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Pitchfork Music Festival

Paris, du 29 au 31 octobre 2015

Live-report rédigé par François Freundlich le 11 novembre 2015

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Le Pitchfork Music Festival affiche complet pour cette dernière soirée de samedi et cela se ressent puisqu'il est désormais quasi-impossible de circuler sous la Grande Halle de la Villette. La jauge dépasse allègrement celle du confort pour assister à des concerts dans des conditions correctes mais nous tentons tout de même le challenge.

Nous débutons la soirée en compagnie de Father John Misty : l'ancien batteur des Fleet Foxes s'est levé de son tabouret pour se muter en charismatique prêcheur d'une folk christique et envoutante. Josh Tillman attire l'attention sur lui en permanence, il semble se donner complètement sur scène avec ce côté théâtral qui le fait bondir dans tous les coins, lever le poing, saisir son pied de micro et se recoiffer... Son pantalon doit certainement avoir une épaisse doublure sur les genoux pour amortir les chocs de ses chutes dès qu'il prononce le mot « Jesus » d'un air dévoué et exalté. Le barbu au look semblable à une grande partie des spectateurs du soir (l'attaque des clones) joue de sa sensualité pour offrir de précieuses et langoureuses compositions de sa guitare acoustique prolongée par quelques solos électriques bien sentis. Sa version en piano voix de Bored In The USA reste tout bonnement imparable, avec ce sentiment d'intemporalité mélancolique et Beatlesien. Father John Misty reste seul à l'avant de la scène face à un public contemplatif, reprenant le refrain en fredonnant. Si sa gestuelle et son jeu d'acteur peuvent avoir un coté agaçant, il vaut parfois mieux fermer les yeux pour s'imprégner totalement de ses versions live. Mais pas trop longtemps, étant donné la foule en mouvement.

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L'un des groupes les plus innovants de sa génération est attendu sur la scène du Pitchfork Music Festival, Unknown Mortal Orchestra débarque avec son chanteur masqué à l'occasion de Halloween, pour un nom de groupe qui sonne comme si c'était Halloween toute l'année. Voilà le groupe qui va sérieusement nous faire remuer avec ses compositions inspirées par la funk psyché et la voix de Stevie Wonder, avec ses claviers dansants et cette basse entrainante mais aussi par une foultitude d'ambiances indie rock, de chœurs pop ou de déstructurations garage. Leur musique semble enveloppée dans du velours fragile pour parfois laisser échapper quelques emballements électriques. Les arrangements sont multiples et insaisissables : les synthés sonnent divinement, se jouant des guitares pour se mélanger dans un labyrinthe sonore d'une redoutable efficacité. Les solos instrumentaux prolongent les titres dans des vagues troublées même si la performance reste dans sa globalité très joyeuse, débouchant sur des tourbillons noisy incitant à abimer le dancefloor. Le néo-zélandais Ruban Nielson fait s'envoler le tout, de sa voix soul sortie tout droit des 60's. Ce groupe possède un charme et une originalité folle, à tel point que toute comparaison paraît fortuite. Unknown Mortal Orchestra terminera sur un solo de piano jazz qu'on aimerait ne voir jamais s'achever, quelle classe !

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Ces premiers concerts furent plutôt paisibles après ce qui nous attend : les américains de Run The Jewels débarquent sur le We Are The Champion de Queen : on s'attend alors à une heure de démesure avec le duo de rappeurs. Et cela n'a pas manqué, les productions sont lourdes et violentes et le flow d'une rapidité affolante. Avouons que Killer Mike est impressionnant lorsqu'il libère sa voix grave et gutturale en s'agitant sans fin. Le public répond aux assauts du duo sur Lie, Cheat, Steal alors que les basses démesurées nous abreuvent. L'énergie déployée est immense, notamment sur le fameux tube Close Your Eyes. On tente de s'accrocher mais on préfère se préserver pour le concert d'un groupe culte qui s'annonce.

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Les astronautes de Spiritualized atterrissent sur la scène du Pitchfork Music Festival, s'apprêtant à nous cajoler de leur rock spatial, calmant le jeu après les beats agressifs du dernier concert. Jason Pierce élève sa voix fredonnée et profonde, relevée par des chœurs gospel de deux choristes. Il est positionné sur la droite de la scène et tourné vers son groupe comme à son habitude. Il nous réjouit d'une prestation frôlant la perfection, dès les premiers morceaux comme cette version dantesque de Hey Jane et ses chœurs qui nous picorent la nuque. On a l'impression de léviter face des crescendos débouchant sur des émanations psychédéliques comme sur la trépidante Electricity, où les claviers oscillent tandis que les guitares vacillent. Spiritualized pimente sa sauce en lâchant les guitares saturées et excitant une rythmique effrénée répondant à un lightshow stroboscopique. Cela n'empêche pas de retrouver des morceaux paisibles comme Shine A Light, et ses développements spirituels quasi extatiques. On a constamment l'impression d'être aspiré dans un tunnel passant du noir complet aux couleurs les plus kaléidoscopiques avec ces marathons sonores frôlant à chaque fois les dix minutes de constante évolution. L'expérience Spiritualized se vit intérieurement en passant par tous les états émotifs jusqu'à la brillante Soul On Fire, sonnant divinement comme un classique 60's qu'on redécouvre. Les anglais étaient bien les rois de la soirée.

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Celle-ci va prendre un virage électro qui ne cessera qu'au petit matin, en commençant par les New-Yorkais de Ratatat, tête d'affiche qui squatte décidément tous les festivals cette année grâce à son dernier album qui regorge de tubes radiophoniques. Les lasers en tout genre se déploient au-dessus de nos têtes tandis que des écrans de verre affichent des visuels en 3D donnant l'impression que des hologrammes naissent aux cotés du duo de guitaristes. Nous voilà abreuvés d'écrans et de lumières (mais il est vrai que notre génération en a l'habitude) et d'électro-pop cadencée et calibrée au millimètre. On retrouve tous les ingrédients qui avaient déjà enflammé La Route du Rock ou le Primavera Sound Festival mais on a bien réussi à se lasser de Ratatat cinq mois à peine après les avoir vu pour la première fois. Il faut dire que la Grande Halle se remplit sans limite et on a plutôt l'impression d'être à une foire aux bestiaux qu'à un concert, quand le supposé indie devient mainstream. La jauge limite doit être excessivement élevée et les conditions se détériorent. Là où les autres festivals parviennent à nous faire rester, on ne demande qu'à quitter le Pitchfork Music Festival alors que certains arrivent encore. Nous leur laissons volontiers notre place au chaud.

Cette dernière journée fût marquée par les excellentes prestations de Spiritualized et Unknown Mortal Orchestra qui ont fait souffler un vent frais sur le festival. On regrettera néanmoins un criant manque d'authenticité à ce festival au public venant surtout pour se montrer et peu pour la musique. Il est peut-être temps de retourner aux Transmusicales de Rennes pour retrouver un goût sucré qui fait défaut à l'ambiance fade du Pitchfork Music Festival.

Crédit photos : Vincent Arbelet
artistes
    Curtis Harding
    Father John Misty
    Hinds
    Hudson Mohawke
    John Talabot b2b Roman Flügel
    Laurent Garnier
    Nao
    Ratatat
    Run The Jewels
    Spiritualized
    Unknown Mortal Orchestra