trois personnes : Róisín Nic Ghearailt et Zoe Grenway ont en effet quitté le projet. Róisín Nic Ghearailt ayant été la frontwoman jusqu'à maintenant, le groupe a pris une forme nouvelle, non sans un peu d'appréhension : c'est Constance Keane qui a repris les rênes de M(h)aol. Malgré ces changements et la distance géographique séparant les trois membres restant (entre l'Irlande et le Royaume-Uni), le son du nouveau M(h)aol reste reconnaissable par ses textures brutes et son empilement de batterie sèche et de riffs de guitare dissonants.

Sur ce deuxième album, pas de grande surprise donc : du bruit, des sons rapides et secs, échos à la frustration et à la colère causées par les expériences de vie de Constance Keane, désormais à la tête du groupe, et non plus seulement batteuse mais également chanteuse. On note cependant quelques expérimentations en plus sur ce disque où, malgré son titre, il n'y a rien de doux.
Le premier titre est le tubesque Pursuit, efficace morceau progressif à la structure plutôt classique, qui ressemble à une chanson, ce qui ne sera pas forcément le cas de tous les morceaux de l'album... La répétition de phrases est dans le plus pur style M(h)aol, de la voix blasée de Constance Keane à des cris entre la peur et la colère : marchant la nuit dans une rue sombre, elle sent qu'on la suit et se demande si elle va parvenir à rentrer chez elle saine et sauve. Ecouter cette chanson tout en rédigeant cet article, dans le café à proximité d'un quartier un peu craignos de la ville, alors que la nuit va bientôt tomber, n'était peut-être pas la meilleure idée.

L'atmosphère froide et angoissante se poursuit sur la suite de l'album et notamment I Miss My Dog et le nonchalant et bourdonnant You Are Temporary, But The Internet Is Forever. Vin Diesel nous sort temporairement du bourdonnement électro-guitaresque de fond du disque avec ses pauses et ses petites touches jazzy... avant de retrouver son chaos habituel.
La routine M(h)aol ? Le chaos. Si vous cherchez un album pour vous remonter le moral, passez votre chemin. Ici, c'est la franchise et l'authenticité qui sont de mise : pas de métaphores ou de paroles mystérieuses, Constance Keane va droit au but.

Si la musique peut parfois nous plonger dans un univers imaginaire, chaleureux et joyeux, ici elle représente et incarne des pensées humaines désagréables : les angoisses liées aux risques d'être une femme dans certains milieux : le danger de la rue (Pursuit) où les remarques et questions évoquant le siècle dernier : sur Snare, la batterie semble impatiente, et lasse de répéter les mêmes motifs et évidences, et Constance Keane nous dit : Oui, je suis une fille et oui, je fais de la batterie. Et si j'accorde ma batterie ainsi c'est parce que ça me plaît, pas besoin de conseils. Et messieurs les ingés son, c'est aussi moi qu'il faut venir voir concernant la balance et l'installation de la batterie, et pas Sean, le seul mec de notre groupe.
Après la cacophonie de Clementine poussant à la limite de ce que nos oreilles peuvent supporter, la musique se fait plus audible et s'achève sur un morceau incroyablement long, Coda, le record de ce disque aux titres courts et percutants : ce sont quatre minutes instrumentales où il semble que l'on s'engage dans un tunnel obscur peuplé de créatures inhumaines griffant les murs, avec leurs cris lointains.

C'est donc un deuxième album sans concession que nous livre M(h)aol. Comme de nombreux disques sortis ces derniers mois (et même ces dernières années) par divers groupes, le trio choisit d'être à la fois sombre et brut dans sa musique, faisant peut-être écho à un contexte social et politique plus que tendu dernièrement : le ressenti transmis dans les sons deviennent alors cathartiques. Quand l'angoisse est là, les musicien(ne)s ressentent le besoin vital de la communiquer, et le public ne se sent plus seul. C'est là aussi un des pouvoirs de la musique. Et nous pouvons nous réjouir de retrouver bientôt M(h)aol sur scène car c'est là que tout prendra son sens.