Chronique Single/EP
Date de sortie : 05.09.2025
Label :Alcopop! Records
Rédigé par
Adonis Didier, le 4 septembre 2025
Malade en voiture ! Je suis malade en voiture ! La tête sur mon téléphone, je suis malade en voiture ! Ça va trop vite, trop vite, trop vite ! La tête sur ma Switch, je suis malade en voiture ! La tête dans les infos, je suis malade en voiture ! La tête ailleurs, je suis malade en voiture ! Un vomi dans un sac, un vomi par la fenêtre, la tête dans la canette je suis malade en voiture ! CARSICK ça va trop vite, trop vite, trop vite, de Salisbury à Newbury en drift sur la départementale, pas le temps de freiner, pas le temps de tourner, pas le temps d'ouvrir la fenêtre pour gerber, la musique des frères Joe et Jack Richardson débarque enfin dans la grande ville pour un deuxième EP en quatre ans, depuis cette nuit de 2021 au pub dont la réplique finale n'était pour une fois pas « vas-y on monte un bar ! » mais « vas-y on monte un groupe ! ».
Joe et Jack Richardson à la tireuse avec Jack Hardiman et Tom Armstrong, et dans la foulée un premier single Is What It Is qui reste encore aujourd'hui la meilleure chanson de The Streets sortie ces quinze dernières années. Un premier coup d'éclat qui mettra du temps à se confirmer : leur premier EP Drunk Hymns sort chez Alcopop! Records deux ans plus tard, on les croise à Paris au Supersonic puis en première partie de The Luka State, mais pas masse de sorties et pas de gros développement en vue, et nous y revoilà deux ans plus tard pour, comme on le disait un peu plus tôt, un deuxième EP en quatre ans, intitulé cette fois Tough Luck. Une expression qui se traduirait par quelque chose entre « pas de chance » et « ma femme s'est barrée avec mon frère le jour où mon chien s'est fait renverser par une voiture et qu'un arbre est tombé sur mon scooter », bref pas l'EP de la déconne pour les punk rockers hip-hop de Salisbury. L'heure est grave, l'heure est démente, l'heure est à la Violence.
CARSICK, le son de la violence des heures creuses d'un monde qui part en couilles, il est trois heures du mat' et tous les mecs que tu croises ont un canif' à la main, la chanson démarre pied au plancher sur un punk rapide et sautillant qui nous montre ce qu'auraient pu devenir Bilk s'ils avaient essayé de grandir plutôt que se mettre à plagier Oasis, et sortant de la caisse par le toit ouvrant, un refrain qui montre les dents et sort les muscles en sautant par-dessus un pont rap-métal américain en plein éboulement. Un petit ovni qui croise grandson, slowthai et Sum 41 en trois minutes et trente secondes, suivi d'un Backseat revenant au pop-punk classique de CARSICK, des couplets sautillants terminés sur des refrains de skateurs emo au chômage. Une formule sympathique mais à doser quand on voit le talent des quatre bonhommes pour reprendre le flambeau de Mike Skinner : Pub Watch pose de grosses basses électroniques de type KNEECAP sur un rap grime de blanc-bec rasé sur les côtés, clic, la nitro fait sauter la banque et les amplis en un mur de guitares dopées à la meth', et l'une des meilleures chansons live du groupe depuis des années se voit enfin gravée sur bande avec la complicité du Studio 91.
Sam Winfield et Tom Millar à la production, les gars sûrs de CARSICK pour terminer ce deuxième EP par Song About The Police et Thatcher's Gold, deux chansons aux accents nineties de la côte américaine, des vapeurs de Limp Bizkit et The Offspring dans l'air, et une vibe qui contraste un peu trop avec le béton gris Misfits (la série, pas le groupe) de la première moitié de l'EP pour ne pas lever un sourcil. Parce que Tough Luck est un bon EP, mais qu'il ne nous dit pas si CARSICK ont maintenant l'assurance pour prendre l'autoroute sans gerber dans la boîte à gants. Parce que Tough Luck est un bon EP auquel il ne manque qu'une direction artistique parfaitement cohérente, un fil rouge tenu de la première à la dernière minute, et quitte à tenir un fil rouge autant choper le bon et éviter la courte paille. Ainsi, Violence et Pub Watch nous font dire que le groupe aurait sans doute à gagner en évitant le pop-punk facile et en se concentrant sur ce qui sont deux de leurs plus grandes réussites, deux titres absolument excellents et largement au niveau des meilleures productions grime-punk du moment.
En bref, CARSICK c'est un espoir qui traîne depuis bientôt quatre ans et qu'on aimerait enfin voir s'envoler vers ce qui ressemblerait à un premier album, en gardant en tête que les frangins Richardson sont comme Cassel et Kassovitz : les deux ne sont jamais aussi bons que lorsqu'ils ont vraiment la haine.