Alors que les gros raouts estivaux débutent leur saison, votre chroniqueuse a scrupuleusement noté dans son agenda les dates d'un petit festival qui résiste encore et toujours aux gros mastodontes qui pullulent. Il s'agit bien sûr du Very Good Trip Festival, organisé au château de Bellocq dans les Pyrénées Atlantiques, et toujours initié par notre ami Mathieu Turon et sa très grande bande d'amis bénévoles. Sous le parrainage amical de Michka Assayas, le Very Good Trip Festival entame sa quatrième année, non sans peine du fait des conditions climatiques cataclysmiques du premier jour l'an passé qui ont failli lui faire mettre la clé sous la porte du donjon. Fort heureusement, la solidarité et le soutien financier via un crowdfunding ont permis à l'équipe de rebondir et de proposer pour cette quatrième édition une nouvelle programmation pointue allant de pop à post-punk, en passant par les sentiers de la folk psychédélique, le yéyé 60s ou le rock groovy et à kilt.
La première soirée du vendredi nous propose quatre groupes qui se succèdent sur l'unique scène du festival, nichée entre les deux tourelles et dans l'enceinte fortifiée à ciel ouvert de toute beauté. Vieille pierre, arbres centenaires et pelouse verdoyante ainsi que chapiteau abritant la buvette et le stand restauration (toujours local et fait maison), le Very Good Trip Festival, grâce à sa petite taille, permet une ambiance ultra chaleureuse, loin des atmosphères étouffantes où le passage d'une scène à l'autre se présente comme un parcours du combattant. Ainsi, c'est au soleil et décontractés dans l'herbe que nous entamons la soirée avec la pop aux airs iodés de Liverpool de
The Dream Machine.

Avec deux albums en deux ans,
Thank God! It's The Dream Machine en 2023 et
Small Time Monsters en 2024, les lads ont déjà évolué de pop adolescente à rock plus affirmé, toujours imprégnés de cet accent 60s, probablement dû à la touche de génie du producteur James Skelly, leader de The Coral et dénicheur de véritables talents issus de sa ville natale Liverpool.
Ce soir, The Dream Machine ont la dure mais noble tâche d'ouvrir le festival. C'est en plein soleil et devant un public qui commence à arriver que les garçons proposent un set de cinquante minutes qui nous apporte déjà les premières ondes de bien être de ce week-end, avec leur petit lot de perles pop empreintes de surf rock et de mélodies toutes aussi pétillantes qu'attachantes. Mais The Dream Machine ne se contentent justement pas que de rêver, ils dégagent également une énergie sur scène qui donne plus de coffre à leur répertoire. Nous re-découvrons donc
Cindy's Eyes ou
Frankenstein sous un angle plus rock, où la guitare s'affirme plus que sur disque, et ce pour notre plus grand plaisir. Zak McDonnell le chanteur et guitariste garde ses lunettes de soleil tout du long et adopte un look un peu détaché, anglais jusqu'au bout du médiator, tant le groupe porte fortement l'héritage liverpuldien comme avant eux The Wombats ou bien évidement, les grands frères de The Coral.

Premier passage au stand, toujours mené de mains de maître par les bénévoles du Very Good Trip Festival, qui entament la farandole de sandwichs grillades et curry coco pour que tout le monde y trouve son compte, arrosés (avec modération cela va sans dire) de bières locales de très haute qualité. Nous reprenons le ferry (ou l'Eurostar et le TGV, cela dépendra de votre bourse) pour partir vers la Bretagne où nous accueillent
Mansion's Cellar. Entre Douarnenez et Rennes, Malo, Louka, Axel, Lény et Thomas ont érigé un style protéiforme, basé sur le rock allumé de King Gizzard & The Lizard Wizard et Oh Sees mais pas uniquement, s'ouvrant largement à d'autres horizons pour mélanger rock pointu, musique d'influence orientales et saupoudrer le tout d'un saxophone rutilant apportant la note jazzy qui fait mouche. Avec un premier EP
Faces Sag Like Melted Wax sorti l'an passé, nous découvrons un groupe qui déborde d'énergie et réussit l'exploit de sortir de cet impressionnant patchwork d'influences un tout très cohérent. Dès les premières minutes, les festivaliers se mettent à danser, nos amis les enviant d'avoir sorti les bermudas tant la chaleur un peu étouffante de ce premier soir semble quasi tropicale pour des Bretons. C'est donc sous un soleil couchant et les premières étoiles perçantes que Mansion's Cellar ouvrent véritablement le bal aux pieds des tourelles et nous notons le prochain rendez-vous parisien du groupe le 4 février 2026 au Point Ephémère.

La nuit est tombée, il est donc temps de durcir un peu le ton avec l'arrivée sur scène de
NASTYJOE, les Bordelais venus offrir les premières sensations post-punk du week-end. NASTYJOE déplacent le curseur vers le sombre, le torturé, avec des riffs de guitares cinglants, portés par le chant de Robin. On ne peut s'empêcher d'y déceler quelques points communs avec un certain Grian Chatten (évidement sans l'accent à couper à la tronçonneuse) et cela nous convient parfaitement. Forts de leur dernier EP
Deep Side Of Happiness paru en 2022 et d'une solide expérience en salles et clubs, NASTYJOE se préparent à nous resservir une tournée avec l'annonce de nouveau matériel dès le 13 juin, un prochain passage au mythique Hellfest à Clisson ainsi qu'une nouvelle date parisienne dans la célèbre salle de la Maroquinerie en 2026. On aime cette tension habilement distillée au compte-gouttes par les garçons, qui dégagent une véritable puissance en une série de gestes chirurgicaux des plus précis. Et tout ça made in France.

Il est donc l'heure de sortir la petite laine. Pour celles et ceux qui l'ignorent, le Béarn détient entre autres comme sympathique spécialité le petit vent nocturne à faire décoller tous les bérets, car comme nous l'a appris Madame la Maire de Bellocq elle-même, ce dernier n'a jamais été basque mais bien béarnais. Second passage au stand parce qu'un curry c'est bien, mais que ça ne sera jamais mieux que deux, et départ pour l'Italie avec la flamboyante première tête d'affiche du festival. Amis fans de pectoraux bombés, de chevelures longues et moustache de bikers, bienvenus chez
Big Mountain County. Cette description peut paraître un brin parodique, et pourtant, nos amis italiens assument totalement leur look très stylé et donnent ainsi énormément de panache à leur set. Big Mountain County font dans le glam, le sexy et la testosteronne et avec leur dernier album
Deep Drives qui affiche des tournures electro à la Fat White Family ou Warmduscher époque
Tainted Lunch, le résultat sur scène est des plus addictifs.
Réalisant notre baptême de l'air avec les Romains ce soir, nous découvrons un chanteur dissimulé derrière un masque de cochon, qui interprète les deux premiers titres ainsi affublé, tout en se déhanchant lascivement pour rajouter quelques degrés à la température déjà très largement plus élevée. Très visuel, l'expression corporelle comme premier instrument (la guitare ne sera portée qu'une seule fois), Allessandro le chanteur semble tout droit sorti d'un épisode de Sons Of Anarchy, jouant énormément de son look un brin cliché et apportant une sacrée dose de fun et de sex appeal à des morceaux qui collent idéalement à ce début de nuit. Des titres comme
Don't Know Why ou
Last Call sentent le souffre et pas mal le stupre, sans pour autant rappeler que Big Mountain County trouvent leurs origines dans le garage rock bien poussiéreux de Black Rebel Motorcycle Club ou des premiers Black Keys. Celui qui maintient tout cela en équilibre est l'excellent batteur de la formation Bruno (délicieusement prononcé « Brrrrouno » par l'intéressé, et par nous aussi maintenant), être tout en force, en torse et moustache, qui avec sa cadence de marteau-piqueur permet aux festivaliers de clôturer cette première soirée dans la sueur et surtout dans la joie.
Un premier dodo salvateur avant d'enchaîner avec la seconde journée du Very Good Trip Festival, entre petite place bucolique de la Mairie pour le traditionnel concert Off gratuit et l'enceinte du château, toujours aussi accueillante à l'ombre de ses deux tourelles imposantes.