Après quelques pérégrinations à l'entrée de l'Olympia, nous parvenons enfin, alors que l'alarme de début de concert retentit depuis déjà plusieurs minutes, sur la mezzanine de la salle et constatons, un brin déçus, que la partie droite de la scène (qui s'avèrera être l'endroit où le bassiste et la saxophoniste seront postés) nous est cachée. Qu'importe, ne boudons pas notre plaisir pour si peu...
C'est donc à 20h tapantes, l'Olympia étant toujours aussi à cheval sur les horaires, que débute la première partie. Sobrement nommé
Boy, le groupe se compose de deux jeunes femmes de Hambourg et Zürich et propose une folk acoustique fraîche et souriante. La formule ne semble pas très originale par les temps qui courent mais les deux musiciennes vont tenter de nous convaincre par leur honnêteté et surtout, par le joie de vivre communicative.
Elles n'occupent qu'une petite partie de la scène, comme pour s'excuser d'être dans un lieu aussi prestigieux, en première partie de Bryan Ferry. En effet, elles ne semblent pas habituées à ce genre de représentations, la chanteuse avouant même que son job principal est celui de serveuse dans un café de Hambourg. Pourtant, elles ne déméritent pas ; leurs chansons parlent de l'amour qu'on porte à nos amis, du bien-être que procurent les sorties entre potes, certaines sont même des « balades pour adultes ».
Les paroles, comme le timbre et les mélodies, sont naïves et légères mais on se laisse prendre au jeu. Les deux membres de Boy sont visiblement intimidées de jouer devant tant de monde (le prix élevé des places n'a visiblement pas découragé les fans de Mr Ferry puisque la salle se remplit de plus en plus) : la chanteuse se tripote nerveusement les cheveux, essaie à tout prix de combler les silences entre les titres. Le spectacle en devient presque touchant tant on comprend qu'elles réalisent toutes deux un rêve de petites filles et le manque d'originalité de leurs compositions est pallié par leur sourire et leur bonne humeur.

Entracte de rigueur avant le moment vraisemblablement attendu depuis longtemps par beaucoup de monde, le temps de découvrir, déjà disséminés sur scène, quelques rappels de la pochette du bien nommé dernier album de Bryan Ferry,
Olympia : des photos de Kate Moss diamantée rappellant la pochette du premier LP de Roxy Music.
L'an dernier, on avait assisté à la reformation de ce même groupe, Brian Eno en moins, et nous en étions sortis convaincus. Aujourd'hui, c'est donc au tour du frontman charismatique qui fait chavirer le cœur des dames de vingt à soixante ans de venir défendre sur scène un dernier disque réussi, réunissant des musiciens émérites, tous styles confondus (on pense notamment à la collaboration avec Scissor Sisters et Groove Armada). Pour cette tournée, Bryan Ferry a vu les choses en grand : plus de dix musiciens, dont deux batteurs, un écran géant et deux danseuses pour accompagner le dandy.
Dès son entrée en scène, on remarque qu'il n'a rien perdu de sa classe et de sa prestance : costume noir sur chemise blanche, sourire ultra bright, il n'en faut pas plus pour que les groupies se fassent entendre. Il débute avec une reprise du célèbre titre de Screamin Jay Hawkins,
I Put A Spell On You. Immédiatement, le charme opère : avec ce petit trémolo si particulier dans la voix, ce mélange de classe et de désinvolture, nous voilà rassurés quant aux rumeurs sur son malaise survenu il y a quelques semaines avant son concert londonien. Bryan et ses musiciens alternent titres solo de Ferry (
Slave To Love), compositions de Roxy Music (
Avalon ou encore
Love Is The Drug) mais aussi quelques reprises (
Just Like Tom Thumb's Blues de Dylan ou
All Along The Watchtower).
L'orchestration est tonique, les prestations de la saxophoniste, Jorja Chalmers (probablement autant choisie pour son talent que pour sa plastique) et surtout, celle très remarquée du jeune Oliver Thompson (23 ans seulement et déjà cinq années à accompagner Bryan Ferry et Roxy Music) permettent de longues plages instrumentales (comme sur
If There Is Something) rappelant le rock progressif des débuts du groupe. C'est d'ailleurs peut-être là que le bât blesse : on se demande par moment si on assiste à un concert de Brian Ferry en solo ou à un concert de Roxy Music : les musiciens sont en partie ceux qui étaient déjà là pour la tournée de l'an dernier et l'enchaînement même du set, notamment pour
Jealous Guy, sont identiques. Un choix parfois perturbant... mais impossible de nier la qualité du set proposé.
Pourtant, le son beaucoup trop élevé et, surtout, un Bryan Ferry visiblement fatigué et très en retrait par rapport aux musiciens nous laissent ce petit goût amer. Une question également reste en suspens : pourquoi deux batteurs alors que sur la totalité des morceaux, l'un des deux est (presque) inutile ? Et pourquoi également cette reprise dispensable de
Jealous Guy pour terminer ce concert ?

A peine le temps de verbaliser ces quelques remarques que tout est oublié en regardant se trémousser les quinquagénaires hurlant leur amour au beau Bryan. C'est finalement avec le sourire que nous ressortirons d'une heure quarante-cinq de volupté, mais tout de même, Roxy Music n'avaient pas laissé la place à ces bémols...