Eclipsée par un enchaînement incessant d'événements sportifs depuis la fin du printemps, la période estivale n'aura jamais semblé s'être écoulée aussi rapidement. Alors que la rentrée, tout comme les Jeux Paralympiques, se profile désormais, place est faite en cette fin de mois d'août à l'un des principaux festivals de France, Rock en Seine. Un temps remise en cause l'année passée en raison du copieux programme imposé aux forces de sécurité en France, cette édition 2024 s'annonce au final plus intense que jamais avec un total de cinq soirées consécutives, incluant la présence événementielle de Lana Del Rey en ouverture. Si la venue de cette dernière s'est avérée triomphale la veille, c'est bien en ce jeudi 22 août que les choses sérieuses vont commencer avec Måneskin, The Hives, Gossip ou encore Kasabian.
Le coup d'envoi de la journée est donné sur le coup de 16h15 à la Grande Scène avec
The Last Dinner Party, face auxquelles se dresse une foule nombreuse rarement observée aussi tôt dans le domaine national de Saint-Cloud. Alors que le concert du groupe prévu à l'Olympia de Paris cet automne affiche d'ores et déjà complet, la popularité du jeune quintet féminin anglais n'est plus à faire et la frange la plus jeune du public présente aujourd'hui ne s'y est pas trompée. Avec des personnalités déjà bien affirmées, à commencer par une Abigail Morris, voix du groupe, omniprésente et très à l'aise dans son rôle de maîtresse de cérémonie, The Last Dinner Party font preuve d'une réelle maturité en dépit d'un répertoire encore très inégal, à l'image de leur premier album
Prelude To Ecstasy. Leur pop baroque très influencée par ABBA a beau s'électriser au son des guitares de Lizzie Mayland et Emily Roberts, il faudra attendre la fin du set pour monter en tension et réellement les voir convaincre le public, notamment durant une reprise réussie du
Call Me de Blondie, l'efficace
The Killer et bien entendu leur premier single depuis certifié tube :
Nothing Matters. Des promesses qu'il faudra attendre de voir se confirmer, ou non, sur un futur second album.
Changement de calibre trois quarts d'heure plus tard sur la même scène pour le retour de
Kasabian dans la capitale, quelques semaines après la sortie de
Happenings, disque à l'accueil critique mitigé mais au succès commercial indéniable outre-Manche, en témoigne une première place atteinte dans les charts locaux pour la septième fois consécutive. S'ils disposent d'une discographie désormais copieuse et riche en tubes certifiés, le constat effectué ces dernières années suite à l'éviction de Tom Meighan ne va faire que se confirmer ce soir à la vue des cinquante minutes passées en compagnie de la formation originaire de Leicester : avec des musiciens relégués au rang de faire-valoir, placés au second plan en compagnie de Rob Harvey (The Music), Kasabian ne semblent désormais être plus que l'ombre d'eux-mêmes, le seul Sergio Pizzorno cherchant sans cesse à accaparer l'attention, seul au centre de la scène au premier plan. Si ce dernier y parvient de par son charisme et son omniprésence, un chant approximatif et des gimmicks parfois un peu grossiers desservent une prestation dont se détacheront
Club Foot ou
L.S.F. (Lost Souls Forever), sans oublier
Shoot The Runner ou un enflammé
Fire en guise d'au revoir. On préfèrera a contrario oublier les irritants et dispensables
Call ou
Italian Horror, symboles d'une nouvelle ère pour Kasabian mais aussi démonstrateurs du vide laissé par Tom Meighan et de la mainmise de son compère sur l'orientation du groupe depuis quelques années désormais.
Sur la scène de la Cascade, c'est un artiste habitué des salles françaises et surtout un maître des prestations scéniques que le public retrouve avec
Frank Carter & The Rattlesnakes. Si les albums du groupe ont jusqu'à maintenant toujours rencontré un succès modeste, il en est tout autre dans les conditions du live où les anglais ont progressivement construit une impeccable réputation de bêtes de scène. Certes de nombreux titres de leur répertoire ne sont pas des plus originaux, mais la vie et l'énergie que leur insuffle le leader de la formation les transcende. Haranguant sans cesse la fosse, dans laquelle il se rendra le temps de plusieurs titres, Frank Carter opère comme toujours avec une bienveillance admirable, poussant le public à se lancer dans moult pogos ou circle pits toujours dans le respect d'autrui, et refreinant les envies de crowd surfing de certains face à la passivité de la sécurité. Avec leur punk accessible, en témoignent les titres du récent album
Dark Rainbow sous forme de renouveau dans leur son, Frank Carter & The Rattlesnakes resteront parmi les principaux animateurs de cette journée.
Toujours plus nombreux alors que les heures passent, la circulation dans les allées du site se compliquant progressivement, le public est à nouveau massé face à la Grande Scène pour assister au retour de
The Hives, dix ans après leur précédente venue au même endroit. Poursuivant la tournée entamée l'année passée avec la sortie de
The Death Of Randy Fitzsimmons, les cinq suédois vont appliquer durant une courte heure la recette qui est la leur depuis maintenant trois décennies : un garage rock frénétique, jovial et incandescent, à l'image de leur leader Pelle Almqvist, jouant encore et toujours de son bagou teinté d'ironie pour multiplier les interactions avec le public lui faisant face. Arborant comme de coutume leur imagerie faite de noir et blanc, avec costumes à l'unisson, les musiciens se donnent sans compter, à l'image du guitariste Nicholaus Arson multipliant les pauses et mimiques et allant jusqu'à s'offrir un slam au milieu de la foule. Concentrée en treize titres, la setlist du jour ne souffre d'aucun temps mort, les nouveautés (
Rigor Mortis Radio, Bogus Operandi) comme les classiques (
Hate to Say I Told You So, Walk Idiot Walk, Tick Tick Boom) s'avérant du plus bel en effet. Si les Hives nous auront livré, comme à leur habitude, un concert réjouissant, on regrettera malgré tout l'attitude d'une frange du public, visiblement en attente de Måneskin, étrangement peu concernée par le spectacle qui lui aura été offert.
Après quelques années d'absence des scènes françaises, c'est forts de leur nouvel album
Real Power que
Gossip s'apprêtent à se produire aujourd'hui pour la première fois à Rock en Seine. A cinq sur scène, Beth Ditto et Nathan Howdeshell se voyant accompagnés par trois musiciens additionnels en l'absence de Hannah Blilie à la batterie, les américains vont balayer les principaux titres de leur discographie tout en laissant une place importante à leur nouveau disque. Une prestation par ailleurs en intégralité chansignée par deux intervenants diffusés sur les écrans de part et d'autre de la scène. Une intention louable, mais qui ne suffira pas à faire oublier un concert décevant, la faute à une Beth Ditto, pourtant toujours impeccable vocalement, semblant dépassée et se dispersant trop souvent via des discours stériles et incompréhensibles, cassant le rythme d'un concert qui aura toutes les peines du monde à prendre son envol. Si
Listen Up! lance le concert sous les meilleurs auspices et que
Men In Love provoque quelques soubresauts, on s'ennuie ferme et nombreux sont ceux à quitter progressivement les lieux. Il faudra ainsi attendre le dernier quart d'heure pour voir le groupe être enfin à la hauteur de sa réputation,
Standing In The Way Of Control réveillant la foule avant que
Heavy Cross, introduit par une Beth Ditto émue, ne constitue le final attendu par beaucoup. Une prestation conclue par la chanteuse dans la foule, interprétant a capella
L'homme à la moto d'Édith Piaf pour le plus grand bonheur de ses fans. Un réveil tardive de Gossip qui n'aura pas suffi à faire oublier une prestation globalement très mitigée.
Journée la plus rock & roll de cette édition, ce jeudi se voit conclut avec l'offrande des organisateurs au grand public via la venue de Måneskin. Un choix qui en aura laissé plus d'un habitué des lieux de marbre, mais qui aura su séduire les nombreux amateurs de ces nouveaux représentants du glam rock présents aujourd'hui. Suite des opérations dès demain avec une programmation plus électronique et urbaine !