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Block Party

Paris, du 29 au 31 mai 2025

Live-report rédigé par Adonis Didier le 11 juin 2025

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Le troisième jour, celui qui fait mal à la plante des pieds, celui des découvertes, et surtout celui du football. Oui, si vous vivez à Paris mais dans une cave, sachez que ce soir se tient la finale de la Ligue des Champions entre le Paris Saint-Germain et l'Inter de Milan, et que quel que soit le résultat du match on sait déjà qu'on aura quelques difficultés à rentrer chez nous. Un match possiblement historique qui ne sera pas sans conséquences sur la fréquentation de la Block Party, mais au moins il ne restera que les meilleurs, et on pourra se jeter des coups d'œil entendus entre vrais fans de groupes néerlandais avec deux singles et trois cents écoutes en streaming.

Et non, on ne dit pas ça pour Smudged, le premier groupe du jour au Supersonic, la fameuse routine de 16h30 qui nous évite les prises de tête dans tous les sens du terme. Un quintet venu de Rotterdam, des potes d'Adult DVD et comme on pouvait s'y attendre avec ce genre d'affinités, une sorte d'électro-punk déglinguée et sans aucun sérieux si ce n'est celui de la moustache de leur frontman Bart Hoogvliet, petit mec trapu et sanguin avec un survêtement turquoise Kappa et un chapeau de cow-boy. Le genre de mec qu'on évite dans la téci, une dégaine à vendre des smarties chelous et à jamais quitter son cran d'arrêt, mais rassurez-vous les mecs sont cool, juste un tout petit peu beauf. Canettes de 16 et klaxons, ambiance barbecue et rave party dans la salle, Bart gueule que les gens ne font pas assez de bruit, fixe les mecs au balcon pour leur ordonner de danser, tend le micro et son pied sur Stupid, enlève son survêtement et finit en short de boxe tout en montrant les muscles. Beauf qu'on vous dit ! D'ailleurs tout le monde finira à poil, Bart continuant ses conneries et descendant en rappel du balcon sur la foule, Jennifer Low-Pass Filter Modulation démontant la tête et les circuits nerveux, le concert se transformant en Full Monty néerlandais, et on se dit qu'on aurait pas dû accepter ces smarties chelous en fin de compte.

On est descendu avec le lapin blanc et c'était pas le pays des merveilles derrière, mais qu'est-ce qu'on a kiffé cette demi-heure avec Smudged, alors maintenant qu'on est chaud, c'est parti pour le tour des salles, direction Funhaus au Supersonic Records. Le premier groupe anglais de la soirée et un joli cirque avec un seul single au compteur, quand on vous dit que c'est la journée des découvertes ! Un groupe de Supersonic comme on en a vu des centaines depuis le début de la vague post-punk, et pourtant ces cinq anglais ont un je-ne-sais-quoi de fun et sympathique qui nous donne envie de rester. Une bonne idée récompensée par le très bon single Scene Vulture et une fin de set YOLO au possible, le chanteur sort un sifflet et crache dedans comme s'il arbitrait le match du soir, le groupe pousse un gros punk sans queue ni tête dans ses derniers retranchements, le guitariste finit dans la fosse à danser avec les photographes, et nous on se note un nom de plus dans le calepin à raretés. Alors oui, peut-être que le groupe aura cessé d'exister dans six mois mais ce sont les risques du métier, et ne serait-ce que pour avoir fait ressurgir quelques souvenirs de Hallan dans nos têtes, la maison du fun londonienne mérite bien qu'on lui donne toute l'attention qu'elle mérite.

On se retrouve à la cave a.k.a la Seine Café pour l'un des meilleurs groupes de la journée, le club de la jeunesse défoncée d'Utrecht aux Pays-Bas, Wasted Youth Club, plus établis mais pas beaucoup plus connus. Les nouveaux gagnants du bingo des noms de groupe tirés au hasard dans un chapeau, et heureusement pour nous que leur musique est bien plus originale que leur nom. Du garage-rock psyché aux accents de Frankie & The Witch Fingers qui nous rappelle que la vie n'est pas faite que de post-machin-truc, que faire du rock rapide et direct en 2025 parfois ça manque, alors accueillons les bras ouverts un groupe génial qui déboule les poings fermés et les guitares en avant, sans setlist mais avec le cœur et les concepts qui vont avec. « Ça fait cent concerts qu'on fait en deux ans, et à chaque fois on a oublié notre setlist ! » suivi de « Donald Trump je t'emmerde et si tu refais un tweet je l'accrocherai dans ma chambre pour me branler dessus ! », tout ça pour finir par « la dernière fois à Rotterdam on a niqué le dessous de la salle à force de sauter, alors ici on va niquer les catacombes ! ». Je vous passe la proposition de les rejoindre dans leur van pour acheter des t-shirts et de la cocaïne, le groupe nous aura tout fait, il fait douze cents degrés dans la cave, le chanteur monte sur le bar, saute dans la foule, et les chansons défilent aussi vite que les gouttes de sueur qui coulent dans notre dos.

Une expérience comme on en vivrait bien tous les jours si notre corps réussissait à suivre, alors on repart au Supersonic pour se détendre un peu avec les néerlandais les plus chill de la soirée, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'ils sont si chill que ça. Après Smudged et Wasted Youth Club, ce sont donc FIEP qui viennent défendre la musique batave sur scène, et pardonnez-moi l'expression mais c'est de la bonne musique de batave ! Une pop-rock dreamy et indé dérivée des années 90 et des Moldy Peaches, un truc déglingué et touchant qui mériterait d'avoir fait la bande-son de Juno ou de n'importe quel film avec Michael Cera, et une bouffé d'air frais et de mélodies foutraques après tant d'aventures. Le groupe offre un t-shirt au hasard à une fille dont c'est l'anniversaire dans le public, le bassiste descend dans la fosse chercher le chapeau de cow-boy de son pote de Smudged, s'emmêle dans les poteaux m'obligeant au passage à lui tenir le câble jack pendant deux minutes, et d'ordinaire j'apprécie qu'on m'offre un verre avant cette étape-là. Mais en bref, FIEP c'est une juste dose de douceur pop et de folie rock, la guitariste et chanteuse Veerle Driessen termine une chanson à la Wolf Alice allongée sur les barrières de sécurité, et on resterait bien plus longtemps mais il est temps de se remettre à bosser, et il est un groupe qu'il nous tarde énormément de voir pour la première fois depuis l'été dernier et ces fameuses centaines d'heure sur Stardew Valley.


Langkamer, la bande-son parfaite d'un jeu alliant culture de pomme de terre et romance, préparez-vous ça va sentir le mouton et les poils de torse au Café de la Danse. Quatre anglais venus de Bristol pour présenter leur musique dans une salle qui disons-le a déjà vu plus forte audience, mais bon comme on le disait tout le monde est déjà devant la télé, et puis tant pis pour eux c'est nous qui avons eu droit à Soul Bucket. « Il y a un trou dans mon seau et un seau dans mon âme, qui a l'air à moitié vide alors qu'il était à moitié plein », l'amour est dans le pré et dans la cinquantaine de spectateurs qui savent maintenant qu'ils ont fait le bon choix, avant que, thème de la soirée, Dan le guitariste et Josh le chanteur-batteur ne tombent le t-shirt, pendant que Tom le bassiste avoue crever de chaud mais trop tenir à son style pour enlever sa veste. Bref, les fans de bons trentenaires torse nu seront comblés et on ne citera personne, les magnifiques chansons de country-rock s'enchaînent, Sarah, Mountain Lion, Hatchet, Hamlet, ainsi que la merveilleuse bombinette enfantine Sea Mills, et le groupe nous incite sans pression à prendre un peu de merch en partant : « vous verrez c'est celui avec marqué Langkamer dessus... s'il vous plaît... nos familles ont faim ! ».

Un effort qu'on aurait fait sans problème si le merchandising n'était pas à l'autre bout de Bastille et qu'on n'avait pas foule de travail, du travail comme celui d'aller voir Van Houten au Badaboum dans la minute, mais ne vous inquiétez pas on n'y restera pas longtemps. Juste le temps de voir que le groupe est toujours le même que celui qu'on a déjà vu il y a huit mois avant Man/Woman/Chainsaw, et si on a revu ces derniers quatre fois depuis, on avait été convaincu sans plus de la prestation live de Van Houten. Un merveilleux groupe en studio pour lequel on a plus de mal à s'emballer sur scène malgré les qualités sonores évidentes du quatuor et de la salle qui les accueille. De toute façon on est juste aigri alors si vous aimez le shoegaze grungy allez-y les yeux fermés, et ne vous embêtez pas à les rouvrir le spectacle n'est pas là.

Enfin, rouvrez-les quand même pour entrer et sortir de la salle, ce qu'on va faire pour aller découvrir brièvement Kindsight juste à côté aux Disquaires, sympathique groupe de dream rock danois qui nous affirme être super excité d'être là tout en faisant la même tête qu'un comptable à La Défense un lundi à neuf heures du matin, l'exubérance scandinave dans toute sa splendeur. Du bon temps qui nous met du baume au cœur pour traverser Bastille malgré la foule et les cohortes de supporters pressés d'en découdre, et on se retrouve pour la première et dernière fois du festival au Guru, anciennement le Café de la Presse, et les nouvelles sont bonnes car ce soir ce sont World News qui les distribuent.
Un post-quelque chose doux et rêveur qui emprunte autant aux Smiths qu'à Dire Straits, autant à Johnny Marr qu'au swing de Mark Knopfler, les arpèges et les claquements de corde défilent dans l'autoradio, et on se prend à rêvasser malgré le passage constant des supporters de foot dans la salle. En effet, le Guru va profiter d'une annulation dans la programmation pour remplacer la soirée musique par une soirée Ligue des Champions, et c'est presque poussés dehors qu'on fera le crochet par la Seine Café, le riff de Wrapped In Gold toujours dans la tête. Vingt mètres à faire, ressenti deux cents, tous les bars sont blindés et on se glisse péniblement entre les corps et les maillots de Dembélé jusqu'à atteindre une dernière fois la cave.

Une cave baignée d'une atmosphère irréelle, hors d'un continuum espace-temps bien trop étroit pour les Longheads, quintet officiellement originaire de Norfolk et officieusement du désert des Mojaves. Une bande de stoners aux cheveux longs avec des ponchos qui font du rock psychédélique comme Sleep et Kyuss dans les années 90, comme si la mode était encore de faire des chansons de SF de dix minutes appelées Mars Doesn't Feel Like Home Anymore, comme si dans deux mois Jodorowsky allait sortir d'une tombe dans laquelle il n'est pas encore et enfin sortir son Dune de quatorze heures au ciné, et comme s'il ne faisait pas déjà suffisamment chaud dans cette cave pour porter un putain de poncho ! Enfin rassurez-vous, le poncho ne durera que deux chansons, c'est-à-dire vingt minutes et un coup d'harmonica entre deux riffs distordus par la chaleur du désert. Tout le monde s'évente avec les éventails en carton du Café de la Danse, le soleil tape, l'eau quitte par litres notre corps et les vautours commencent à faire des rondes au-dessus de notre tête. Bref, la fin est proche alors on se dit qu'on part à la prochaine, mais la prochaine ne vient jamais, et ce désert n'a pour finalité que l'horizon, rouge comme un sol martien qui sera très bientôt notre dernière demeure.

D'un désert à un autre, on quitte le sable rouge et aride de Californie pour la plage de Redland Bay dans la banlieue de Brisbane. Bienvenue en Australie, prenez une bière, une planche de surf, et une machette contre les moustiques, les Beddy Rays ont posé le van au Supersonic pour une demi-heure de plaisir côtier, coquillages et crustacés venus de l'autre côté de la planète. Du rock de surfer australien sans prise de tête, fait par des mecs dont le seul problème dans la vie c'est que l'eau soit chaude et la bière fraîche. Un lâcher-prise qui s'insinue dans la foule, ça saute et ça pogote dans la bonne humeur, Sobercoaster est la chanson parfaite pour aller à la plage, et d'un groupe du cool vers un autre groupe du cool, bonjour Gengahr au Café de la Danse pour le dernier main event du festival.


Le quatuor londonien qui fête cette année ses douze ans d'existence, possiblement les doyens du week-end pour le groupe nommé Ectoplasmah, qui est on le rappelle un pokémon poison-spectre décrit par « il se cache dans l'ombre de sa victime pour, le moment venu, lui voler son énergie vitale ». Bref, ces mecs étaient trop parfaits pour ne pas être louches, Gengahr utilise A Ladder, la foule est subjuguée et se met à danser, le chanteur Felix Bushe enlève sa chemise mais on n'est même plus surpris, John Victor enclenche des pédales comme on démarre un avion et emmène le son en voyage là où il n'était encore jamais allé, pendant que la section rythmique fait ce qu'elle sait faire le mieux, groover. Une base ultra pop qui remue du bas du corps, un combo voix en équilibre aigu et guitare dans les nuages qui fait s'envoler l'esprit, le plan de vol est parfait et funky, les classiques sont là, les inédites aussi au nombre de trois : Say Nothing, Heady, et une dernière honteusement notée « new one » sur la setlist. Quatre albums plus des inédits à passer en seulement cinquante minutes, le set le plus long du festival, il y allait forcément y avoir des oubliées, mais jamais oh grand jamais ce trio final ne changera. Icarus suivie de Before Sunrise suivie de Heavenly Maybe, un triptyque gagnant qui fait les belles heures du groupe depuis la relative explosion de leur troisième album Sanctuary : John Victor tapote à deux mains sur sa sublime guitare les yeux derrière sa mèche emo, Felix Bushe fait le show de sa belle gueule et de sa voix d'ange, avant que Before Sunrise n'explose sous la pression de Hugh Schulte et Danny Ward et que la disto ne fasse une entrée fracassante dans un Café de la Danse en pleine transition boîte de nuit. Heavenly Maybe terminera la soirée dans un nightclub au paradis, tout le monde bouge son booty et sue ses dernières gouttes pendant que dehors ça hurle et que le Paris Saint-Germain enchaîne les buts.

Alors plutôt que finir la soirée au Supersonic et traverser à nouveau Bastille dans les fumigènes jusqu'à October Drift, on choisira la voix des hipsters, des dénicheurs de talents en herbe et de l'une des plus grosses hype de l'Angleterre en matière de pop-rock : Westside Cowboy. Une présence aux Disquaires en clôture du festival, dans une petite salle bientôt complète et prévue en amont de l'explosion des attentes envers les cowboys de l'ouest, et devant nous l'entrée des quatre très jeunes mancuniens les plus observés de la sphère musicale, quand de l'autre côté du mur le score passe à cinq-zéro. Explosion de joie dans le bar, explosion de joie dans la salle, deux pièces et une même ambiance car autant arrêter le suspens tout de suite, la hype est réelle. Oui, avec seulement deux singles dispnibles, Westside Cowboy ont été l'un des meilleurs groupes de tout le festival, en plus d'être l'un des meilleurs groupes d'Angleterre, et l'un des meilleurs groupes de tout l'univers. Des harmonies à trois voix entre Reuben Haycocks, James Bradbury, et Aoife Anson O'Connell, un instinct magique pour la mélodie, un amour de la pop-rock MTV des nineties, et un batteur surexcité en la personne de Paddy Murphy. Des mancuniens avec des noms d'irlandais, le croisement parfait de la britpop et de l'île d'émeraude, de Weezer et des Pillow Queens si seulement Weezer venaient de Manchester, et un pot-pourri de tout ce qui se fait de bien dans le rock depuis trente-cinq ans. Une chanson de pub à la Dropkick Murphy's par-ci, du Man/Woman/Chainsaw sans violon par-là, le groupe se balade du country-punk jusqu'au skate-rock sans jamais se perdre en chemin, et une salle entière ouvre enfin les yeux sur un groupe qui lui paraît déjà énorme. Un set conclu à quatre dans le public à chanter en ronde une chanson de bar, mais le public en redemande déjà, alors les quatre musiciens au bord des larmes relanceront I've Never Met Anyone I Could Really Love (Until I Met You), et la foule en sautera de joie dans un désordre proportionnel au bordel en cours dehors.

Westside Cowboy, dernière trouvaille en date de Nice Swan Records, et dans le sillage d'English Teacher et SPRINTS; un groupe qu'il nous aura suffi d'avoir vu une fois pour savoir qu'il va devenir monstrueux. Alors on se souviendra comme dans un rêve de la première date parisienne de leur histoire, au fond des Disquaires un soir de victoire de Ligue des Champions, lors d'une Block Party qui fut encore une fois historique. Une réussite musicale totale pour un festival plus ambitieux que jamais qui dans son expansion aura su conserver son âme, et si l'on ne jugera pas des résultats économiques de l'opération, on espère pour tout le travail des équipes depuis le début de l'organisation que leurs efforts permettront de pérenniser l'un des festivals les plus novateurs et passionnant de France. Alors pour la joie que ce fut d'enchaîner pendant une même soirée Smudged, Wasted Youth Club, Langkamer, Beddy Rays, Gengahr et Westside Cowboy, on espère que ça dure pour toujours et ce malgré le fait que chaque année on passe dix jours et huit mille mots à tout vous en dire derrière (mais bon, si seulement j'étais moins bavard, et si je n'étais pas encore en train de raconter ma vie quand j'aurais déjà pu conclure depuis deux pages...).

Merci aux équipes du Supersonic, merci à tous les gens qui ont bossé sur ce magnifique festival, merci à ma maman, merci à ceux qui m'ont suivi dans cette épopée de trois jours et de plus de trente groupes à travers Bastille, à travers les fumigènes et l'amour d'un rock qui comme on le dit chaque année ne mourra jamais, et ceci n'est qu'une année de plus, un tour de disque, une bougie à ajouter sur le délicieux gâteau d'une musique qui nous unit tous pour l'éternité. La FIN (jusqu'à le prochaine fois).
artistes
    Adult Leisure
    Beddy Rays
    Body Horror
    Dartz
    Das Beat
    Dreamwave
    Eggy
    eterna
    Fiep
    Formal Sppeedwear
    French Police
    Funhaus
    Gengahr
    Humour
    Jakuzi
    Kindsight
    Langkamer
    Lemonade Shoelace
    Longheads
    Mariin K.
    Nature TV
    Nerves
    October Drift
    Parliamo
    Penny Arcade
    Punchbag
    Smudged
    Sounds Mint
    Terra Twin
    Van Houten
    Wasted Youth Club
    Westside Cowboy
    Wings Of Desire
    World News