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Block Party

Paris, du 30 mai au 1er juin 2024

Live-report rédigé par Adonis Didier le 7 juin 2024

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Et zééééé barti ! Oui, comme on n'a pas d'imagination, l'introduction sera la même que l'année dernière : nous voici de retour à la Block Party du Supersonic, il est fin mai, et personne n'a de nouvelles du soleil depuis septembre dernier. Pour les non-parisiens et les non-diggers de bangers undergrounds (technique, celle-là), la Block Party, c'est quoi ? Et bien, c'est un petit festival de trois jours organisé à Bastille par les équipes du Supersonic, dans quatre salles différentes distantes de quelques centaines de mètres et réunissant une trentaine de jeunes groupes de rock qui seront peut-être, ou peut-être pas, le futur du genre dans cinq ans.


Les rotations de salle sont toujours les mêmes, Supersonic Club puis Supersonic Records puis Guru (ex-Café de la Presse) puis Seine Café, et c'est donc tout logiquement qu'on commence cette première journée à 19h30 au Supersonic Club devant The Family Battenberg. Des gallois avec un style et une musique d'australiens, en même temps si ce n'est pour la météo et les serpents, y a-t-il grande différence entre les deux pays ? Le rock est direct, dansant, ça sent le désert et les pubs de Cardiff, et ça sent comme si Wolfmother ouvrait pour nous la soirée. Le groupe a un membre en moins et a dû emprunter la basse des copains de Bible Club, mais rien ne démoralise nos Perceval de compétition, cravachant tout ce qu'ils peuvent pour gagner un public qui sort encore tout juste du travail. « Est-ce que vous êtes assez saoul ? Bon, sans doute pas ! ». Non, clairement pas, mais on se sera bien amusé à découvrir le rock franc du collier, drôle, puissant, et libérateur de la famille Battenberg, et il est déjà temps d'y aller, car la Block Party c'est avant tout des salles, et des ambiances, et des salles, et des ambiances. Bref, quelques salles et beaucoup d'ambiances.


Des ambiances comme celle de deary dans le cadre plus intimiste et arty du Supersonic Records. Fini la bousculade, le temps est à la douceur, au coton, à la ouate, aux nuages défilant devant une fenêtre derrière laquelle une jeune fille pleure des larmes dont elle a oublié la raison, trop occupée qu'elle est à écouter jouer deary, aka « Mazzy Star mais en 2024 ». Le quatuor mené par la voix berçante de Rebecca Cockram expose lentement sa musique mélancolique et envoûtante dans l'atmosphère bleutée du Records, l'effet Rondoudou ronflements du dernier EP est compensé par une batterie bien plus présente, et même si les nouvelles chansons que sont Moth ou Back Home ne vont pas révolutionner la musique du groupe, on aura passé un fort joli moment en compagnie de ces chers deary.


Le temps de prendre un peu l'air pour passer d'une salle à l'autre, et maintenant place aux chouchous, car on avait évidemment coché depuis des semaines le nouveau passage de Hallan à Paris, passage timé à 20h20 au Guru Club devant une foule qui commence lentement à se remplir, marquant des retrouvailles que l'on attendait moins que les anglais avec la configuration tout en longueur et en passages de barmaids de la salle. Comme on est des gens sympas, on ne s'attardera évidemment pas sur la calvitie naissante de Conor Clements, ni sur son look de courtier en finance, car c'est la musique qui nous intéresse, et quelle musique ! Les classiques Modern England et Sich Übergeben pour lancer la machine, l'EP de l'an dernier avec Cut With The Kitchen Knife, et les retrouvailles avec l'inédite The Great White Silence : le groupe nous offre en quatre chansons une évolution des quatre dernières années d'un post-punk classique de 2020 à une pop-rock légèrement électronique qui nous fait décidément bien penser aux Killers. S'en suit un speech sur la série Netflix « les prisons les plus dures du monde » (non disponible en France, mais connaissez-vous Nord VPN ?), un coucou à Lilian dans sa prison moldave, et Lilian's Regret, nouvel inédit, nous conforte dans la direction pop-rock assumée du groupe, conclu par un petit coup d'harmonica clin d'œil aux Libertines (ou à Francis Cabrel). Le public se lâche enfin, The Colline Gate remet le post-punk électro sur la table, The Red Rose (Turns To Dust) revient à de la pop-rock enlevée et mélodique pour le dernier inédit du soir. Vous savez comment ça finit : avec Money Talks, ça saute, ça danse, l'ambiance est moins folle qu'à l'International il y a huit mois, mais un concert de Hallan reste toujours un petit évènement dont on aime profiter abondamment.


On a bien fait d'être resté jusqu'à la fin d'ailleurs, car c'est l'heure de descendre dans le speakeasy de la Seine Café pour aller écouter les Bristoliens de Bible Club, et quand on dit écouter c'est plutôt une façon de parler. La lumière est immonde, le son est immonde, on ne voit rien, on n'entend rien, et on essayera de revoir le post-punk jazzy de Bible Club, lourd et harmonieux, dans de meilleures conditions une autre fois. Sans rancune les gars, à une prochaine, juste le temps de dire un mot aux équipes techniques qui galèrent dans une salle plus que compliquée, et on est parti pour une petite séance interdite aux mineurs.


Adult DVD, c'est leur nom, sont là pour retourner le Supersonic, et peut-être aussi vos mamans. Imaginez Warmduscher avec des dégaines de footeux du dimanche anglais, des claviers partout, des trucs qui font bip et qui font flash, une batterie, une guitare, une basse, et un chanteur sponsorisé par de la tequila. La recette d'un énorme bordel croisant house techno et post-punk dans la musique d'un sextuor tenant plus du sex que du tuor, méritant bien plus le nom de daft punks que les vrais Daft Punk. On est enfin serrés et trempés de sueur, parce que le Supersonic sans sentir le phoque en nage, ce n'est pas vraiment le Supersonic. Les derniers singles Yacht Money et 7 Foot 1 déclenchent les premiers vrais pogos du festival, les gens font la chenille sur Bill Murray, ça hurle tellement fort que les gars font un rappel imprévu, et puis... et puis voilà ! Adult DVD, c'était trop bien, merci à tous pour ce grand moment littéraire, qu'on va certainement continuer parce que le prochain groupe est tout aussi fin et subtil.


Girlband!, qui se renommeront peut-être en Gillaband! dans quelques années qui sait (même si ce sont bien trois femmes qui jouent), et leur pop-punk droit dans la face, ni très recherché ni très original mais énergique, et c'est souvent tout ce qu'on demande à du pop-punk. Ça frappe fort, tellement qu'on n'entend que la cymbale crash de la batterie d'ailleurs, la cohérence stylistique discutable oscille du look de camionneuse de Georgie à la guitare au look Emily in Paris de Jada à la batterie, marinière et béret rouge sans doute en hommage à la carrière politique disparue d'Arnaud Montebourg. Oui, on a fait tout ce point mode à l'intérêt très discutable juste pour vanner Arnaud Montebourg, et dites-vous que c'est que le premier jour, alors autant passer vite à la suite, et retrouver de vrais australiens cette fois-ci.


Sunfruits (que vous pourrez retrouver au Very Good Trip Festival du 14 au 16 juin au château de Bellocq, entre Pau et Bayonne), c'est du soleil et des fruits venus de Melbourne en Australie, un cocktail live plus rock mais tout aussi sexy et psychédélique que ce à quoi on s'attendait sur le papier. La croisière s'amuse de l'année 66 aux années 80, du psyché, du hard rock, du funk, du disco, le tout dans un shaker avec des glaçons, pour un résultat à siroter au bord de la piscine, avec des fleurs dans les cheveux et du khôlle sur les yeux. Believe It All clôt la séance au Guru en empruntant le générique de fin aux Beach Boys, et c'est le cœur léger et l'esprit libre que l'on se dirige le pas joyeux vers le Supersonic Club pour finir en beauté la soirée.


Un dernier concert qui sera big, qui sera special, qui sera BIG SPECIAL comme l'indiquent les lettres géantes en carton posées au fond de la scène, avec une batterie et un pied de microphone sans le light show initialement voulu par le groupe, trop chiadé et imprévu pour une demi-heure de passage dans un festival de quartier. Et en même temps, c'est ça la Block Party. Venir sans artifices, avec sa gouaille, son énergie, ses dix doigts sur un instrument, pour faire vibrer un public massé pour la musique et pas pour les paillettes autour des yeux. Et à ce petit jeu, les deux compagnons de BIG SPECIAL seront parmi les meilleurs du week-end : Joe Hicklin le poète-hurleur au look de prof de philo hipster, Callum Moloney le batteur psychotique, chauve, et couvert de tatouages, auto-présentés comme le Grand Spécial, déroulant leur premier album entrecoupé de coups de klaxons et de speechs inspirants à but lucratif. Donnez-moi un B, donnez-moi un S, et donnez-moi vos thunes, car la révolution a avant tout besoin de mécènes pour exister. De l'argent qu'on donnera gracieusement tant la dynamique du duo est sensationnelle, Joe est un poète grave et torturé, Callum un batteur qui joue le moitié du temps debout en hurlant, deux figures opposées et complémentaires faisant exploser dans nos oreilles des brûlots de spoken word post-punk titrés en majuscule comme THIS HERE AIN'T WATER, SHITHOUSE, ou encore DUST OFF/START AGAIN, terminée a capella et soutenue par un certain chroniqueur criant chaque fin de phrase dans un anglais plus qu'approximatif. Sleaford Mods rencontrent les Black Keys écrivait la plume imbibée du plus littéraire des jet-setters parisiens, un cocktail molotov qui nous a ce soir rencontré nous, descendant dans la fosse, tirant le fil du micro jusqu'à s'asseoir sur le bar pour chanter TREES, et revenant finir le travail sur l'immense DiG!, réminiscence de Yard Act quand Yard Act c'était encore bien.

Pas de rappel, les lumières se rallument dans la boîte de nuit car il ne reste plus de chansons, et l'on mélange déjà les souvenirs de tous les groupes vus aujourd'hui : la transition pop-rock de Hallan, le bordel généralisé d'Adult DVD, et la majesté populaire des Laurel et Hardy du spoken punk, j'ai nommé BIG SPECIAL. Pas de rappel, si ce n'est la soirée Disco du Supersonic jusqu'à 6h du matin, mais on a encore deux jours de festival à couvrir, et vu la qualité des blagues dès la première journée, ne nous en voulez pas si on préfère dormir un peu !
artistes
    Adult DVD
    Bible Club
    BIG SPECIAL
    Deary
    Girlband!
    Hallan
    Motorists
    Sunfruits
    The Family Battenberg
photos du festival