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NOS Primavera Sound

Porto, du 8 au 10 juin 2017

Live-report rédigé par François Freundlich le 21 juin 2017

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vendredi 9
C'est le deuxième jour du NOS Primavera Sound à Porto et les choses sérieuses commencent puisqu'il s'agit certainement de la soirée la plus alléchante sur le papier, pourtant inexistant (aucun programme n'a été distribué). Nous arrivons assez tôt sur le site pour profiter du Palco Stage, caché au beau milieu d'une mini-forêt, donnant l'impression d'être perdue au beau milieu de la nature et des renards.

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Le Californien Jeremy Jay a sorti ses claviers rauques pour faire planer une ambiance 80's sur cette fin d'après-midi. Masqué derrière ses lunettes de soleil, il martyrise sa guitare d'éléments noisy prenant la forme de déferlements électriques abrasifs tandis que sa voix légère rappelant Morrissey s'y emmêle doucettement. Les nappes de synthés tentent quant à elles de calmer le jeu, rendant les compositions hyper-accrocheuses, au point de nous faire remuer tranquillement sous le soleil exactement. Le passage reggae du milieu de set aura néanmoins raison de nous et on se dirige vers la grande scène pour changer d'air.

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Les australiens de POND ont déjà commencé leur set s'annonçant psychédélique à souhait puisque les dérivations formés d'échos prolongés se font déjà entendre. Le collectif à géométrie variable et composé originellement de plusieurs membres de Tame Impala enchaine les compositions flottantes et ténébreuses. Elles sont portées par la voix juvénile et virevoltante de Nick Allbrook qui nous gratifie de ses mouvements chaloupés. Après des débuts posés dispersant une pop enivrante, POND se déchainent davantage en milieu de set avec des solos électriques en mode guitar hero. Jay Watson prend le relai sur lead vocal sur la planante Sitting Up On Our Crane, excellent hymne de leur avant-dernier album sorti en 2015. Cette respiration marquée par ce changement de chanteur apporte une réelle surprise, bénéfique à un concert pouvant parfois s'appesantir dans le redondant. POND ont néanmoins réussi à nous séduire : Australia shoot again.

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Nous les attendions de pied ferme puisqu'ils ont sorti l'un des meilleurs disques de 2016, les américains de Whitney n'ont pas beaucoup dormi mais sont prêts à enchanter avec leur indie folk-pop radieuse. Formé de deux anciens membres de Smith Westerns et Unknown Mortal Orchestra, ils ouvrent leur set avec l'excellente Dave's Song, titre écouté en boucle depuis plusieurs mois, ce qui ne peut évidemment que nous ravir. Les cuivres résonnant apportent une dimension supplémentaire à la plupart des morceaux. La voix aigüe de Julien Ehrlich, installé derrière sa batterie, prend parfois des intonations à la Neil Young et le coté folk classique de leur musique fait frémir notre cœur d'amateur de sonorités old school. Les tubes de l'album Light Upon The Lake s'enchainent à la perfection puisque chaque titre qui le compose est une pépite sur laquelle le public se met à chanter à tue-tête, de la guitare acoustique laid-back de Golden Days aux claviers dansants de The Falls en passant par les chœurs magiques de Follow. On voyait le groupe comme assez sage, jusqu'à ce qu'Ehrlich ne se couche sur le dos et que Max Kakacek ne lui crache de l'eau dans la bouche, avant de l'embrasser goulument. Un pari perdu ? Ambrose Kenny Smith de King Gizzard & The Lizard Wizard viendra ensuite les accompagner à l'harmonica sur les parties jazzy de Red Moon pour un passage instrumental en forme de bœuf entre musiciens de super groupes. Whitney termineront évidemment sur le fameux single No Woman, pour le plus grand plaisir des fans de l'assistance. Ce groupe d'orfèvres de studio se trouve être aussi méticuleux en concert, pour un moment de perfection sous le soleil.

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C'est au tour de Angel Olsen de faire déferler sa vague électrique sur la grande scène du NOS Primavera Sound. La charismatique songwriter de Caroline du Nord devient immédiatement le centre de l'attention en déployant un rock abrasif porté par sa voix grave voilée et enlevée. Angel Olsen souffle le chaud et le froid, s'excitant parfois comme une diablesse sur ses compositions les plus rythmées, avant de calmer le jeu sur des ballades frémissantes où l'on ne peut que contempler la justesse des morceaux tout en admirant l'incandescence de sa silhouette. Nous restons captivés devant la beauté des morceaux, portés par les membres de son groupe, tous vêtus de costumes de scène gris, ajoutant de la profondeur aux arrangements précis aux intonations 60's. Le rock classique est décidément de mise sur ce début de soirée du vendredi, même si on pourra évidemment comparer le feu d'Angel Olsen avec celui d'une PJ Harvey période 90's. La demoiselle a offert un set tout en douceur et en rêverie, accompagnant idéalement la légère brise marine parcourant le festival. Comme une caresse en plein été.

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Après Arab Strap la veille, le détour écossais du soir s'appelle Teenage Fanclub. Le groupe culte de la scène de Glasgow des 90's n'a rien perdu de son charme malgré les années visibles sur les visages des cinquantenaires. Leur rock alternatif à fleur de peau nous fera remuer la tête sans discontinuer en alternant leur anciens et nouveaux titres, issus de leur très bon album Here sorti l'an dernier, comme l'accrocheuse Hold On où toutes leur voix se mélangent à l'unisson. Une certaine évidence ressort de ces compositions qui furent à l'avant-garde de la vague brit-pop. Le jeune public reprend les chœurs à tue-tête de The Concept, hymne adolescent datant de 1991 joué dans une version étirée : un vrai signe de l'intemporalité du groupe. The Concept rejoint idéalement les guitares catchy du morceau d'ouverture de dernier album, I'm In Love alors que vingt-cinq ans séparent les deux compositions. Teenage Fanclub égrainent avec une modestie à toute épreuve une discographie sans faille symbole du son d'une époque. Les écossais terminent sur le morceau d'ouverture de leur premier album, Everything Flows, accueilli par les cris d'un public aux anges. Douce adolescence, le temps s'arrête et nous écoutons Teenage Fanclub dans tous les sens.

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C'est une artiste bien plus jeune qui s'avance seule sur la scène Pitchfork du festival. Julien Baker, la songwriter de Memphis, avait déjà marqué les esprits au festival Primavera Sound de Barcelone l'an dernier en reprenant les titres du magnifique album Sprained Ankle, appelé à devenir un classique de la folk. Tandis que Bon Iver se produit sur la grande scène, les fans savent qu'il ne faut pas manquer cette perle, qui a choisi de se préseneter devant un écran représentant le drapeau arc-en-ciel orné du logo de Pitchfork tourné dans le mauvais sens. Un message qui sera sans doute arrivé à son destinataire.
Seule avec sa guitare, Julien Baker nous fait frémir, voire même trembler dès les premières notes de Blacktop, titre d'ouverture de son album. Sa voix possède une telle profondeur qu'elle nous brise instantanément et nous captive dans l'instant. Les textes sont poignants et reflètent la fragilité de la chanteuse, ne semblant jamais vraiment satisfaite d'elle-même, malgré des adaptations live à couper le souffle. « She's never satisfied » dirait Prince, mais notre sourire est toujours de mise sur la guitare joyeuse de Everybody Does. Les larmes s'écoulent sur nos joues au moment du final de Rejoice où Julien Baker livre toute son âme dans un cri transperçant. Même les nouveaux titres, comme Turn Out The Light, entendue pour la première fois ce soir, semblent déjà nous avoir marqués à jamais avec cette conclusion déchirante où la voix semble exploser un à un chacun de nos organes. Avec ces mimiques attendrissantes, la jeune femme de 21 ans semble être appelée à marquer l'histoire de la musique dans les années qui viennent. On ne peut que s'en persuader à l'écoute des variations angéliques de Funeral Pyre ou Good News ou encore de l'écorchée Something qui clôture un set d'une intensité folle. Au fur et à mesure des concerts de Julien Baker auxquels on assiste, que ce soit dans un cadre intimiste à quelques centimètres d'elle, ou sur une scène de festival au son gigantesque, on a l'impression de voir éclore une descendante d'Elliott Smith, Janis Joplin ou Joni Mitchell. On attend donc impatiemment son prochain album qu'elle a elle-même annoncé pour octobre.

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Revenons à la réalité pour retrouver miraculeusement les amis, tandis que Bon Iver entame en rappel son fameux tube Skinny Love qui reste sa pièce maîtresse au milieu de ses autres titres où sa voix poignante se trouve gâchée par un irritant vocodeur. Restons dans le bon rythme en retrouvant Hamilton Leithauser, ancien chanteur de The Walkmen aujourd'hui en solo (mais tout de même accompagné de son groupe). Sa voix tendue et rocailleuse fait toujours son effet, comme à l'époque ou il la lâchait sur le fameux tube The Rat. Sur ses albums solo, il y ajoute davantage de subtilité avec des accointances soul old-school marquées par ces nappes de synthé vintage et cette guitare acoustique qu'il ne lâche que très rarement, comme sur l'enjouée A 1000 Times. Quelques ballades accrocheuses comme The Bride's Dad dont il expliquera que la chanson parle d'une histoire vraie où il rencontra un inconnu à un mariage, dont Hamilton ignorait qu'il était le père rejeté par la mariée. Bavard, il nous parera également de ses problèmes de vision après son opération aux yeux. Hamilton Leithauser a su nous prendre par les sentiments avec ses airs de dandy ténébreux dans un set tout en énergie communicative.

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Pour terminer dans la folie de la nuit, les australiens timbrés de King Gizzard & The Lizard Wizard vont enchainer leurs compositions héroïques, sans temps morts, portées par deux batteries tranchantes. Le septuor ne fait pas dans la dentelle et file dans toutes les directions à la fois, comme un lézard qu'on tenterait de poursuivre d'un peu trop près. Ça divague sérieusement au niveau des claviers et des guitares psychédéliques, tandis que les voix et la rythmique respectent un tempo mathématique répétitif comme sur l'entêtante Rattlesnakes. Les pédales wah wah sont de sortie, King Gizzard stoppent net pour nous fixer puis reprennent aussi sec pour nous ébouriffer. On pense parfois à The Coral dans ces échauffourées électriques et cette cohésion générale. Le public s'excite dans la nuit portugaise en jaillissant sur la dantesque People-Vultures qui mettra tout le monde d'accord. Leur musique totalement folle n'a d'égale que sa complexité, puisque les musiciens restent très concentrés sur leurs instruments. Ces sacrés Aussies nous ont complètement désorientés et on a adoré.

C'est ce qui s'appelle une belle journée de festival avec des prestations de haut-vol : on retiendra évidemment Julien Baker, Whitney ou encore King Gizzard & The Lizard Wizard comme les grands moments de ce NOS Primavera Sound 2017, en attendant le samedi soir, lui aussi assez chargé.
artistes
    Angel Olsen
    Bon Iver
    Cymbals Eat Guitars
    First Breath After Coma
    Hamilton Leithauser
    Jeremy Jay
    Julien Baker
    King Gizzard & The Lizard Wizard
    Nicolas Jaar
    Nikki Lane
    Pond
    Richie Hawtin
    Royal Trux
    Skepta
    Sleaford Mods
    Swans
    Teenage Fanclub
    Whitney