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Paris, Cigale - 18 octobre 2013

Live-report par Olivier Kalousdian

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Le Marché des musiques actuelles (MaMa), convention de rencontres professionnelles et festival musical en partie ouvert au public, est chaque année un peu plus en expansion. La cinquième édition de cette manifestation parisienne qui cette année a gagné une journée supplémentaire était organisée du 16 au 18 octobre dans une vingtaine de lieux du 18ème arrondissement. Une cinquantaine de conférences, débats, rencontres et ateliers ainsi que plus de quatre-vingt concerts dans des salles proches les unes des autres. Si une partie est en accès libre, l'autre nécessite que le public réserve sa place. Les groupes jouent ainsi à la fois devant des tourneurs, agents, organisateurs de concerts, producteurs de disques... et un vrai public.
Le 16 octobre, un débat autour de politiques dont, notamment, Marie Christine Blandin, Sénatrice EELV, Présidente de la commission Culture au Sénat, a ouvert le festival sur des sujets tels que le financement des musiques actuelles, le régime des intermittents ou la rémunération des artistes et producteurs avec Internet en toile de fond.

En ce dernier soir de festival, le MaMa réserve sa plus grosse affiche avec le plus estimé des groupes les plus mal-aimés d'Angleterre, Archive. Comme le disait Darius Keeler lui-même lors d'une interview l'année passée : « L'Angleterre n'a jamais rien compris à la musique d'Archive alors que le reste de l'Europe et notamment la France réservent au groupe un accueil et un succès qui me laissent constamment sans voix ! ».
Une bonne manière de se familiariser avec les climats denses et hypnotiques d'Archive, c'est de ne pas rater les deux premières parties de la soirée : la sensuelle Robi et le dandy brechtien DAAN. Deux artistes, un Français et un Belge en access prime time, comme on dit dans le PAF.

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Le premier album de Robi, L'hiver Et La Joie, vient de paraître. Il est articulé autour de la basse de l'Américain Jeff Hallam et des textes de la chanteuse Robi. L'instrumentation sèche de ses titres est au service de textes dont on ne peut dénier la portée poétique. Robi reconnaît avoir été marquée par les sons de synthés des années 1980, comme par le blues. C'est avec un jeu de scène à la limite des psychotropes ingurgités en trop grand nombre et une nonchalance que ne renierait pas Lou Doillon que Robi parvient à séduire l'auditoire venu en majorité écouter les sons krautrock d'Archive. Illuminée de moments de fulgurances scéniques déjà vus chez Izia Higelin, comme sur une reprise de Trisomie 21, Il Se Noie, Robi joue la carte, si séduisante depuis Lescop et Nouvelle Vague, du retour de la new wave made in France. Pourtant, aucune révolution n'est en cours dans cette pop synthétique minimaliste qui, accompagnée d'une seule basse et d'un clavier, finit inévitablement par se répéter.

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Avec pas moins de quinze années de carrière, déjà, Daan Stuyven est un Franc Belge (nom de son nouvel album) qui jouit d'une notoriété certaine en Wallonie comme en Flandre. Ex-membre des Dead Man Ray (dont Rudy Trouvé, membre des dEUS fut également un des musiciens), groupe de rock belge qui a connu son heure de gloire dans les plats pays qui sont les leurs (Hollande et Belgique), Daan poursuit dorénavant une carrière de crooner surréaliste et inventif en s'accompagnant d'un clavier, d'un violoncelliste qui, première dans ce domaine, utilise une loop machine pour jouer seul à plusieurs, et d'une multi-percussionniste de charme en la personne d'Isold Lasoen, laquelle officie derrière un xylophone, une batterie, des marimbas et un steel drum... parfois simultanément. La voix de Daan, flirtant avec les sous-sols de l'opéra de Paris un soir de répétition du Faust de Gounod et son phrasé très lent, débitant des histoires de tous les jours augmentées de contes cyniques et fantastiques, ramènent inévitablement aux titres phares de Rodolphe Burger et son groupe Kat Onoma au milieu des années 80s. Mêlant Flamand, Anglais et Français, Daan, enchante la Cigale avec son blues folk, parfois pop, parfois rock (et même électro, dans une autre configuration que ce soir) et domine l'assemblée d'une maturité artistique que seul son compatriote Arno est capable de lui disputer. Mes Etats Unis, Parfaits Mensonges ou Victory mélangent habilement le classicisme d'un violoncelle en boucle, le mystère de percussions tubulaires et la classe subtile d'un belgium singer qui semble capable de fédérer tout au long des rives de l'Escaut, et plus encore...

La scène de la Cigale semble bien petite et sa salle un peu à l'étroit pour accueillir la machinerie lourde et les effusions d'énergie du groupe phare de ce festival MaMa. Craintes justifiées, c'est en mode léger qu'Archive prennent place à vingt et une heure trente. Avec le guitariste Steeve Harris aux abonnés absents depuis le printemps dernier, Rosko John et Maria Q (qui ont de nombreux projets solos, également) qui n'ont plus montré le bout de leurs microphones depuis 2012 c'est, ce soir, le remarquable batteur Smiley qui laisse un trou béant dans la composition de ce groupe protéiforme. Indiscrétions glanées dans les bonnes sphères, il semblerait que le futur d'Archive s'écrive désormais avec Darius Keeler, Danny Griffiths, Dave Penney, Pollard Berrier, Jonathan Noyce et la jeune Holly Martin. Un futur qui verra Archive agiter, une fois de plus, l'étendue de son talent, au-delà de la musique en y ajoutant, par exemple la réalisation d'un film... mais ceci est une autre histoire sur laquelle nous ne manquerons évidemment pas de revenir.

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Le problème de l'acoustique, c'est qu'il doit être vraiment acoustique, sous peine de se situer entre deux... Or, ce soir, si nous assistons une fois de plus et pour notre plus grand plaisir aux décollages vrombissants de titres qui ont fait la réputation de la puissance d'Archive, leurs plans de vols sont constamment avortés par l'absence d'un batteur et de toutes les sections rythmiques (exceptés deux tambours dont Dave Penney joue toujours debout), même les plus numériques d'entre elles. Pour ce qui est de la rengaine, Again dont le public semble ne jamais vouloir se lasser au cours des années, aucun soucis ; la voix de Dave et la montée des claviers et de la guitare suffisent dans sa version allégée jouée depuis quelques temps, maintenant. D'autres titres, comme Hatchet, étrangement, ou même l'ancien Noise, lequel ne figurait plus sur les setlists du groupe depuis longtemps, se contentent assez bien de cette configuration modeste, pour un groupe si dense d'habitude.
Mais, quand le poing battant la mesure de Darius emballe le pouls du public sur un titre comme Dangervisit, après deux minutes d'introduction dont l'intensité est digne du générique d'un film d'anticipation et que les percussions qui, pourtant, ont souvent assuré les fins de set du groupe avec leur tempo hypnotique, « Feel, Trust, Obey » ne percutent plus, ou quand Twisting ne peut revendiquer sa rythmique syncopée et se transforme en ballade quasi monotone, on sent la frustration monter et des mains levées, prêtes à lancer le gros de la cavalerie, se retrouvent désespéramment seules et sans emploi au dessus de la foule. D'un geste discret, elles redescendent dans les poches, tout juste bonnes à assurer l'équilibre pour se dandiner gentiment sur des airs de toutes façons assez connus de toutes et tous maintenant pour être fredonner dans sa tête, percussions comprises.

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Consolation et confirmation de la soirée, Holly Martin rassure, une fois de plus sur son intérim qui semble devoir devenir définitif pour toutes les parties vocales féminines, de You Make Me Feel aux titres du dernier album d'Archive, With Us Until You're Dead, sur lequel elle tient la vedette. Pas rancunier, le rappel de la foule malgré tout heureuse qui suit l'heure de set fera trembler et sûrement bouger les fondations de la Cigale avec des centaines de paires de chaussures tapant frénétiquement le sol pour le retour des musiciens en noir n'a rien à envier aux prestations passées et plus riches d'Archive.

Sans aller jusqu'à s'inquiéter des absences, même volontaires, de deux des piliers du groupe (Steeve et Smiley) – quand on sait que, par le passé, les absents d'Archive (Craig Walker, Roya Arab...) ont toujours eu tort et vu leurs rôles vite remplacés, ou pas – il convient d'admettre qu'Archive, sans sa partie rythmique, c'est comme Motorhead sans Lemmy, Hubble sans son miroir ou la NSA sans l'Angleterre. On capte toujours le message, mais il pourrait menacer de s'atténuer, avec le temps...
setlist
    Lghts
    Noise
    Conflict
    The Feeling Of Losing Everything
    Blood In Numbers
    You Make Me Feel
    Hatchet
    Black & Blue
    Words On Signs
    Dangervisit
    Twisting
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    Again
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