Après le rock la veille, ce sont les musiques dites urbaines et l'électronique que le festival Rock en Seine met à l'honneur en ce vendredi 23 août. Si Måneskin, The Hives ou encore Kasabian ont été les principaux animateurs vingt-quatre heures plus tôt, les principales attractions annoncées pour cette troisième journée sont Fred again.., Jungle ou encore Soulwax.
Sous un ciel gris et parfois même menaçant, l'affluence en ce début de journée se veut timide et bien en deçà de celle observée la veille à pareil horaire. Sur la Grande Scène, face à quelques centaines de personnes disséminées, les trois américaines de
Say She She ouvrent les festivités avec un entrain certain. Accompagnées par un groupe de quatre musiciens, Piya Malik, Nya Gazelle Brown et Sabrina Mileo Cunningham sont alignées au premier plan derrière leurs microphones respectifs, mêlant leurs voix pour un résultat du plus bel effet sur un mélange de funk et soul teinté d'une touche de disco. D'abord timide, l'accueil que leur réserve le public se veut progressivement plus enthousiaste, le sens du groove et des mélodies résolument dansantes conquérant progressivement les plus réticents. Encore inconnues en France, Say She She feront aujourd'hui la part belle à leur second album,
Silver, dont sera notamment extrait le francophone
C'est Si Bon qui ne manquera pas d'arracher quelques sourires dans la foule. Une mise en bouche de qualité à ranger parmi les belles découvertes de cette édition pour beaucoup.
Un peu moins d'une heure plus tard, l'heure est à nouveau à la découverte sur cette même scène à l'occasion de la venue de l'extravagant
Thomas de Pourquery. Musicien, compositeur ou encore acteur, ce touche-à-tout malgré tout encore inconnu du grand public, collaborateur entre autres de Metronomy, Jeanne Added, Oxmo Puccino ou encore Frànçois and The Atlas Mountains va livrer une des prestations les plus inattendues et réussies de la journée. Affichant un crane rasé et une barbe fournie, modulant sans cesse sa voix entre les graves et les aigus, et se saisissant régulièrement de son saxophone, le français mêle les styles avec une étonnante maîtrise, entre jazz, rock et même sonorités électroniques. Accompagné d'un groupe de trois musiciens, rejoint sur plusieurs titres par le Choeur de Radio France, il met aujourd'hui en avant son plus récent disque,
Let The Monster Fall, tout en concluant son set par une reprise très relevée du
Heroes de David Bowie pour le plus grand bonheur de la foule lui faisant face. Là encore, un choix payant de la programmation de cette édition.
Deux années après une première apparition somme toute discrète,
Olivia Dean se présente aujourd'hui à nouveau dans le domaine national de Saint-Cloud, cette fois sur la scène de la Cascade, avec une aura toute différente. Armée de son premier album
Messy paru en 2023 et notamment nominé au prestigieux Mercury Prize outre-Manche, la jeune chanteuse anglaise a drainé aujourd'hui un large public. Fer de lance de la nouvelle scène soul britannique en dépit d'influences américaines évidentes, Olivia Dean et ses nombreux musiciens vont aujourd'hui charmer une foule autant constituée de fans que de curieux. Impeccable vocalement, chaleureuse, souriante et tout simplement radieuse dans sa robe orange, celle-ci déroule un set sans fioritures, parfois relevé par quelques incursions plus rock, et durant lequel ses nombreux discours ne feront que renforcer son capital sympathie. A l'évidence, une star en devenir.
Si de nombreuses personnes se sont empressées de rejoindre la Grande Scène pour la venue très attendue de la star du hip-hop britannique Loyle Carner, c'est un autre de ses compatriotes que l'on choisit de retrouver dans la foulée, toujours sur la scène de la Cascade :
Sampha. Auteur de son second album,
Lahai, en 2023 après une absence de plusieurs années, c'est un artiste revigoré et complètement décomplexé que l'on découvre aujourd'hui. Entouré de ses musiciens sur un podium au centre la scène, officiant principalement aux claviers mais n'hésitant pas à se rapprocher de la foule microphone en main pour mieux l'haranguer, Sampha présente aujourd'hui un univers artistique résolument moderne et dans l'air du temps, entre neo soul et R&B soupçonnés d'électronique. Si l'accueil lui étant réservé semble plus mesuré que celui accordé à Olivia Dean, sans doute en raison d'une accessibilité moindre, une satisfaction certaine ressort au final d'interprétations faisant aujourd'hui dodeliner les têtes.
Les choses sérieuses s'apprêtent enfin à commencer sur la Grande Scène et le public, désormais entassé en masse face à elle, ne s'y est pas trompé : après deux concerts à guichets fermés il y a quelques mois au CENTQUATRE à Paris,
Jungle sont aujourd'hui attendus dans un rôle de co-tête d'affiche de la soirée. Avec pas moins de cinq musiciens additionnels, Josh Lloyd-Watson, Tom McFarland et Lydia Kitto vont proposer ce soir une prestation emplie de classe et de maîtrise. Accompagnés par un écran géant au fond de la scène, c'est une setlist puisant dans chacun de leurs quatre albums que Jungle vont dérouler, enchaînant à l'envie les titres pour ne jamais laisser retomber la pression. Sous le charme, dansant sans cesse, le public ne s'y trompe pas et se laisse emporter depuis le
Busy Earnin' inaugural au très attendu
Keep Moving final, jubilant entre temps sur les classiques en devenir que sont
Back On 74, Casio, The Heat, Us Against The World ou un
Time étiré comme à l'accoutumée. Un concert jouissif, porté par des harmonies vocales de grande qualité et le charisme du groupe, désormais armé pour voir plus grand encore. Une belle confirmation de la nouvelle stature de Jungle.
L'heure est à la danse en cette fin de journée, ce que la venue des belges de
Soulwax va évidemment confirmer une heure durant. Armés de nombreux synthétiseurs modulaires, mais aussi d'un impressionnant dispositif scénique voyant pas moins de trois batteries installées sur des échafaudages à deux mètres au-dessus du sol, les vétérans de l'électro rock vont une fois encore livrer un spectacle réjouissant et puissant, porté par la force de frappe de leurs trois percussionnistes, incluant le toujours impressionnant Igor Cavalera, notamment sur
Is It Always Binary. Au centre de la scène, les frères Stephen Dewaele et David Dewaele font figure de colonne vertébrale du groupe, tandis que Laima Cavalera s'avère très présente au chant à leurs côtés. Montant en puissance, appuyé par des éclairages stroboscopiques du plus bel effet, le set ne connaît aucun temps mort, la Nite Version de leur fameux
E Talking faisant mouche durant les dernières minutes, avant un ultime titre entêtant clôturant une trop courte heure de prestation. Assurément l'un des temps forts de cette édition 2024 du festival.
Déjà amassée depuis de longue minutes au pied la Grande Scène, la foule va quant à elle achever sa soirée avec Fred again.., offrant un dernier exutoire lors d'une journée placée comme attendu sous le signe de la modernité.