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NOS Primavera Sound

Porto, du 8 au 10 juin 2017

Live-report rédigé par François Freundlich le 27 juin 2017

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C'est reparti pour une journée explosive au NOS Primavera Sound Festival de Porto ! On poursuit nos découvertes des middle bands les plus en vue du moment avec l'apothéose du samedi soir.

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Comète échappés de la galaxie Ty Segall, les Californiens de Wand ouvrent notre soirée avec leur rock psychédélique possédant une subtilité toute particulière amenée par la voix de Cory Hanson. Elle possède une profondeur folk qui tranche fortement avec les guitares abrasives et autres dérivations de claviers tendus, nous rappelant parfois Thom Yorke. La batterie s'énerve dans des impulsions punk alors que les influences noise-rock du groupe ne sont jamais très loin. Wand se déstructurent en permanence, se lançant dans des instrumentaux déchainés tenant parfois de l'expérimentation. La fin de concert sera bien plus lourde avec ces guitares pesantes et venimeuses qui ont lancé parfaitement cette soirée.

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C'est l'un des groupes les plus relax du festival qui prend la suite, d'autres Calforniens mais version extrême-sud : The Growlers. Laid-back jusqu'au bout des ongles, la bande enchaine des compositions à écouter allongé au soleil avec une nonchalance enthousiaste. Inspirés par le rock garage et le reggae, The Growlers nous poussent à penser que même quelques mouvements de tête au ralenti pourraient provoquer une foulure de la nuque, à l'image du titre I'll Be Around et ses synthés corrosifs. Malgré son attitude détendue et ses petits pas de danse, le chanteur Brooks Nielsen maîtrise sa voix nasillarde et grogneuse à la perfection, lorsqu'il ne se laisse pas emporter par des instrumentaux tenant parfois au rock psychédélique. Voilà le groupe idéal pour tester l'herbe en se laissant bercer, simplement.

Il est temps de se rendre sous le chapiteau Pitchfork ou la japano-américaine Mitski va nous subjuguer en faisant monter le tensiomètre très haut. Si son dernier disque tient plutôt de l'intimiste, la New-Yorkaise et son groupe vont élever les compositions vers un power rock où la bassist hero attire tous les regards avec son charisme à tout épreuve. Mitski laisse évoluer sa voix grave sur des compositions parfois sombres mais super entêtante, rappelant parfois St Vincent. Elle nous prend par les sentiments avec cette subtilité maniée avec classe, qui prend aux tripes à tel point que nous nous rapprochons au plus près d'elle pour mieux ressentir son aura. On se déhanche sur son tube Your Best American Girl qu'elle dit espérer devoir jouer sans discontinuer pendant dix ans, sans se lasser. La bouche reste bée lorsque Mitski termine à genou à l'avant de la scène sur Happy, empoignant à peine sa basse entre ses mains, comme possédée par sa musique. On se souviendra longtemps de ce final étourdissant sur Class Of 2013 où Mitski terminera seule sur scène en brandissant sa guitare à la verticale, en chantant à l'intérieur. La grande classe !

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La tête d'affiche du soir s'appelle Metronomy, les anglais attirant une foule nombreuse sur la grande scène du festival. Nous sommes fins prêts à prendre notre dose de tubes et à danser sans relâche. Le début de set est majoritairement consacré à leur dernier album sorti l'an dernier avec cet électro-pop chaloupé et précis mélangeant claviers métronomiques et chœurs entêtants. Les synthés sonnent encore plus vintage, voire kitsch, que d'habitude, se rapprochant presque d'un son 8 bits. Le quintet est évidemment habillé d'une ambiance lumineuse chic et colorée. Le premier grand moment est l'excellent titre The Bay et ses montées synthétiques suivies d'élévations enivrantes. Les voix de Joseph Mount et Olugbenga Adelekan s'y mélangent parfaitement pour nous faire remuer au son des percussions et de la basse funky. Le groupe se donne au complet sur une version accélérée de Love Letters à la curieuse résonance d'orgue lo-fi. Le tube Corinne, morceau qui fait progresser notre cerveau vers l'au-delà n'est pas oublié. On ferme les yeux sur la partie vocale d'Anna Prior, déchainée derrière sa batterie. Mais les aléas d'un festival fait que nous quittons Metronomy pour assister au concert d'une étoile montante au chapiteau Pitchfork : Weyes Blood.

La californienne Natalie Meting va en effet nous emporter dans une autre dimension avec sa folk synthétique en apesanteur. La voix résonne avec une profondeur déchirante, relevée par un clavier qu'elle manie avec doigté, ajoutant une certaine intemporalité aux compositions. On pense à Mazzy Star dans ces incantations amoureuses sur Do You Need My Love, Weyes Blood n'oubliant jamais faire dérailler les sonorités vers des instrumentaux dissonants. Elle se saisit de sa guitare acoustique à l'avant de ses chandeliers allumés, pour une reprise de Can avec Vitamin C dans une version hypnotisante. Une tristesse et une mélancolie haletante se dégagent de Used To Be, dans moment de béatitude au beau milieu de la nuit portugaise. Sa voix fredonnée s'élève dans des aiguës magnifiques, restant dans une certaine maîtrise contenue. On ne demande qu'à revoir Weyes Blood dans une petite salle, pour saisir au vol tout l'essence de sa musique d'une fragilité et d'une beauté saisissantes. Signalons tout de même que la qualité du son n'était vraiment pas optimale sur la scène Pitchfork durant l'intégralité du festival.

Nous faisons un détour par la scène Super Bock, pour voir se déchainer le duo fou Japandroids avec un genre de rock de stade géant faisant autant de bruit qu'avec six musiciens sur scène. Les canadiens ont tapissé l'arrière de la scène d'amplificateurs et dispersent un mélange de blues-rock à la Black Keys des débuts, avec des influences grunge. Assez bavard et sympathique entre les morceaux, le chanteur Brian King n'a pas manqué de nous inviter à visiter la côte sud-ouest (du Canada). Japandroids envoient du bois, s'inscrivant dans un crescendo sonore qui va bientôt connaître son apogée dans la soirée...

Nous les quittons néanmoins pour rejoindre le chapiteau pour d'autres canadiens du sud-ouest : Operators, groupe d'un ancien Wolf Parade et Handsome Furs, Dan Boeckner. Le trio évolue à l'avant d'un écran géant affichant des formes géométriques psychédéliques, déployant un électro-pop hyper-dansant. Avec ses faux airs d'Alan Rickman, Boeckner est intenable à l'avant de la scène tandis que la claviériste Devojka (elle-même songwriter en solo) envoie des éléments synthétiques synth-pop rappelant CHVRHES ou Chromatics. Le tout est supplanté par une batterie à l'énergie punk qui ne fait vraiment pas semblant pour compléter ce power trio jouissif de pure énergie. Boeckner se saisit parfois de sa guitare électrique pour y apporter l'étincelle rock ruisselante. Operators fût l'instant dancefloor par excellence de la soirée, ayant réuni et convaincu les amateurs de rock, pop ou électro du public en un seul lieu.

Mais dans les pauses entre deux morceaux, on entendait bien au loin que le DJ Aphex Twin avait déjà commencé son set. Nous le rejoignons pour un show dantesque de plus de deux heures complètement fou. Dès notre arrivée devant la grande scène, nous en prenons plein les esgourdes, immédiatement convaincus qu'Aphex Twin reste le maître ou l'homme le plus à l'avant-garde de la musique électro actuelle. Le rythme est effréné et les samples s'enchainent sans discontinuer tandis que les lasers verts gigantesques semblent traverser l'Atlantique de part en part. Des vagues de lumières se forment au-dessus de nos têtes et des visages étranges apparaissent sur la multitude d'écrans qui parsèment la scène. En regardant autour de soi, on aperçoit un public au cerveau retourné qui se demande ce qui peut bien lui arriver. Entre moments de lâcher-prise dans la danse et de pétrification suite à un changement de rythme subit, suivi d'un questionnement immédiat (mais quoi ?), Aphex Twin ne nous laisse pas une seule seconde de répit. L'expérience se vit mais ne se décrit pas.

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On s'accorde un moment de répit en rejoignant la scène perdue et forestière Palco où The Black Angels sont en plein exercice. Les lancinantes guitares courent avec une puissance mirobolante et un écho transcendantal. Malgré le volume élevé, on parvient tout de même à entendre des bribes d'Aphex Twin au loin, c'est dire le volume de la bête. Les Texans psychédéliques enveniment la situation de leurs guitares sombres et tortueuses tandis que la voix monocorde d'Alex Maas se lance dans des complaintes Morrisoniennes. Les vagues instrumentales électriques font trembler les organes, tournoyant comme si Ravi Shankar répétait avec Lemmy Kilmister au paradis kaléidoscopique. A ce point de la soirée, nous avons déjà encaissé un sacré volume sonore et les Black Keys ont terminé le repas comme un gros pot de crème glacé après un plat bien garni.

Le digestif se fait pourtant attendre, nous finissons comme nous avons commencé avec un californien. Tycho est chaud, même si il calme le jeu avec ses sonorités mêlant ambient et musique contemplative. Les économiseurs d'écran Windows défilent sur l'écran géant tandis que le slow dancing à mouvement de bras cocasses est de rigueur dans le public. Scott Hansen disperse la musique idéale pour atterrir en douceur après ces déploiements de sonorités géantes. On atterrira même un peu trop bas puisque la chill-out à cette heure avancée a plutôt pour effet l'endormissement immédiat. Leur disque doit en tout cas faire fureur dans les salles d'attente d'acupuncteurs.

Et c'est déjà la fin de ce NOS Primavera Sound 2017 dans cette superbe ville de Porto ! Nous avons découvert un petit festival à taille humaine avec une programmation variée et des concerts réussis. Si le prestige est très éloigné du Primavera Sound Festival de Barcelone (pratiquement aucune communication en comparaison avec le grand frère qui rafle tout), on se contentera d'un festival « cool-relax » pour ne pas trop se fatiguer. Et c'est bien cela qui plaît aux déçus du gigantisme barcelonais. Pour terminer, on ne peut dire que dire vive le Portugal et à très bientôt, on l'espère !
artistes
    Against Me!
    Aphex Twin
    Bicep
    Death Grips
    Elza Soares
    Evols
    Japandroids
    Marc Piñol
    Metronomy
    Mitski
    Núria Graham
    Operators
    Sampha
    Shellac
    Songhoy Blues
    The Black Angels
    The Growlers
    The Make-Up
    Tycho
    Wand
    Weyes Blood