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Pitchfork Music Festival

Paris, du 30 octobre au 1er novembre 2014

Live-report rédigé par François Freundlich le 14 novembre 2014

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Ce samedi soir au Pitchfork Music Festival Paris fait la part belle à la danse avec des groupes faisant tout leur possible pour nous remuer les membres. Si la nuit est dédiée aux musiques électroniques, des groupes de pop ou rock parmi les plus entrainants du moment ont enflammé la soirée. Mais avant cela, quelques découvertes ont été judicieusement placées en fin d'après-midi pour piquer notre inspiration.

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Nous arrivons pour le concert de Tobias Jesso Jr, qui s'installe un peu timide, seul face à son piano. Il avoue qu'il s'agit de son tout premier concert et qu'il faut encore qu'il s'habitue à chanter dans un microphone. Un premier concert au Pitchfork Music Festival pour son premier voyage à Paris : voilà qui est peu commun mais nous avons eu la chance d'assister à un moment rare. Ce canadien repéré par JR White du groupe Girls, va proposer un set tout simplement bouleversant avec une voix émouvante au possible rappelant Neil Young. Le songwriter parviendra à nous coller les larmes aux yeux sans que l'on ne sache pourquoi. Ses compositions sont des diamants bruts, nues et sans artifices, que l'on écoute en se demandant de quelle planète vient l'homme au piano. Ses textes sont pourtant bien humains, comme ce True Love à l'intemporalité Lennonienne ou ce Without You exprimant la perte d'un ami. La sensibilité de Tobias Tesso Jr est extrême et cela se ressent dans chaque syllabe. On le perçoit dans son « I think I'm gonna die in Hollywood » sur le titre Hollywood. Cette musique nous donne des idées légèrement déprimante mais n'en est pas moins fabuleuse : il sera dur de continuer après la découverte de ce grand songwriter.

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Impressionnés par cette prestation, nous voilà marqués pour la soirée et nous nous plaçons devant le concert de Kwamie Liv. Originaire du Danemark et de Zambie, Kwamie Liv est une globe-trotter. Ses sonorités froide sont portées par des nappes de synthés tournoyant dans une rythmique R'n'B. Sa voix suave fredonne lentement de textes sensuels, comme une M.I.A. en slow motion qui s'essayerait aux graves de Lana Del Rey. Des infrabasses viendront nous titiller les oreilles mais on ne s'enflammera pas pour autant devant un show qui ne s'envolera jamais.

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On tente de s'accrocher au wagon des australiens de MOVEMENT qui restent dans ce registre du R'n'B aux sonorités électroniques. Une voix aiguë parfois très forcée, nous fait penser à Gnarls Barkley, clichés et trémolos compris. Le son de MOVEMENT est extrêmement lisse, avec ces productions soul minimaliste en vogue. Le concert restera malgré tout assez plat, on ne s'habituera jamais vraiment à ce chanteur qui en fait des tonnes et à ces beats vus et revus, les solos de guitare n'arrangeant rien. Le MOVEMENT se fera vers le bar.

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La hype est en marche pour le premier concert très attendu de la soirée : les californiens de Foxygen. Comme prévu, c'est un sacré foutoir sur la scène de la Grande Halle puisque le chanteur foufou Sam France donne l'impression de se démultiplier avec ses courses sur scène. Il finira bien vite torse nu, complétant son look de skinny jean, longue chevelure blonde et maquillage androgyne. Ses chorégraphies accompagné par les trois choristes en robes sont de haut niveau : les danses lascives collent complètement à l'ambiance festive se dégageant du groupe. Le sourire se colle en tout cas immédiatement sur le visage.
Foxygen débutent avec le tube hyper entêtant du nouvel album : How Can You Really et ses synthés psyché-pop. Le psychédélisme sera présent de bout en bout du concert, les morceaux se prolongeant dans des sonorités bizarroïdes et planantes. Les gesticulations de popstar du chanteur, prenant des poses à la Iggy Pop, attirent toute l'attention. Sa voix possède une grande intensité même si nous n'avons pas affaire à un grand chanteur. Cette folie rappelle un concert des regrettés Girls ou encore un show de MGMT en beaucoup moins ennuyeux. Les guitares s'excitent parfois dans des saturations extrêmes, piochant dans le rock 60's et y ajoutant un perpétuel délirium. Foxygen volent au-dessus d'un nid de coucou et font complètement chavirer le festival. Les levés de genoux des danseuses sur la géniale Shuggie sont irrésistibles, tout autant que ces « You don't love me, that's news to me » enivrants. Les nouveaux génies de la pop ont livré ce soir un show foudroyant, poussant même le public au mouvement de foule, comme si l'air était composé uniquement d'oxygène.

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Après cette claque sur une joue, on ne s'attendait pas à s'en prendre une autre sur la seconde puisque le concert de Tune-Yards sera tout aussi fantasmagorique. L'américaine Merrill Garbus va nous donner envie de nous secouer dans tous les sens avec sa rythmique endiablée. Installée derrière sa batterie, elle donne la cadence d'une prestation basée sur cet instrument, ainsi que sur sa voix unique entre soul enragée et blues écorché. Les voix des choristes se mélangent et se superposent pour l'un des concerts les plus dansants auxquels qu'il nous ait été donné d'assister. Les sonorités world sont accélérés et mêlées à un folk tout en rapidité et en variations. Les morceaux changent subitement de perspective pour prendre une nouvelle direction. On n'arrive pas les à suivre et on adore ça. Les cris bruitistes parfois en onomatopées ajoutent de l'extravagant à l'étrange. On peut passer du noisy à un simple ukulélé-voix en quelques secondes. Le concert s'achève sur une version animale et haute en couleur du tube Bizness qui nous fera sauter bien haut. « Don't take my life away ! », les étoiles dans les yeux de la veille sont de retour.

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Au milieu de l'agitation, José González va calmer l'ambiance en dispersant son folk sombre et intense sur le Pitchfork. Celui qu'on a vu ces dernières années en frontman du groupe Junip est de retour sur son projet solo davantage ancré dans l'acoustique. Il débute le concert assis seul avec sa simple guitare sèche, ce qui crée un sacré décalage avec les deux concerts précédents. Il parvient malgré tout à créer une ambiance intimiste dans cette halle géante avec quelques accords de ses compositions aériennes. Sa voix glissante se fait bien plus posée qu'avec Junip, on retrouve José González comme on l'avait quitté lors de sa tournée de 2008 : tout en beauté et en sensibilité. Ses folk songs pleines de ferveur nous bercent et nous exaltent, comme cette fameuse reprise de The Knife – Heartbeats, accueilli par des hourras et qui terminera la première partie du set. Cette adaptation fait toujours autant mouche. Le suédois sera finalement rejoint par deux acolytes à la batterie et au clavier pour une fin de concert plus emportée. Elle est marquée par cette reprise de Teardrop de Massive Attack chantée du bout des lèvres. La meilleure place pour ce concert était peut-être de s'allonger en admirant de loin, tout en rêvassant.

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Les six lettres de Jungle se mettent à clignoter sur la scène du Pitchfork Music Festival alors que les anglais entament leur show. Aligné à six sur scène, les londoniens ont sorti la grosse artillerie pour faire danser toujours plus le public. Les Jungle chantent à l'unisson avec des voix aiguës rappelant l'époque disco sur des sonorités funky. Ils se placent davantage sur le terrain du concert entertainment que de la prestation captivante, en répétant la même formule. L'énergie est bien là mais on ne vibrera pas comme lors des prestations de Foxygen ou de Tune-Yards car le supplément d'âme manque cruellement. On a le sentiment d'avoir un grosse machine live devant nous mais sans qu'il ne se passe réellement quelque chose d'attirant. Les mélodies faciles à reprendre en chœur s'enchainent, c'est hyper-efficace mais souvent trop simple. Jungle dégagent néanmoins une dose de fun assez imparable et le public ne s'y trompera pas.

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Place à la nuit électro au Pitchfork Festival avec le canadien Caribou, venu présenter son nouvel album Our Love sorti récemment. Seul quelques anciens titres ont résisté comme Sun ou Odessa mais les nostalgiques de la pop lumineuse de l'album Andorra ne l'ayant suivi sur ce nouveau terrain plus brutal sont perdus. Si la légère voix angélique nous prend toujours pas les sentiments, l'électro-house minimaliste a pris le dessus pour ne laisser que peu de place à la subtilité qui était la marque de fabrique de Daniel V. Snaith. La chanteuse canadienne Jessy Lanza qui jouait l'après-midi rejoindra le groupe pour interpréter Second Chance pour un moment de répit planant. Le concert se termine par le lâcher des ballons qui ornaient le plafond du festival sur un public joueur. Le titre explosif Sun verra des centaines de ballons s'envoler au dessus de la foule pour une ambiance au sommet. Nous laissons Four Tet, Jamie XX et Kaytranada enflammer le public pour le reste de la nuit et quittons le Pitchfork Music Festival 2014 sur cette vision d'un public s'amusant comme des petits fous de huit ans et demi.

On peut parler d'un festival très réussi avec deux soir complets et un autre qui n'était pas loin de l'être. Nous retiendrons les prestations marquantes de Belle & Sebastian, Mogwai, Foxygen ou encore Tune-Yards. Voilà un festival où on sait s'amuser, avec une ambiance au beau fixe et un public de mélomanes avertis pour une organisation parfaite. Longue vie au Pitchfork Music Festival.
artistes
    Caribou
    Jungle
    José González
    Tune-Yards
    Foxygen
    MOVEMENT
    Kwamie Liv
    Tobias Jesso Jr
    Jamie XX
    Four Tet
    Kaytranada
    Charlotte OC
    Jessy Lanza
photos du festival