Le festival électro-rock
Les Aventuriers, qui se tient comme tous les ans sur dix jours à Fontenay-sous-Bois, a réussi à proposerpour son édition 2013 une affiche plus qu'alléchante. Au lendemain de la déferlante française La Femme/Poni Hoax, c'est un programme 100% Angleterre qui se tient en ce mercredi avec Empire Dust et Tunng.
Dans le sous-sol obscur de l'Espace Gérard Philippe, loin du froid mordant qui sévit dehors, arrive à 20 heures tapantes la jeune formation de fusion hip-hop/rock/électro
Empire Dust. Si le groupe est inextricablement lié à la France, ce sont en réalité deux rappeurs londoniens qui, par le jeu du hasard, se sont entourés de musiciens (français) à la sensibilité punk et électronique non dissimulée. Les cinq membres font preuve d'un professionnalisme et d'une envie désarmantes, et le nombre impressionnant de dates qu'affiche la tournée accompagnant la sortie de leur premier album éponyme les a rendus exigeants.

Les flows millimétrés se mêlent parfaitement aux instrumentations heavy : gros riffs de guitare et batterie pesante. Les deux MC, Lord Kimo et Babatunde, haranguent le public sans discontinuer, l'air à la fois concentré et décontracté, se démenant devant cinquante personnes comme ils le feraient devant cinq-cents. Pour l'esthétique sonore, difficile de ne pas penser à Rage Against The Machine, le synthétiseur et l'accent anglais en plus.
Twelve et son « Do I live, do I die » remporte l'approbation de l'audience, tout comme
Look At Me, courte parenthèse plus introspective qui, plus que les autres morceaux, captive l'attention de la foule dont la majorité n'a probablement jamais ouï parler de ce projet underground. La géniale reprise de The Clash,
The Magnificent Seven, est un hommage brillant à la naissance du rap anglais. La ligne de basse initiale est remplacée par une guitare saturée à la limite de l'électronique, et la partie vocale est plus que librement revisitée, fine, précise et rapide. Joe Strummer n'a pas eu l'occasion de se retourner dans sa tombe sur le refrain « You lot ! What ? Don't strop ! Give it all you got ! ». Belle découverte.
La foule a sensiblement grossi pour accueillir les six Anglais de
Tunng. On retrouve Mike Lindsay après sa brève épopée islandaise qui avait donné naissance à Cheek Mountain Thief, venu ce soir présenter avec sa troupe l'album
Turbines, toujours fait de folk et de ces soupçons d'électronique et de samples qui ont façonné leur caractère. Deux pistes de l'album servent d'ouverture,
Once et
The Village, posant l'atmosphère apaisée de la soirée, au risque de décevoir ceux qui pensaient qu'Empire Dust avaient ouvert le passage à d'hypothétiques grands frères spirituels. Le volume sonore n'est malheureusement pas assez élevé, la batterie n'est quasiment pas amplifiée et Lindsay semble avoir des soucis de retours, mais sa bonne humeur est inattaquable et on sent que la formation séduit un peu plus le public à chaque chanson.

Après un bref retour dans le passé sur
Roadside et la sublime
Tale From Black avec sa rythmique martiale qui prend au cœur et aux tripes, retour dans l'actualité du groupe qui interprétera ce soir à peu près tous les chapitres de
Turbines. Mike Lindsay occupe tout l'espace scénique, les autres membres se cantonnent à exécuter leurs parties avec professionnalisme et méticulosité. Seule Becky Jacobs se démarque aux côtés du leader, posant sa frêle voix haut perchée sur
Embers et
By This, lesquelles viennent avec grâce confirmer la ligne artistique des Anglais. Les placages d'accords majestueux envoûtent la pièce, avec ces sons quasi magiques de clochettes et d'échos lointains...
Après un premier accord manqué qui aura fait sourire le public, Lindsay attaque l'une des plus belles que le groupe ait produite :
Jenny, au charme bucolique et à la tristesse exacerbée. Les talents de composition poussés au maximum forcent l'admiration. Becky mène la barque sur
It Breaks, avec ses délicates touches de piano, et une batterie toujours à mi-chemin entre canons indé et percussions semi-improvisées. Arrive ensuite
Hustle, l'un de leurs singles les plus connus, avec son phrasé twee-pop communicatif. Dans la hâte, Lindsay échange sa guitare contre celle d'Ashley Bates pour claquer un solo épique et humoristique qu'il réalise presque mort de rire sur le bord de la scène, finissant sa partie au tapping. Un dernier single fait mouche,
Bullets, mais le public n'est plus à conquérir et il exige un immédiatement un rappel, qui sera exécuté sans guitare électrique ni basse, avec la même simplicité qui a marqué l'ensemble du set impeccable.
Tunng réussissent toujours aussi bien à naviguer entre poésie et folk, et ont probablement grappillé quelques dizaines de fans supplémentaires ce soir dans le Val-de-Marne.