Se réveiller au son de la faune béarnaise avec de petits oiseaux pépiant de bon cœur et se délecter d'un petit déjeuner à la confiture de cerise noire sont des petits plaisirs qui nous incitent à revenir fidèlement tous les ans au Very Good Trip Festival. À la suite d'une première journée sur les chapeaux de roues, avec un temps au beau fixe, c'est donc la nuque déjà rougie par le soleil que nous entamons la journée la plus importante, qui nous propose ce samedi pas moins de six concerts.

La tenue du festival étant possible grâce à la mairie de Bellocq qui met à la disposition des fans de rock son château du XIIIème siècle, cette dernière profite de l'occasion pour se mêler aux festivités en organisant en écho de la programmation un concert gratuit, à ses pieds, sur la très jolie place Marcadieu. Cette année, nous y retrouvons
Nick Wheeldon, l'anglais originaire de Sheffield mais francilien d'adoption, accompagné de The Living Paintings qui nous proposent en guise d'apéritif un concert pop vibrant, en toute simplicité. Songwriter prolifique (deux albums d'affilée en 2024 dont le double et très beau
Make Arts), Nick Wheeldon aime à flirter avec la douceur de ce climat en nous interprétant un set qui nous permet de nous évader au son de son timbre de voix si délicieusement rocailleux. Un moment très poétique qui nous met déjà une belle tartine de baume au cœur pour la suite à venir.

A quelques pas de la mairie, nous retrouvons le château et pénétrons dans son enceinte pour débuter cette seconde journée qui, à nouveau, nous déroulera le rock sous toutes ses formes. Ce soir, encore sous un soleil lumineux, ce sont les Américains de
The Point. qui baptisent cette nouvelle soirée. The Point. est un trio originaire d'Austin au Texas composé de Joe Roddy, Jack Montesinos et de Nico Leophonte, français exilé depuis trente ans chez l'oncle Sam. Comme d'accoutumé maintenant au Very Good Trip Festival, les journées du samedi débutent au son de musiques qui vont au-delà du simple triptyque batterie-basse-guitare. Ce sont des airs de jazz, de bossa nova et de rock ambiant qui nous berce en ce début de soirée, le set de The Point. usant de morceaux longs et étirés, avec de grandes plages instrumentales qui mettent doucement mais sûrement en action les festivaliers. Forts de quatre albums parus depuis 2020, dont le dernier en date
Maldito Animal, recueil hypnotisant et garni de riches influences sud-américaines, The Point. permettent une première évasion musicale des plus agréables.

Il est déjà l'heure de diner et pourtant, notre estomac exige de nous une première douceur pour tenir tout le long de cette soirée marathon. Ainsi, direction le stand de crêpes, évidement faites sur place, et qui, ce qui est dorénavant une tradition, sont garanties 100% sans Nutella. Place est faite au Basquella, produit local qui n'a absolument rien à envier à son lointain cousin à base d'huile de palme et de sucre. C'est donc la bouche toute barbouillée que nous nous dirigeons vers la scène pour nous envoler cette fois-ci chez nos sympathiques cousins du Québec avec
Choses Sauvages. Si les bretons de la veille peinaient un peu avec la relative lourdeur du climat, nos amis canadiens sauront la tête haute braver de façon encore plus courageuse les températures du sud-ouest. Nous découvrons Félix, Marc-Antoine, Thierry, Tommy et Philippe, avec leur pop teintée de nappes synthétiques et oscillant entre soft wave et rythmes plus funky selon les morceaux. C'est depuis 2018 que le groupe sévit par-delà l'Atlantique, avec trois albums intelligemment nommés
Choses Sauvages,
Choses Sauvages II et
Choses Sauvages III. On apprécie énormément que le groupe, apparemment baigné dans une belle série d'influences anglo-saxonnes, chante en français, ce qui nous permet donc de faire l'apologie de notre magnifique langue de Molière, une fois n'est pas coutume dans ses colonnes, vendus que nous sommes à la solde de la perfide Albion. Le groupe nous livre un set très dynamique, s'amusant par clins d'œil de leur si joli accent, et Felix le chanteur sera le premier du festival à aller chercher le public dans la fosse, pour une première communion musiciens / festivaliers au son de leur pop indie très stylée.

La nuit tombe, le ciel se pare de son bleu indigo le plus profond et il s'agit maintenant de traverser les Pyrénées pour nous diriger vers Barcelone, QG du français
Ian Kay, venu pour nous présenter son rock très imprégné des swinging 60s londoniennes. C'est un indéniable air à la Byrds que nous retrouvons dans le répertoire de Ian Kay en découvrant son dernier album
Walk That Road Again, sur scène accompagné d'un bassiste, d'un batteur et d'un claviériste, tous sur leur trente-et-un, assorti au look costume noir et rouge avec cheveux gominés de l'intéressé. C'est donc un voyage vers Carnaby Street que nous entamons, saupoudré selon les titres de quelques percées chaudes de soul, donnant au set un sacré charisme et permettant aux plus néophytes de se laisser envahir par le démon de la danse. Le concert de milieu de festival parfait, qui fait la passerelle entre toutes les générations et qui nous permet de terminer notre préparation physique pour ce qui va être la pièce de résistance du Very Good Trip Festival.

Nos fidèles lecteurs ne seront donc pas étonnés que l'on évoque une semaine pile après leur dernière prestation parisienne les brillants
October Drift, groupe très haut placé dans notre liste de chouchous officiels, Sound Of Violence n'ayant jamais raté une seule de leur performance dans la capitale. Et cela est bien normal, tant ce groupe ne cesse de nous scotcher avec son énergie incandescente sur scène. C'est donc à la suite du mini tsunami créé au Café de la danse lors de la Block Party que nous remettons ça (même pas peur !), très curieux de tester ces incorrigibles trublions dans un cadre beaucoup plus champêtre. Nous donnons donc rendez-vous à Kiran, Dan, Chris et Alex dans cette gigantesque enceinte verdoyante, entourée de tourelles et autres escaliers en pierre, craignant un peu que des idées folles de cascades ne prennent Kiran dans ce décor digne d'un film de cape et d'épées.
Le résultat sera évidemment à la hauteur de nos espérances, October Drift étant des professionnels affirmés malgré leur jeune âge, et grâce à leurs trois albums dont l'excellent dernier en date
Blame The Young, sauront de façon quasi instantanée se mettre dans la poche ce public qui pour la majorité les découvre le soir même. Les meilleurs morceaux nous seront interprétés ce soir, des tubes
Blame The Young à
Demons en passant par les intenses
Bleed et
Hollow. C'est une incroyable osmose à laquelle nous assistons, le groupe semblant envoûter littéralement tous les présents, épatés par ce set ultra carré mais d'une énorme générosité, nos amis se donnant autant devant 400 personnes que devant plusieurs milliers. Kiran réussira à toucher au plus près cette foule d'amateurs de rock, en pénétrant dans la fosse avec son pied de micro pour se planter au milieu même des spectateurs, interprétant un
Not Running Anymore tout aussi écorché que profondément émouvant. Réussissant à faire l'unanimité, October Drift décrochent avec brio le prix de la performance la plus intense tant musicalement qu'émotionnellement du festival depuis sa création il y a quatre ans.

Comment alors se remettre d'une telle harmonie ? En allant se désaltérer à la buvette tout en resserrant ses lacets de Doc Martens pour aborder la tête d'affiche de ce samedi soir, soit les détonants
CARSICK. Le quatuor originaire de Salisbury déballe sans aucune retenue un post-punk régressif et addictif, teinté de références hip-hop qui mettent littéralement le feu à toute fosse venant se frotter à eux de près ou de loin. Derrière ce nom qui peut donner le mal des transports, se cachent Joe et Jack, les deux frangins au chant et à la guitare, Tom à la batterie et en exclusivité ce soir à la basse Billy, venu remplacer au pied levé (soit 48h avant pour apprendre les partitions) le précédent bassiste Jack H. C'est un groupe très décontracté que nous retrouvons ce soir, nos amis s'étant autorisé un petit séjour la veille au château pour s'imprégner de l'ambiance très cool et DIY du Very Good Trip Festival. On ne sera alors pas étonnés que, nos petits anglais ayant pris soin de visiter le dépôt de vin local situé en bas du château, leur set en soit doublement plus foutraque.
CARSICK, c'est avant tout de l'énergie distillée sans aucun filtre, un esprit de « wankers » pur jus mais sur scène quatre jeune garçons hyper pros, qui savent jouer avec leur public pour en tirer le meilleur. Avec seulement un EP,
Drunk Hymns, en 2023 et une poignée de singles parus depuis, le groupe nous dévoile quelques exclusivités qui ne nous annoncent que du bon pour les mois à suivre. Ravis et honorés de mener cette seconde soirée, CARSICK réussiront à leur tour à modeler à leur guise ce public transi, créant dans la petite fosse plusieurs mosh pits d'affilés, réussissant à traverser la foule tout en maintenant leurs instruments à bout de bras, et permettant aux plus jeunes comme aux plus vieux de former un tout ultra homogène au son de leur post punk juvénile et explosif.
Tout cela nous menant à plus d'une heure du matin, votre chroniqueuse s'en retourne donc dans ses pénates afin de s'appliquer de l'huile d'arnica un peu partout sur le corps avant d'aborder la dernière journée du Very Good Trip Festival, déclinée le dimanche comme lors de chacune des éditions en après-midi, pour toucher un public plus familial mais toujours aussi motivé et curieux.