C'est un groupe de pop intimiste qu'accueille ce soir l'Espace B. Les Anglais de Allo Darlin', dont le troisième album
We Come From The Same Place est sorti en octobre dernier, arrivent au terme d'une longue tournée qui leur a fait traverser les États-Unis de long en large.
C'est à un très jeune groupe originaire de Normandie nommé
Beach Youth d'ouvrir la soirée. Pop indé tropicale, un peu math-rock sur les bords, leur musique est efficace et ensoleillée. De belles mélodies et des morceaux très bien construits compensent largement le manque d'expérience et d'assurance sur scène. Rien de révolutionnaire sur le fond, des rythmes carrés, des lignes claires de guitare couvertes de réverbe, une basse qui groove et un chant scandé selon les canons du genre. On pense à Coastal Cities ou aux Beach Fossils, d'autres formations inspirées par l'air du large et les plages sous le soleil couchant.
Memories,
Days et surtout
Waves sont de franches réussites qui ne manqueront pas de conserver la Normandie dans le haut de la pop française, à côté de leurs aînés Granville, Da Brasilians et The Lanskies...
Pour un mardi soir à l'Espace B, il y a une sacrée foule amassée dans la salle étriquée, et quand le quatuor moitié australien moitié londonien arrive sur scène, il reçoit une pluie d'encouragements nourris. Armée d'un ukulélé, la chanteuse Elizabeth Morris demande à l'ingénieur du son s'il peut remédier aux électrochocs qu'elle reçoit à partir du microphone puis attaque le concert par
Wonderland. L'atmosphère twee pop imprègne immédiatement le public, la simplicité et la bonne humeur se dégagent tout de suite des premiers morceaux. Une guitare claire jouée à la cool, une basse un tantinet métallique et une batterie très fondamentale servent de terreau à l'Australienne pour interpréter ses comptines mélancoliques. La sobriété de la forme rappelle le retour en grâce de la pop indépendante des années 1990, et le grain de voix de la chanteuse n'est pas très éloigné de celui de Suzanne Vega, le kitsch du mixage en moins. A chaque clôture de morceau, le public témoigne d'une ardeur insoupçonnée pour une formation finalement assez confidentielle. Les fans hardcore connaissant à peu près chaque ligne de parole ne sont pas rares, et les premiers surpris semblent être les musiciens eux-mêmes, rappelant qu'ils avaient joué pour la dernière fois à Paris il y a deux ans déjà.
Capricornia se détache du lot, plus emballée et dynamique que la moyenne des titres. Elizabeth Morris n'a pas la langue dans sa poche, elle présente à peu près toutes les chansons, sourire aux lèvres, annonçant
History Lessons en expliquant qu'elle traite de la situation compliquée dans laquelle on se trouve quand deux amis qui étaient en couple se séparent. Avant d'entamer
Dreaming, sur laquelle une part du chant lui échoit, le bassiste fait une analogie entre l'accordage et les préliminaires, précisant qu'il ne vaut mieux pas les négliger sans les rendre trop longs non plus. Rires dans l'assistance.
Le set se poursuit avec des chansons piochées dans les trois albums du groupe, jusqu'au fameux
Bright Eyes, le single du dernier disque, chanté à moitié par le guitariste. Un début de distorsion inattendu sur un beau solo lumineux, une batterie qui va un peu plus loin qu'à l'accoutumée et voilà l'audience conquise encore un peu plus. Juste avant les rappels, le groupe se lâche sur la fin de
Kiss Your Lips, avec une énorme ligne de basse slappée et un solo tropical très inspiré. Elizabeth danse toute seule au milieu de la scène, tourbillonne la tête baissée devant un batteur qui maltraite enfin un peu ses toms. Dommage que ce côté anguleux ne soit pas mis en valeur dans le reste de l'œuvre si policée du quatuor. Mais telle est l'éthique de cette pop indépendante. Pour le rappel, une chanson d'un groupe dont la leadeuse nous dit qu'il est peu probable qu'on les connaisse et qui vient d'Edimbourg. Le morceau s'appelle
Darren, il est très bon et est disponible sur Bandcamp.
Allo Darlin' ont fourni une prestation intimiste et honnête, à la rencontre d'une fanbase qu'ils ne semblaient pas soupçonner et qui en a eu pour son argent.