logo SOV

Peter Murphy

Paris, Trabendo - 5 juin 2013

Live-report par Olivier Kalousdian

Bookmark and Share
« ...vampires éblouis par de lubriques vestales, égéries insatiables chevauchant des valkyries, infernal appétit de frénésies bacchanales qui charment nos âmes envahies par la mélancolie ». Jacques Higelin et son titre Champagne, sorti en 1979, est annonciateur, comme peu d'autres, d'un mouvement musical occulte qui mélangera bientôt comedia del arte version Dante et mélodies lugubres ; nous sommes en pleine Guerre Froide et la peur de l'hiver nucléaire comme celle initiée par William Friedkin et son film l'Exorciste transpirent de tous les groupes new wave et les différents sous courants que ce mouvement initiera.

Si les morts écoutent du rock – et nous savons qu'ils le font – ils ont relégué Marilyn Manson au rang des midinettes et font tourner en boucle, sur des manges disques cannibales, l'œuvre complète de ceux qui présidèrent au mouvement gothique – anciennement batcave – le groupe légendaire, parce que resté underground, Bauhaus. À l'annonce de la tournée des 35 ans du groupe, beaucoup rêvaient de revoir sur scène Peter Murphy, Daniel Ash, Kevin Haskins et David J (Kevin et David sont frères) interpréter l'abécédaire du rock morbide, l'antéchrist lyrique de l'after punk. Mais, après le célèbre concert de reformation, « Gotham », en 1999 à New York et une tentative de come back avortée en 2006 qui verra naître une petite tournée et un nouvel album, Go Away White qui ne restera pas dans les annales, les égos s'en sont mêlés et Daniel Ash a préféré se concentrer sur des projets plus personnels.

SOV

Il y a déjà trente-cinq ans que le public, amassé en nombre au Trabendo ce soir, a découvert l'inimitable style, la légendaire théâtralité et les sonorités perçantes du groupe Bauhaus. Des lignes droites, des bâtiments rectilignes pour une principale fonction : l'adaptation des formes à la fonction. Un clin d'œil au modernisme dans toute sa splendeur et son horreur ! Tel le mouvement architectural Allemand des années 30 auquel ils empruntent et le nom, les spécifications et le logo, les membres de Bauhaus jouent un rock anguleux, noir ou blanc – jamais entre les deux – et dont la forme doit s'adapter au jeu de scène d'un Peter Murphy tout droit sorti du cerveau dérangé d'un Antonin Artaud qui serait devenu rock star.

Pour la première fois de sa carrière solo, Peter Murphy prend à son compte l'héritage des maudits du rock et reprend exclusivement des chansons de Bauhaus au cours d'une nouvelle tournée mondiale démarrée au printemps et nommée « Mr. Moonlight Tour », accompagné de trois autres musiciens dont l'ex-guitariste de The Missions.

SOV

Car, Mr. Moonlight c'est lui : Peter Murphy qui, malgré ses cinquante-six ans, affiche un corps svelte, des traits de visage au cordeau, noir et blanc, comme le logo de Bauhaus et de la tournée, et une voix qui, malgré de petits tressautements dus à la fatigue, assure encore la mise en abîme de titres qui reposent en grande partie sur son chant et son jeu d'acteur. Malgré un registre de voix médium, il arrive encore à conclure les syllabes de ses chansons sur des tons rocailleux du plus bas des cieux (Double Dare), parcourant des textes à cheval entre les crevasses des limbes et les rives du styx.
C'est sur Mr. Moonlight que le trois quart tribute band (qui a reçu la bénédiction de Daniel Ash) démarre le show devant des quadras qui, pour une fois, n'ont pas eu le courage de ressortir la panoplie de leurs vingt ans. Porter des pantalons cigarettes déchirés, des chemises coupées et des crêtes sur la tête, même pour rendre hommage à leur groupe adulé, c'est vrai qu'il y plus hype en ce moment à Paris.
Cela n'empêche pas cette foule de se déchaîner, parfois même de devenir légèrement violente quand Peter Murphy attaque l'agressif mais au combien jouissif Double Dare. Aux premières sonorités de la caisse claire introduisant Bela Lugosi's Dead, une clameur remonte de la salle : trois notes à la basse, plus lourde qu'un caveau de pierre, un simple tempo tapé sur la partie métallique de la caisse claire, des larsen qui se transforment en mélodies, des paroles évoquant la mort de cet acteur qui incarna de si nombreuses fois le rôle de Nosferatu le vampire, et voilà un titre qui résume, à lui seul tout un mouvement musical. S'ensuivent le très puissant Dark Entries, sa batterie répétitive et ses chœurs hypnotiques, puis l'énorme Stigmata Martyr dont l'écoute seule suffit à se faire excommunier par le Vatican !
Préoccupé tout le long du concert par des soucis de réglages à la console et visiblement pressé d'en finir, Peter Murphy et ses musiciens qui jouent pourtant sur du velours rouge sang, rappellent aux plus jeunes que qu'il ne fait pas bon vieillir et aux plus exigeants de leurs adulateurs que jamais plus Bauhaus ne sera Bauhaus sans son line-up originel et la sinistre énergie scénique qui les habitait. Lors du rappel, Peter Murphy, visiblement fatigué, clôt le set avec la reprise de David Bowie qui aura vu, une fois n'est pas coutume, la copie égaler l'originale, Ziggy Stardust.

SOV

Si quelques soirs auparavant, sur une scène Bruxelloise, le groupe avait généreusement offert deux autres rappels à son public, les Parisiens devront eux se contenter d'un seul.

Plus assez en jambes pour assurer le show tel qu'il avait l'habitude de le faire dans les années 80 (la captation Press The Eject And Give Me The Tape est à l'art scénique gothique ce que Woodstock est au mouvement hippie), accompagné par des musiciens qui, loin de démériter, n'auront jamais le sens du riff lugubre d'un Daniel Ash ou la classe ensorceleuse de l'alchimiste de la basse David J, le Mr. Moonlight Tour n'est pas à la hauteur de la légende des Bauhaus.

Si l'on rajoute à cela la diffusion sur grand écran, en ouverture du set, d'une vidéo promotionnelle de l'album à venir du sieur Peter Murphy qui, pour l'occasion, a travaillé avec Youth des Killing Joke, on est en droit de larmoyer, au moins un peu, sur les motivations premières de cette célébration d'anniversaire qui méritait, définitivement, de réunir Kevin, David et Daniel autour de leur mentor.
setlist
    King Volcano
    Kingdom's Coming
    Double Dare
    In The Flat Field
    God In An Alcove
    Boys
    Silent Hedges
    Kick in the Eye
    A Strange Kind Of Love
    Bela Lugosi's Dead
    The Passion Of Lovers
    She's in Parties
    Stigmata Martyr
    Dark Entries
    Severance (Dead Can Dance cover)
    ---
    All We Ever Wanted Was Everything
    Subway
    Ziggy Stardust (David Bowie cover)
photos du concert
    Du même artiste