logo SOV

Pitchfork Music Festival

Paris, du 30 octobre au 1er novembre 2014

Live-report rédigé par François Freundlich le 11 novembre 2014

Bookmark and Share
vendredi 31
Pour la soirée d'Halloween du Pitchfork Festival Paris, plusieurs groupes parmi les plus importants de la pop indépendante actuelle vont s'enchainer. L'événement de la soirée est sans conteste la venue des Ecossais de Belle And Sebastian dans la Grande Halle de la Villette. Mais c'est un groupe à leur opposé qui ouvre la soirée : les New-Yorkais de Perfect Pussy.

SOV

Avec leurs morceaux aussi courts que brutaux, les Perfect Pussy et leur charismatique chanteuse aux allures de Mia Farrow dans Rosemary's Baby ne sont pas là pour faire semblant. Semblant possédée en se contorsionnant dans sa robe rouge, Meredith Graves s'exprime de toute sa voix, hurlant à la lune ses textes vindicatifs d'une voix parlée rappelant Kim Gordon, mais s'entendant à peine. En effet, les instrumentations noise-punk prennent le dessus et la chanteuse à beau s'accroupir pour crier dans son microphone, les assauts de guitares torturées prennent tout l'espace tandis que la rythmique métronomique rapide nous enflamme les oreilles. La performance est pleine d'énergie et part dans tous les sens, les Perfect Pussy font un maximum de bruit et ne connaissent que très peu la variation. Leur set est aussi court que leurs chansons, ne donnant pas l'occasion de s'ennuyer puisqu'on se focalise sur les mouvements d'invocation de la chanteuse. Quelques saccades noise de synthé terminent la prestation : il est temps de se calmer un peu.

SOV

L'Australien D.D Dumbo s'avance seul sur scène mais ses pédales d'effets sont ses plus fidèles alliées. Il les utilise pour enregistrer des boucles rythmiques ou mélodiques à la guitare, créant ainsi des morceaux montés de toutes pièces devant nos yeux. Certes ce procédé fait courir le risque du manque d'originalité avec des morceaux pouvant paraître répétitifs et c'est parfois le cas. Si la taille de ses oreilles est normale, la musique de D.D Dumbo est plutôt planante et psychédélique. Ses yeux sont quand à eux grands ouverts pour mieux nous captiver, nous observant juste après s'être penché sur son fût pour enregistrer le rythme avec son micro. Des influences africaines s'évadent de sa guitare à douze cordes alors que sa voix apaisée aux sonorités folk peut s'élever dans des chœurs aériens subits. On parviendra tout de même à s'ennuyer légèrement : un vrai groupe n'aurait pas été de trop pour donner de la consistance à ces morceaux interprétés de manière trop statique. D.D Dommage.

SOV

Le petit génie Son Lux, alias Ryan Lott, investit dans la pénombre la Grande Halle pour une prestation qui va nous faire chavirer. Dans une tumultueuse tranquillité, il déploie sa voix rocailleuse de bluesman en contenant son excitation derrière son clavier. Des fantômes semblent s'évader de son synthé retourné vers le public, mélangeant des sonorités électroniques précises, teintées de breaks hip-hop et d'envolées spatiales. Le trio reste néanmoins dans une pop cristalline bercée par des guitares légères et un clavier malicieux. Seule la batterie semble s'énerver réellement avec un musicien semblant faire corps avec son instrument. De Alternate World à Easy, Son Lux semble nous implorer en déployant sa fragile voix tremblotante et en recourbant ses bras vers l'audience. Complexe et insaisissable, ses boucles de claviers emportent sa synth-pop minimale et décomplexée vers des excitations dansantes entrecoupés de brefs passages angéliques ou le chanteur semble surmonté d'une auréole. Son Lux est parvenu à hypnotiser son audience de bout en bout, on n'aura en tout cas jamais décroché.

SOV

Les auteurs d'un des meilleurs albums de l'année vont nous rappeler cette date du 31 octobre puisque le bassiste de Future Islands fait une entrée sur scène remarquée, déguisé en sorcier à chapeau pointu et semblant voler sur sa basse comme sur un balai. Les autres ne sont pas en reste avec le batteur loup-garou, le claviériste vampire, ou le chanteur Frankenstein. Les Future Islands vont enflammer le festival avec leurs entêtantes complaintes synth-rock au sommet. La voix sortie d'outre-tombe de Samuel Herring correspond parfaitement à son déguisement puisque ses grommèlements pourrait facilement servir dans un épisode de The Walking Dead. La rythmique dansante est en tout cas irrésistible et la quantité de tubes présents dans leur album Singles rend le concert hyper efficace. L'intensité atteint son paroxysme sur Seasons (Waiting On You) où les fameux breaks sont acclamés par une foule hurlante et entièrement dédiée au charismatique leader aux danses lascives. On se souviendra également de cette conclusion sur Spirit et ses boucles de clavier endiablées qui ont transformé le festival en discothèque géante. Future Islands font partie de ces middle-bands incontournables pour retourner un festival.

SOV

La danoise n'est pas en reste au niveau du déguisement, puisqu'elle se trouve grimée en un zombie plus que crédible. La natte bien accrochée et semblant vouloir faire corps avec le public en grimpant sans cesse sur les retours à l'avant de la scène, la danoise fait pencher la balance du coté de l'électro. Karen Marie Ørsted déploie sa machine pop martelée de beats hip-hop grinçants enlevée par sa voix froide. Elle ne cache pas ses intonations rappelant les icônes pop formatées pour la radio. MØ est pleine d'énergie, intenable sur scène, mais ses compositions sont pour le moins inégales. La prestation connaîtra quelques coups de mou passés les entrainants Don't Wanna Dance ou Pilgrim. Cette nouvelle icône venue du nord possède néanmoins un pouvoir d'attraction impressionnant, pouvant l'emmener très haut à l'instar de certaines prêtresses de l'électro comme Robyn ou Grimes.

SOV

Le magasin de farces et attrapes du 19ème arrondissement a décidément fait des affaires puisque la chanteuse des CHVRCHES avait prévu de s'habiller en Princesse Leïa avant se raviser et d'opter malheureusement pour un simple maquillage. Mais les Écossais ont fait du chemin depuis leur premier concert : ils ont muté pour devenir une vrai machine live avec une installation scénique impressionnante. Lasers et autres formes géométriques en LED innondent la Grande Halle tandis que la timide Lauren Mayberry n'hésite plus à s'imposer à l'avant de la scène pour donner une autre dimension aux tubes de l'album The Bones Of What You Believe. Les synthés hypnotiques nous saisissent dès l'introduction sur la dansante We Sink qui lance sans attendre la danse dans le public. Les trois CHVRCHES semblent jaillir d'un océan de lumière et rien ne semble pouvoir les arrêter. La voix candide et juvénile est emplie d'un espoir qui nous donne des ailes. Ce groupe est une vraie friandise pour les oreilles, on ne peut que sourire en se remuant sur la géniale Recover ou les samples épileptiques de Lies. Le final sur The Mother We Share était attendu de tout un public reprenant l'hymne en chœur dans un moment de joie. Le trio de Glasgow a montré tout son potentiel sans rien perdre de la fraicheur de ses débuts.

SOV

C'est la soirée des demoiselles qui nous mettent des étoiles dans les yeux puisque la prêtresse St. Vincent a pris sa position de guitare-héroïne sur la scène du Pitchfork. L'américaine Annie Clarke et ses cheveux blonds peroxydés entame des solos de guitares distordus à réveiller les morts. La showgirl se tord sur son instrument, n'hésitant pas à le faire crier rageusement. Sa freak-pop en permanence sur le fil du rasoir prend toute sa substance dans des adaptations live délurées. Avec le single Digital Witness, St. Vincent nous apostrophe de malicieux « Yah » à faire rougir le plus impassible des barbus. La guitare moqueuse du single Cruel nous trottera dans la tête bien après le concert alors que la voix aiguë de l'américaine s'envole comme une vague de cent mètres de haut ne se retournant jamais.
La musique d'Annie Clarke est électrisante avec ces notes graves s'échappant de ses cordes semblant déchirer une voix lumineuse. Elle entamera une chorégraphie de pantin avec sa clavieriste qui la secondera pour les chœurs de de Actor Out Of Work. Mais c'est le titre Cheerleader qui retiendra notre attention : St. Vincent y déclame ces vaporeux « I don't wanna be a cheerleader no more » debout sur une estrade dominant complètement le festival. Le concert le plus fou du festival voit se succéder des avalanches de guitares pour se terminer dans un final noisy ultra-rapide. On en redemande.

SOV

La tête d'affiche tant attendue de la soirée s'installe finalement et ce sont encore des Écossais : nos chouchous de Belle & Sebastian. Après une tournée estivale plutôt dense, Stuart Murdoch et sa troupe préparent la sortie d'un nouvel album ainsi que du film God Help The Girl, réalisé par le chanteur. Toujours ravi de se confronter au public, Stuart Murdoch échange beaucoup avec lui avant de piocher dans l'impressionnante discographie du groupe. Sa voix emplie d'une tendresse mélancolique est toujours aussi charmante, délicieusement complétée par les chœurs de Sarah Martin. Les guitares acoustiques et claviers guillerets sont accompagnés d'un quatuor de violons pour mieux retranscrire les arrangements les plus précis des pop-songs, comme l'entrainante Funny Little Frog. La danse est de rigueur sur les accords entêtants de Sukie in the Graveyard. Cette flûte traversière sur le réussi nouveau morceau Allie procure ce sentiment d'avoir un orchestre au complet pour l'interpréter. Il est enchainé avec un second nouveau titre moins convaincant, Perfect Couples, à la rythmique électronique plus marquée et interprétée au chant par le guitariste Stevie Jackson.
Stuart Murdoch s'installe au piano pour entamer seul le début de la divine The Fox In The Snow, extrait de l'excellent album If You're Feeling Sinister. Ce moment de grâce fredonné d'une voix délicate et accompagné par le violon de Sarah et par un violoncelle déchirant sera l'un des points culminant de ce riche concert. Pour rester sur le même album, la folk-song Like Dylan In The Movies fera également très forte impression avec des arrangements de cordes tout aussi sublimes. Sarah Martin prendra à son tour le microphone pour l'ensorcelante et planante I Didn't See It Coming qui nous redonne une occasion de danser. Stuart s'accroche au premier rang à l'entame de The Boy With The Arab Strap, pour finalement inviter quelques personnes déguisées du public à monter sur scène. Des demoiselles déchainées vont se mettre à danser aux cotés des musicien, tentant notamment quelques poses suggestives avec Stevie Jackson... Belle & Sebastian nous gratifieront finalement d'un rappel avec ce qui est peut-être leur meilleure chanson : Get Me Away From Here, I'm Dying. L'ensemble du public se met à la chanter, éclairé par des lumières jaunes pour un final en communion générale. Un concert de ce groupe est toujours l'occasion d'un moment de partage unique le sourire collé aux lèvres et cette prestation n'a pas fait exception.

Cette seconde soirée du Pitchfork Festival Paris fut une réussite sur tous les points avec des performances aussi convaincantes les unes que les autres. Belle And Sebastian, Future Islands, St. Vincent ou encore CHVRCHES nous ont gratifiés de concerts marquants au point de ne plus vouloir quitter la Grande Halle pour d'autres concerts encore plus fous. Pour cela, il faudra revenir le lendemain...
artistes
    Belle & Sebastian
    St. Vincent
    CHVRCHES

    Future Islands
    Son Lux
    D.D Dumbo
    Perfect Pussy
photos du festival