Dernier jour, le niveau sonore monte quasi crescendo.

Tout d'abord avec les anglais de
bdrmm qui viennent nous présenter leur nouvel album sorti cette année,
I Don't Know (en réponse sans doute à la question « Comment diable va-t-on appeler notre nouvel album ?). Ils ouvrent avec le premier titre, électronique et ambiant
Alps, qui fait danser le public. Vient ensuite
Be Careful, sa basse aérienne s'accordant parfaitement au cadre, entourés de plages sous le Soleil déclinant.
It's Just A Bit Of Blood voit les musiciens s'énerver et le bassiste placer sa basse dans son dos de manière un peu gauche, et jouer ainsi. Effet rockstar garanti. Le public enthousiaste commence à remuer. Quelques titres du premier album,
Push/Pull, Gush et
Happy sont également présentés ce soir.
Après les avoir vus sur scène au Club Transbo de Villeurbanne en première partie de Mogwai l'an dernier avec un son impeccable, permettant de profiter de la belle mélodie des guitares, ici nous n'entendons que la batterie et la basse, ce qui change la perspective des chansons mais est un peu déconcertant et frustrant.

Après une pause repas, les new-yorkais du trio
A Place To Bury Strangers déboulent sur scène pour mettre le dawa avec leur son noise rock. Batteuse tapant comme une forcenée, bassiste poussant la distorsion à fond et chanteur aux guitares malmenées : il aime en effet taper contre le sol tout ce qui lui passe par les mains : guitares, amplis... à la moitié du show, les trois musiciens désertent la scène pour foutre le bordel en plein milieu de la foule. Slams et pogos à gogo, bouillie sonore jouissive, et une fin de show avec la patate. Merci à eux.

Place maintenant au retour du boom et du bap (NDLR : par Adonis Didier). Enfin, plutôt qu'un retour, une parenthèse, un moment suspendu de hip-hop au milieu d'un festival axé punk et psyché, un moment offert à tous ceux, et ils sont nombreux, qui se pressent sur la grande scène plutôt qu'aux toilettes ou en transat sous la pinède (mais on ne vise personne).
Loyle Carner : le nom est là, floqué sur des maillots courant la foule dans la nuit noire. Quelques notes de piano. Une énorme basse. Le flow tombe, casquette sur la tête. « Let me tell you what I hate ». Intro du dernier album
hugo, intro de l'heure à passer ensemble, la batterie boom bap et éclate
Hate dans tous les coins, le son est lourd, la poussière dans laquelle on baigne s'assouplit sous la pression des basses, le trampoline se tend, les pieds sautent, l'île elle-même plonge et refait surface lorsque Loyle Carner nous crie de jump, comme un goût d'entrée sur la pelouse du Vélodrome.
Loyle Carner et sa grande bande de musiciens, donc, un guitariste, une bassiste, un batteur, un pianiste, et un DJ pour l'accompagner en vacances sur la côte d'Azur. On alterne entre classiques gravés dans la roche,
You Don't Know, Damselfly avec un mot pour son pote Tom Misch,
Yesterday, et les déjà-classiques sortis l'an dernier,
Blood On My Nikes, Plastic, Georgetown et son instru live inédite. Loyle est bavard, les dédicaces fusent,
Angel pour son fils présent ce soir,
Loose Ends pour Jorja Smith, quelques pensées pour ses parents, pour nous qui vivons dans un lieu magnifique (clair, je ne vis pas du tout dans vingt mètres carrés à Paris), un petit mot sur la masculinité toxique, lui qui a toujours rêvé d'être soft and delicate, et enfin
Nobody Knows (Ladas Road). Le sample, le premier couplet, la basse s'écrase, le drive est monstrueux, la chanson est un des sommets du hip-hop moderne, un sommet qui projette le L et le C si haut dans le rap game qu'il n'y a désormais que Thomas Pesquet pour espérer aller le chercher. Le moment est précieux,
Ain't Nothing Changed et
Speed Of Plight plient l'affaire, et on se laisse rêveur à chanter les lyrics d'
Ottolenghi, très en yaourt pour ne pas vexer le grand Loyle et son micro tendu. Une parenthèse enchantée de chill et de bonne humeur, mais attention, car après le beau temps vient la pluie, et c'est une tempête sans précédent qui se profile en conclusion du programme de l'île du Gaou.

En effet, alors que nos français de
Lysistrata allument la pinède avec leur noise-rock redoutable en live, les tant attendus
IDLES déboulent sur la grande scène dans une atmosphère ultra tendue, n'attendant qu'à exploser.
Et cela commence au bout de quelques minutes, lors de la deuxième moitié d'un
Colossus plus lourd que jamais. Joe Talbot, pas venu ici pour trier les lentilles, regarde la foule avec intensité en hurlant qu'il met les homophobes dans des cercueils. Pendant ce t
emps, Lee Kiernan, caméra au bout du manche de sa guitare, plonge dans la foule. Il faut déjà lutter pour rester debout, et votre reporter est déjà trempée de bière de la tête aux pieds, y compris ses bouchons d'oreille, désormais des éponges.
Si les anglais envoient principalement des titres de leur dernier album
Crawler (2021), notamment
Car Crash, Crawl et
The Beachland Ballroom en première moitié de concert, et quelques chansons d'
Ultra Mono et
Brutalism, le classique
Joy As An Act Of Resistance est largement mis à l'honneur, en particulier en fin de concert avec le triptyque
Never Fight A Man With A Perm – Danny Nedelko – Rottweiler qui plonge le public dans l'euphorie. Après avoir improvisé un ou deux bœufs, tous sourires, sur des slogans politiques scandés de manière spontanée par le public, Joe Talbot accueille un enfant sur scène, encouragé par le public, qui crie son prénom. Chaque concert d'IDLES est une expérience unique, et toujours pleine de surprises. Durant les deux derniers morceaux, entrée dans le pogo (et sortie couverte de terre) ; tous ceux qui y sont sont ivre-morts.
N'oubliez pas de consommer l'alcool avec modération, même si la bière est bonne, et la programmation et les bateaux, pointus. Pourquoi ? Car il serait dommage d'oublier cette 7ème édition inoubliable... et monumentale ! Merci aux bénévoles, à l'organisation, aux photographes, aux artistes d'Arrache Toi Un Œil, aux groupes bien sûr, et au programmateur Vincent Lechat. Une chose est sûre : nous y retournerons l'an prochain. Au plaisir, chers lecteurs et lectrices, de vous y croiser.