Chronique Album
Date de sortie : 10.10.2025
Label : Melodic Records
Rédigé par
Franck Narquin, le 6 octobre 2025
On croyait Nightbus confinés au périphérique de la nightwave, cette étiquette pratique pour décrire la vague dream pop sombre et brumeuse qui a émergé à Manchester ces dernières années. Leurs quatre premiers singles en 2023 en portaient l'empreinte, un mélange de shoegaze spectral et d'électro-pop crépusculaire, entre club et lit, extase et mélancolie. L'année suivante, le groupe confirmait ses ambitions avec Remixed, Vol.1, un EP où des artistes comme Adult DVD, HONESTY ou Metrodome réinventaient leurs morceaux. Ce disque marquait un premier virage, Nightbus ne se contentaient pas de jouer avec les codes, ils se préparaient déjà à les dépasser.
Ce dépassement s'appelle Passenger. Enregistré à Leeds dans le studio d'Alex Greaves, déjà derrière quelques disques majeurs de 2025 dont Microtonic de bdrmm et U R HERE de HONESTY, le premier album de Nightbus dessine avec eux une trilogie de pop électronique sombre et inventive. Ces trois œuvres semblent d'ailleurs dialoguer entre elles et témoigner d'un moment particulier pour la scène anglaise, quand le spleen new-wave, la langueur trip-hop et les pulsations électroniques trouvent un terrain commun fertile.
Dès l'ouverture instrumentale Somewhere, Nowhere, le ton est donné, beats syncopés, nappes vaporeuses et production limpide. Une musique de club pensée pour s'écouter les yeux fermés et le casque vissé sur les oreilles. Puis vient Angles Mortz, première grande claque, une basse imparable, une atmosphère gothique et un refrain fédérateur. Un morceau qui pourrait tenir compagnie aussi bien à New Order qu'à Depeche Mode. False Prophet poursuit la plongée dans la nuit avec un crescendo qui glisse insensiblement de la dream pop à l'électro la plus viscérale.
Nightbus ne cèdent jamais à la facilité, Fluoride Stare convoque une légèreté eighties et The Void érige un trip-hop altier digne de Siouxsie and The Banshees croisée avec Tricky. Ascension, premier single, reste leur tube instantané, un feu d'artifice de basses et de synthés, pensé comme une fin de cycle. Mais le cœur battant de l'album, est peut-être Host. Six minutes où tout s'entrelace, dub, dubstep fantomatique et chant possédé. On pense à Massive Attack et Heartworms, à ces morceaux capables de figer le temps.
La suite déploie d'autres facettes, la tendresse dream pop de Landslide, les démons intérieurs de Renaissance ou la nuit poisseuse et désespérée de 7AM. Enfin, Blue In Grey referme le voyage sur un ton apaisé, mais marqué par la gueule de bois des excès nocturnes. Tout le disque fonctionne comme un trajet dans les limbes, une traversée d'ombres et d'addictions où l'on finit par apercevoir une fragile lumière.
Derrière cette cohérence, il y a deux personnalités. Olive Rees, chanteuse et compositrice, incarne la voix dramatique et atmosphérique du projet et Jake Cottier, guitariste et producteur, sculpte la matière sonore, entre héritage post-punk et modernité électronique. Ensemble, ils forment un duo noir et incandescent auquel la production ciselée d'Alex Greaves apporte sa touche unique.
Avec Passenger, Nightbus signent un premier album d'une maturité rare. Là où tant de débuts tâtonnent, ils livrent une œuvre déjà dense, magnifiquement produite, qui dépasse la simple nightwave pour embrasser tout un spectre d'influences, dontn pêle-mêle, Joy Division et The xx, l'electro pop et le goth 80's, la dream pop, le trip-hop ou l'électronica. Un disque à la fois ancré dans une tradition britannique foisonnante et tourné vers l'avenir. On ne pouvait rêver meilleur départ pour ces passagers de la nuit.