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Transmusicales

Rennes, du 1er au 5 décembre 2021

Live-report rédigé par François Freundlich le 9 décembre 2021

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Aux Transmusicales de Rennes, on commence tôt et on termine tard. Je fête cette année les quinze ans de mes premières Trans' et cette 43ème édition ne fait pas exception à la règle, mais cela permet d'assister à quasiment tous les concerts du festival. Je débute ainsi cette journée à l'heure du goûter dans la salle de l'Ubu où vont s'enchainer trois groupes de rock français aux guitares bien aiguisées.

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On commence avec les bordelais de W!zard dont le chanteur criard attire l'attention avec son attitude de constance urgence et à la gestuelle bien réglée. Assommoir de guitares brandies ou têtes baissées dans le manche, le trio ne fait pas dans la demi-mesure et balance des sonorités touchant au hardcore fiévreux. L'heure du thé se passe donc à la bière et au trop plein de décibels torturés, tandis que le chanteur met sa gorge à rude épreuve. A fond, à fond du début à la fin, on cherche parfois une pause ou une subtilité dans la masse de W!zard. Le leader finit par escalader l'enceinte de droite pour tenter le saut de l'ange. Il le réussit même si j'avais déjà composé le numéro des Urgences sur mon téléphone en prévision. Que d'émotions.

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La curiosité de l'après-midi se nomme Mad Foxes puisque ces nantais ont attiré davantage l'attention outre-Atlantique que dans leur pays, ayant notamment séduit Jimmy Fallon ou KEXP. Le power trio déploie un garage rock teinté de psychédélisme et d'influences pop puisque certains titres comme Crystal Glass s'impriment facilement en tête. Si les murs de guitares distordues ou dissonantes sont bien là et nous entourent complètement, une place est laissée à une certaine finesse rappelant Queens Of The Stone Age dans la mélodie ou Idlewild dans la voix. Le headbang est inévitable sur les riffs en boucle avec des stop and go sur les refrains comme sur Gender Eraser. On comprend mieux l'engouement aux États-Unis puisque les influences sont très marquées « scène de Seattle ». Mad Foxes termineront sur une deuxième escalade d'enceintes, de l'autre côté de la scène cette fois. On devrait prévoir baudriers et mousquetons pour tous ces rockeurs fous.

Je termine cet après-midi avec les parisiens de Bad Pelicans et leur grunge orageux aux basses intensives. Leurs débordements de guitares crades prennent leurs influences directes de Nirvana, si ce n'est dans une voix un peu plus maniérée. Ces chevelus rigolos aux lunettes noires bien portées, n'hésitent pas à annoncer les titres de leurs morceaux traduits en français comme Surf Ton Cercueil. Les murs de l'Ubu n'en finissent plus de trembler en ce jeudi après-midi et il est temps de faire une pause de décibels bien méritée.

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Direction le Parc des Expositions de Bruz, toujours aussi loin du centre de Rennes, pour la suite des événements. Nous retrouvons nos amis Mancuniens de Blanketman, déjà aperçu la veille à l'Ubu. Ils disposent cette fois d'un son plus ample sur la grande scène du Hall 3, partie de ces gigantesques hangars qu'on tente tant bien que mal d'humaniser en salles de concerts. Même si Blanketman est typiquement un groupe à jouer dans un petit club, leurs titres prennent une autre dimension, encore plus lorsque l'intégralité du groupe reprend le tube Beach Body dès le début du set avec ces dérivations de synthés 80's. Le coté post-punk à la New Order ressort davantage comme sur National Trust et ses « tadada » entêtants et rétro à la fois. Blanketman auront bien été notre phare pour nous repérer au milieu de cette édition des Tranmusicales.

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Je me déplace vers le Hall 8 pour admirer les franco-arméniens de Ladaniva apporter un peu de chaleur et de beauté dans le festival. Des influences orientales et la voix suave à couper le souffle de Jacqueline Baghdasaryan parviennent à m'émouvoir dès l'arrivée sur les lieux, au point de vouloir me rapprocher au plus près. La chanteuse semble habitée sur les morceaux les plus profonds et intime mais parvient à faire remuer le public sur d'autres plus rythmés, accompagnés de cuivres et de flûtes. Le chant en arménien fait pour beaucoup dans le sentiment de joie-de-vivre qui ressort des sonorités des syllabes, nous effleurant doucement la peau. Les divins Ladaniva nous ont fait partir ailleurs, la surprise fût totale.

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La soirée va s'enflammer avec la sensation rennaise de cette année : la schlagwave de Gwendoline. Sur le chemin du Hall 3, les fans entonnaient déjà « Rendez-vous au Pmu » et on se rend compte que Gwendoline a jeté un sacré pavé dans la mare de la scène musicale rennaise. Avec ces boucles de synthés, on retrouve les sonorités de la scène rennaise des débuts 80's, Marquis de Sade et consorts, mais avec une production très contemporaine. On est saisi par la froideur globale du son et la timidité apparente des deux chanteurs renfermés sur eux-mêmes, lâchant leurs textes militants et dépressifs en série. Les vidéo clips DIY apparaissent à l'arrière de la scène, laissant les musiciens dans la pénombre, affichant parfois des figures politiques qui effacent le sourire. Les « j'en ai rien à foutre » du morceau Chevalier Ricard font fuir les rares couples âgés autour de moi, visiblement outrés par tant d'oisiveté. Mais Gwendoline n'en ont probablement rien à foutre. De mon côté, je bouge la tête, danse et subitement sombre dans la déprime contagieuse des morceaux. Audi RTT et sa basse vrombissante font leur petit effet : les « Rendez-vous au Pmu à huit heures du matin » sont repris par la jeunesse rennaise amatrice de consommation de pastis à côté du Kenland. Gwendoline avaient les yeux plus rouges que verts pour ce concert à domicile qui restera sûrement dans les mémoires. On leur donnera le numéro de SOS détresse amitié en sortie de scène. « La vie c'est dur, putain ».

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Pour retrouver un peu de gaieté, on se dirige vers les islandais de Daði Freyr dont on se souvient de la double participation à l'Eurovision. A la vue des clips colorés et chorégraphiés, on s'attendait à un gros show avec le sextet au complet mais ce sera finalement un show assez minimaliste en trio, sans trop de surprises. On retrouve les sonorités electro-pop qui nous ont tellement fait danser, même si l'islandais déteste visiblement qu'on lui crie « play jaja ding dong ». Le show se veut assez minimaliste même si funky, porté par cette voix grave de Daði. Je me suis néanmoins perdu au milieu du concert avec une reprise de La Danse des Canards en instrumental alors que le groupe pensait nous faire plaisir avec un morceau français. Peut-être a-t-on oublié de lui préciser que c'était le pire. Il a fallu du temps pour s'en remettre, au moins jusqu'au dernier morceau : le fameux tube Think About Things, repris par un public qui n'attendait que ça. Daði Freyr nous laisse chanter à tue-tête sur un break avant de reprendre le refrain à la guitare. Je reste néanmoins déçu par la prestation qui manquait de folie, comme si le groupe n'était pas vraiment parmi nous.

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La suite voit un autre local de l'étape investir le Hall 8 ; le brestois Yann Tiersen propose son nouveau Electronic Set aux Transmusicales. Le breton arrive en disant qu'il avait débuté sa carrière avec des machines dans la discothèque L'Espace à Rennes et que le revoilà à nouveau ici, seul avec des machines. Il est caché par un voile blanc transparent sur lesquels sont projetés des vidéos de particules flottantes, formant parfois des silhouettes, gérées par l'artiste Sam Wiehl. Yann Tiersen manie ses appareils avec une certaine grâce, alors que d'autres projections s'affichent derrière lui, ce qui donne un effet de perspective englobant l'artiste. Les sonorités planantes et minimalistes, souvent sans rythmique, rappellent parfois Sigur Rós dans ce rapport aux vastes échos invoquant la nature. La chanteuse Emilie Quinquis vient l'accompagner sur quelques morceaux avec des textes en breton invoquant Ouessant et des passages chamaniques en quasi a capella. Un coté transe apparait sur la fin du set qui prend des allures psychédéliques, voire épileptiques au niveaux des lumières. Les beats sortent du bois, Yann Tiersen s'inscrivant dans la lignée des producteurs électro minimal comme Jamie xx. On ressort scotché par cette création originale pour le festival qui nous en a mis plein la vue.

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Pour terminer dans la joie et l'allégresse, je vais à la rencontre des californiens de Hello Forever et leur pop psyché à l'énergie communicative. Ils représentent carrément l'opposé de la déprime de Gwendoline puisqu'ils misent tout sur des morceaux positifs aux refrains ensoleillés. Je m'approche au premier rang pour mieux attraper la dose de Queer Joy dispersée par ce collectif de sept musiciens qui s'inspirent du Pet Sounds des Beach Boys. Les voix masculines et féminines se mélangent, accompagnés d'arrangements folk rock du plus bel effet. Tout cela sans parler des costumes multicolores et autres toges de choristes. Hello Forever nous charment encore plus en nous faisant chanter ses « ouhouh » sur le titre You Love Me Anyway qui me restera dans la tête pendant tout le trajet du retour. Voilà un pur moment de bonheur musical Beatlesien à souhait, avec ces californiens bien barrés.

Même si le retour en navette de bus vers le centre-ville fût infernal, cette deuxième journée aux Transmusicales de Rennes fût riche en découvertes musicales. De la déprime de Gwendoline à la joie de Hello Forever en passant par les grands espaces de Yann Tiersen, les oreilles ont été nourries de nouveaux sons. Vivement la suite.

© Photographies : Nico M
artistes
    W!ZARD
    MAD FOXES
    BAD PELICANS
    BADI
    NITEROY
    RODRIGO CUEVAS
    ANATOLE TRANSE
    BLANKETMAN
    GWENDOLINE
    MONSIEUR DOUMANI
    HELLO FOREVER
    NOISY
    INZPECTOR TANZI
    LADANIVA
    DAÐI FREYR
    YANN TIERSEN - ELECTRONIC SET
    BARBARA RIVAGE
    LUJIPEKA
    ANDREA LASZLO DE SIMONE
    BRIEG GUERVENO
    SUSOBRINO
    VINICIUS HONORIO
    CUFTEN (LIVE A/V)