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Block Party

Paris, du 17 au 19 mai 2023

Live-report rédigé par Adonis Didier le 21 mai 2023

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Rebonjour à toutes, rebonjour à tous. La Block Party du Supersonic, quatre salles, trois jours, le plein de groupes, tellement de groupes en ce jeudi 18 mai de l'Ascension que je vous laisserai relire la chronique du premier jour si vous voulez une description complète de ce qu'est la Block Party, parce qu'on va devoir enchaîner sévère.


17h20. Rien, ça commence à 17h40. Ça m'apprendra à mal lire le planning. 17h40, donc. Alors que l'on ne se fera jamais au fait d'apercevoir un grand ciel bleu à travers les vitres du Supersonic, ce sont CVC qui ouvrent cet après-midi les hostilités. Une entrée en matière moins éprouvante que Maruja la veille, mais non moins qualitative. On découvre le groupe en live par Good Morning Vietnam, pop sautillante rappelant un peu Blossoms, l'enchaînement suit naturellement celui du récent album, et Woman Of Mine dessine le visage bluesy et soul des cinq Gallois, un aspect assez peu british 2020 qui amène de la fraîcheur à la programmation. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises : chorégraphie montée et descente de bassin, Winston met du Beach Boys dans nos vies, avant que David Bassey, le guitariste au gilet texan et au chapeau-bob de pêcheur, ne se mette au piano électrique Vox pour lancer Music Stuff. Une chanson funky et soul, qui nous fait bouger notre boule au rythme de la sensuelle ligne de basse qui la parcoure, et vous n'avez pas encore entendu Knock Knock. On s'éclate à la cool sur le dancefloor en cette fin d'après-midi, les solos de guitare avec grimaces de virtuose pleuvent sur Sophie, avant que Docking The Pay ne termine le travail d'un gros rock 70's bien engagé. CVC, c'est mieux que Ricoré pour bien débuter sa journée, pas étonnant que les initiales veuillent dire Cacao-Vanille-Coke.


Enter Laughing ayant dû annuler leur venue, on prend tout notre temps pour arriver jusqu'à Saloon Dion, et profiter une vingtaine de minutes du britrock convenu mais distrayant de ces jeunes de Bristol légèrement meilleurs en jeux de mots qu'en rock n'roll. Le « je m'appelle Saloon Dion » introductif nous fera tout de même bien rire, et force est de constater qu'ils ne ménagent ni leur énergie ni leur gouaille pour faire passer leur musique. Et pendant que d'autres profitent d'un verre en terrasse devant le Café de la Presse, on préférera se préchauffer les coudes lorsqu'arrive Happiness. Oups il est déjà l'heure de partir, on vous l'a dit, la journée est chargée.


Première incursion de ce festival au Supersonic Records pour les équipes de Sound Of Violence, c'est parti pour voir ce que vaut la dream pop de Maripool en live. beabadoobee dans les enceintes pour l'attente, le groupe a le mérite d'avoir de bons goûts musicaux, et ce même si ce dernier commentaire n'engage que moi et non l'équipe de rédaction tout entière, qui ne m'a certainement pas forcé la main pour rajouter cette dernière note ma foi légèrement superflue. D'entendre She Plays Bass ne nous aura pas menti sur la direction musicale du groupe, son répertoire étant essentiellement constitué de chansons pop éthérées suivant le sillage des Alvvays, DIIV, Softcult et consorts faisant vivre le genre de la pop-rock rêveuse. Les chansons de Maripool en studio sont plaisantes, mais souvent trop lisses et gentillettes pour passer le cut de la réécoute, et il n'y aura que peu de suspens, le live sera du même acabit. La scène du Supersonic Records n'étant de plus pas la plus simple pour se laisser aller, c'est de manière trop statique et trop neutre que les membres du groupe aligneront les chansons le temps qu'il nous sera donné de les voir. La course d'une scène à l'autre n'aidant pas à l'immersion, on se redonnera toutefois une chance, si chance nous est laissée, de revoir Maripool sur la durée d'un concert complet, la tête moins encombrée par la timetable.


Eh oui, il est maintenant Bilk moins zéro minutes, alors pas le temps de traînasser, Fashion déboule à toute vitesse sur le pavé de ta banlieue pavillonnaire. Eh Manu tu descends !? Et oublie pas ton skate ! Be Someone lance un gentillet pogo d'adolescents, la basse bounce contre la brique du Supersonic et nous sert de trampoline, pendant que Sol Abrahams débite ses paroles plus vite que ça ne ride les rambardes devant la fac de Jussieu. Un power-trio punk-pop avec des dégaines d'ados skaters de quinze ans, des guitares recouvertes de stickers, des sangles fixées au chatterton, on est visuellement pas loin des débuts de Green Day, pour un concert qui passe à toute vitesse, et j'arrive à court de métaphore incluant des planches à roulettes. Mais vous avez saisi, Bilk ça va vite, ça n'a pas le temps, et ça aligne les chansons les unes après les autres, tant et si bien que l'on se demande parfois si on n'a pas entendu deux fois la même. Une impression à laquelle déroge Stand Up, dernier morceau du soir et énorme rock rageur qui dénote de la formule classique pour le plus grand plaisir de la fosse. Seulement une demi-heure au lieu des quarante minutes allouées, vraiment pas le temps de niaiser, et pas le temps non plus pour les deux tubes que sont Bad News et Spiked. On comprend l'idée de ne pas s'enfermer dans d'anciens singles, mais il reste dommage de totalement snober les chansons qui les ont fait connaître, surtout quand celles-ci restent les meilleures de leur répertoire.

Bref, on rangera notre seum dans notre poche pour maintenant aller voir des spécialistes de la chose, les Belges de run SOFA. Ici, on ne court pas les joyaux mais les canapés, le tout est sans concession, et le volumineux chanteur-rappeur n'hésite pas à s'en prendre directement à la foule, profitant du contact direct offert par la non-scène du Seine Café. Sleaford Mods comme référence la plus évidente, le barouf' est hypnotique, nerveux, défoncé au crack, hébété et la main sur le couteau papillon. On restera jusqu'à la fin, ne résistant pas à l'idée de pogoter directement avec le chanteur, et de remercier nos voisins belges pour ce passage des plus badass.


Forcément, on est en retard pour Benefits, alors on se presse au Café de la Presse, on pousse la porte, on entend hurler, un œil à gauche, un œil à droite, personne ne se meurt, personne ne se fait agresser ou presque, on regarde la scène, Kingsley Chapman, le crâne militairement rasé, la veine du cou palpitant du microphone dans lequel il hurle, les rangers plantées dans les côtes du gouvernement britannique, à terre, roué de coups. Comme un débarquement viking sur les côtes anglaises, la bataille n'était pas équitable, Benefits étant beaucoup trop intense pour être stoppé par un quelconque amendement, par une vulgaire circulaire ministérielle, ou par un putain de Brexit. Ces gars du Teesside, la porte qu'on leur ferme au nez, ils la pètent en deux, et s'en font un sandwich avec Boris Johnson au milieu. Du beat lourd, Kingsley Chapman entre hurlements, déclamations engagées, poses de boxeur musical, un larsen apocalyptique en plein milieu de ce fracas déjà bien fracassé, si vous trouviez l'écoute de l'album éprouvante, vous n'êtes pas prêts pour ce qui se dégage de Benefits en live.


Mais il y en a qui sont prêts, et qui nous attendent de pied ferme sur la scène du Supersonic. Il est 21h, et c'est le moment de parler de DEADLETTER, en course pour le meilleur concert de cette première Block Party. Les transitions de rédaction faiblissent, mais pas le fantastique bordel dans la fosse. "It's quite the uproar" comme le hurle Zac Lawrence, alors que Pop Culture Connoisseur nous introduit à la bande. Le frontman tente de faire reprendre les textes par le public, l'effort est louable, mais la chanson visiblement pas la plus connue. Et voici qu'arrivent les problèmes techniques. La basse vient de lâcher, on demande un jack, on tente d'envoyer Hero quand même, le rebond grave de l'instrument va puis repart puis revient puis repart, c'en est trop pour George Ullyott qui jette sa basse et met un coup de pied à son micro, veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. Alors le groupe joue pendant qu'on change une fois de basse, mais toujours pas. Un autre changement, branchements, débranchements, bof bof, puis un groupe qui passait par là a la gentillesse de fournir un instrument qui marche, et enfin The Snitching Hour peut lancer un concert prêt à monter dans les tours, sous des injonctions du groupe qui ne resteront pas lettre morte. It Flies, chanson inédite, jette les corps les uns contre les autres, il reste à peine la place de bouger, alors on se la fait à coups d'épaules et de coudes glissés dans la sueur des autres, sur un post-punk toujours plus déchaîné, devant l'un des groupes les plus intéressants d'une scène déjà bien surchargée. Deus Ex Machina, deuxième inédit, entretient la tempête tropicale et nous fait saliver d'entendre les futures sorties des zigotos, Zac nous fait nous baisser devant lui, nous murmure à l'oreille, et on saute, et on redescend pour écouter la bonne parole, et on resaute. Le cardio à 2000% il faut maintenant faire les chœurs de Fit For Work, enfin plutôt les braillements, mais je vous prierais de ne pas juger avant d'avoir vécu le bordel. Un bordel dans lequel Zac va joyeusement se lancer, crowd surfing et Binge pour terminer une fosse qui cette fois-ci reprendra toutes les paroles par cœur. La journée était annoncée complète, on voit que tout le monde s'est retrouvé là pour DEADLETTER, et c'était ma foi un bon choix.


Un monde sans doute beaucoup moins présent devant les Irlandais de Nixer. Les soucis techniques de DEADLETTER ayant retardé la fin de concert, on ne pourra que vous conseiller d'écouter ce synth-punk très sympathique que l'on a malheureusement loupé, en espérant que ce ne soit que partie remise. L'occasion, donc, d'aller sécher son t-shirt devant la britpop de FEET. On profite, on kiffe, mais l'esprit encore en convalescence de la claque DEADLETTER, on n'en retiendra pas grand-chose. Une passade musicale très agréable, mais qui ne restera qu'une passade, qu'un amour d'été vite oublié lorsque vient à sonner la rentrée des classes.


Allez, on se reconcentre, dernier groupe britannique du soir, wych elm. Une fumée à la consistance inquiétante s'échappe du Supersonic Records, le chaudron bouillonne au pied de l'orme de montagne, les sonorités éthérées se chargent de métaux lourds, de bave de crapaud, et de sang de chauve-souris. wych elm montent les potards en live, et font passer leur dream rock mystique à un stade s'approchant du doom metal. La brume s'épaissit jusqu'à devenir noire, on frôle l'asphyxie, la douce asphyxie qui nous éviterait de devoir aller bosser lundi matin, qui nous éviterait de payer un loyer hors de prix à Paris, et puis après tout c'est assez facile de faire tourner sa voiture dans un garage fermé sans aération... Ouf, on est ressortis, les idées noires s'envolent, et on se méfiera désormais de la puissance évocatrice de wych elm avant d'aller acheter une corde et un tabouret par inadvertance entre deux paquets de pâtes.

Un dernier saut d'une bonne heure au Supersonic pour boucler la soirée, et même si les Personal Trainer sont hollandais et non britanniques, on va en parler parce que c'est vachement bien. Oui, la qualité littéraire de cet article s'étiole au fur et à mesure que le cerveau perd en lucidité, au fur et à mesure que l'on bataille dans la sueur et les jets de bière, mais n'empêche que c'était vachement bien. L'ultra tube britpop The Lazer aura été la bande-son du festival, ça danse, ça met le bazar sur scène, on se fait renverser de la bière sur le coin du museau par le chanteur Willem Smit, on compte un trompettiste, une guitariste, un bassiste, un autre guitariste, un batteur, une claviériste, un percussionniste multifonctions, et on n'arrêtera globalement pas de s'amuser avec cette troupe aux airs improbables, et au rock renversant de bonne humeur. La dernière chanson sera étirée sur dix minutes, le percussionniste finira soulevé par la foule, Willem crachera sa bière dans la bouche d'un spectateur qui n'avait rien demandé à personne, et voilà enfin la fin. La fin ? Toujours pas, le public demandera un rappel et le concert durera finalement plus d'une heure, pour conclure ce jeudi soir, a.k.a la plus grosse journée de la Block Party, une journée qui nous voit quitter le Supersonic au son du... Supersonic d'Oasis, comme lors des sept ans de la salle en février.

Une marque de fabrique du bon goût de la programmation habituelle du Supersonic, et la parfaite conclusion à une journée placée sous le signe du rock anglais, dans toute sa diversité, du rock-soul funky de CVC, en passant par la dream pop de Maripool, le teenage punk de Bilk, le grime punk indéfinissable de Benefits, le post-punk génial de DEADLETTER, et tellement d'autres choses à voir encore demain. Est-ce qu'on sera toujours en vie pour en parler ? Restez aux aguets, et si vous déposez des fleurs sur ma tombe, spoiler ce sera la faute de CIEL.
artistes
    CVC
    Saloon Dion
    Maripool
    Bilk
    run SOFA
    Benefits
    Beverly Kills
    Deadletter
    Nixer
    FEET
    wych elm
    Personal Trainer
photos du festival