logo SOV

Nat Jenkins & The HeartCaves

Paris, La Dame de Canton - 15 janvier 2014

Live-report par Baptiste Elman

Bookmark and Share
Mercredi 15 Janvier. 20h30. Quai François Mauriac, en contrebas de la BNF. Il pleut. Il est temps pour les explorateurs de nouvelles contrées sonores d'enfiler seyants K-Way jaunes et bottes en caoutchouc couineuses pour se rendre à La Dame de Canton. La salle de concert flottante, bien connue des amateurs de « musiques stylées », dodeline paresseusement, amarrée à un quai pratiquement vide. Et force est de constater que le bel intérieur boisé du navire ne regorge pas de moussaillons de la pop music...

Ce soir vraiment très peu de curieux ont fait le déplacement pour une petite virée outre-manche, plutôt alléchante sur le papier, avec un concert du baroudeur musical british Nat Jenkins, qui propose avec son groupe, The Heart Caves, un sympathique mélange de rock américain, de punk anglais et de folk traditionnel.
Après avoir attendu désespérément pendant plus d'une demi-heure quelques marins d'eau douce supplémentaires, il est enfin temps de larguer les amarres.

La première partie - la délicate manœuvre qui consiste à sortir du port - est confiée à Mélie Fraisse, secondée par ses deux matelots. A l'aide de toute une flopée de synthétiseurs aux sonorités rigolotes, le trio de parisiens se lance dans un set de pop électro tout en douceur. D'une voix délicate, M.F. dirige avec une assurance tranquille le bateau en évitant les écueils du démarrage. Les très belles chansons du groupe, qui alternent de manière judicieuse moments d'introspection pop, passages électro à la frontière du 8-bitpop et parties plus rock aux grooves entêtants, semblent captiver le petit auditoire qui bouge tranquillement en rythme pour une autre raison que le roulis.
Et quand la chanteuse s'empare d'un violon et en sort une sublime complainte parfaitement intégrée dans le reste des arrangements, enfin ça y est ! Nous voilà en pleine mer, loin du quai grisâtre. Et cela sans la direction assistée que représente aujourd'hui le sacrosaint Macbook dont les groupes à la frontière de l'électro ont beaucoup de mal à se passer... Bravo ! Seul bémol : les boites à rythmes sommaires imitant en vain les sonorités d'une batterie absente qui, par sa présence, aurait pour le coup vraiment permis au navire de hisser la voile et de partir à la conquête du grand large.

C'est maintenant le moment pour le corsaire de la couronne britannique de partir à l'abordage du galion et d'en prendre le contrôle. Et c'est en comité réduit que le groupe se présente. Ce soir nous n'auront droit qu'à un concert de 3/5ème de Nat Jenkins & The Heart Caves... Nat Jenkins, souriant derrière son micro, est ainsi juste accompagné du synthé barbu et du guitariste chevelu de la formation. Bassiste et batteur se seront surement noyés en route...
Dès le lancement des hostilités, l'accompagnement minimaliste et le public assez réduit font prendre au concert la tournure d'un sympathique showcase à la limite de la performance acoustique entre potes. Joyeusement commentés par le guitariste, traducteur autoproclamé de la soirée, les chansons, pour la plupart pas même présentes sur son premier album, défilent, dépouillées de tout artifice. Grâce à cette sobriété inattendue la voix puissante et expressive du leader est particulièrement bien mise en valeur. Les guitares, bien qu'incisives, ne sont pas pour autant intrusives, tandis que le synthé se contente de prendre en charge les basses et de combler les vides par de petites nappes délicatement saupoudrées.

L'ouverture se fait tout en douceur avec une délicate pépite inédite. Petite accélération pour le deuxième morceau avec un East And West qui fait flirter dans un astucieux grand écart folk et punk. Mais atteignant là leur vitesse de croisière, les londoniens resteront dès lors constants jusqu'à la fin d'un set très propre, mais sans véritables éclats. Pourtant très appliqués, rien n'y fait : l'absence de la section rythmique se fait réellement sentir. D'autant plus que le son dépouillé des guitares restera quasi identique du début jusqu'à la fin, pouvant occasionner une certaine lassitude pour des tympans volages. Mention spéciale toutefois à la sublime Saint Benoit, ballade envoutante qui aurait tout à fait sa place dans un recueil des « plus belles chansons tristes à l'usage des marins solitaires de tous les océans ». Mais la bonne nouvelle que nous annonce le groupe avant de nous quitter c'est qu'ils seront de retour à Paris en février pour un prochain concert cette fois ci AU COMPLET. Mais attention, turbulent sujets de sa majesté, vous êtes prévenus, aucun mot d'excuse des parents ne sera accepté pour l'absence de l'un d'entre vous !

Et en moins de temps qu'il ne faut à un Eurostar pour traverser la Manche, voilà déjà venue la dernière chanson de la soirée effectuée en rappel, Lost And Lonely, délicieusement british, qui permettra peut être d'égayer le trajet de retour sous la pluie des courageux spectateurs, en leur donnant l'illusion qu'il s'agit d'un crachin londonien, tout aussi humide mais beaucoup plus sexy qu'une bête averse franchouillarde...