Archive

Une petite semaine de filage aura été nécessaire au staff et aux membres d’Archive pour préparer la nouvelle tournée qui démarre ce soir : le Restriction Tour 2015.
Nouvelle mise en scène, nouveaux titres (ceux de l’album éponyme, Restriction, mais également de plus anciens) et nouvelles tenues de scène (déjà entrevues pour le projet Axiom) ; Archive repartent à la conquête du public Européen après avoir connu un succès inattendu avec Axiom (aucune promotion ou presque et pourtant 10 000 ventes d’un album très conceptuel) et un très bon démarrage avec l’album, Restriction. Sorti le 15 janvier dernier chez [PIAS] Recordings, il s’est vite placé dans le top 10 des charts français avec 13 000 exemplaires ayant trouvé preneur, à ce jour.

Dans une des deux salles de l’Autre Canal à Nancy, Archive et son staff ont pris résidence pour finaliser les balances et les détails de cette nouvelle tournée dont le coup d’envoi est donné ce soir dans l’ex-capitale du Duché de Lorraine. À guichets fermés depuis de nombreux jours (1300 personnes, jauge maximum) dans la salle principale et en même temps que le festival Les Nuits de l'Alligator qui programme Sarah McCoy et Heavy Trash, les huit membres d’Archive présents ce soir vivent leurs dernières minutes d’avant tournée aux prises avec une tension palpable et plongés dans une grande concentration. En guise de première partie, la projection du film Axiom sur un des écrans installés sur la scène met le nombreux public en chauffe ; ce qui n’est pas du luxe dans cette ville aux nuits d’hiver glaciales.



20h40. Mike, tour manager du soir, tape aux portes des loges, celle de Holly Martin étant séparée du reste du groupe : encore sept minutes. Un à un, Darius, Danny, Dave, Pollard, Smiley, Jonathan et Mickey enfilent leurs vestes de scène affublées d’un « A » stylisé façon boucliers des guerriers de Sparte. Rituel obligatoire, tous les membres du groupe réunis en backstage s’étreignent juste avant de monter sur scène. Il est 21h et les premières mesures de Feel It retentissent. Dave Pen prend possession des lieux et de l’espace sonore d’une voix totalement assurée sur la rythmique et les riffs cristallins de Pollard Berrier et Mickey Hurcombe. La musique tonne et la tension accumulée se transforme en énergie sonore, automatiquement. Rockabilly dans sa ligne et ses guitares claires, Feel It passe du zéro à cent en quelques secondes, catapulté par la batterie sauvage de Steve Barnard, dit « Smiley ». Le titre novateur inaugure une setlist, remaniée pour le Restriction Tour 2015. Le refrain hurlé par Dave s’illumine des miles feux des trois écrans géants positionnés autour du groupe et affichant de nouvelles créations graphiques animées. De trois minutes et dix sept secondes dans sa version studio, Darius Keeler, le chef d’orchestre qui bat la mesure d’un poing rageur, porte le titre phare et expéditif de l’album Restriction à plus de quatre minutes en lui allouant deux silences et deux mesures supplémentaires qui prennent de court les vidéastes en herbe et ravissent toute la salle.



Le moment est venu pour Holly, restée en arrière, d’entrer en scène pour un Kid Corner dont la bande son est composée de sonorités exclusivement synthétiques et qui prend encore de l’altitude dans sa version live, aidée d’une double rythmique appuyée par Dave Pen et Smiley. Les habillages graphiques et les bandes vidéos en arrière-plan sont d’une grande esthétique et le rouge flamboyant des jeux de lumière joue à fond la carte de l’anxiogène titre dénonçant les armes à feu aux mains des enfants. Maria Q n’est pas de la partie et ce sont donc Holly et Pollard qui entament un You Make Me Feel attendu par tous ces bras levés au ciel dans un duo millimétré ; Pollard un ton en bas, Holly tout en haut de ses vocalises qui, au fil des années, sont devenues plus précises, plus épaisses et moins brutales. Quinze après sa création, ce titre est encore doué d’une puissance façon trip-hop métalloïde qui surprend encore.
La setlist de ce soir s’enchaîne afin que chacun des chanteurs soit mis en avant avec une égalité parfaite. Le piano de Darius fait résonner les premières notes de Dangervisit sur lesquelles Pollard Berrier pose une voix aujourd’hui indissociable des plus grands succès récents d’Archive. Vite suivi des lourdes percussions de Smiley, ce titre à plusieurs étages gagne en vélocité avec l’ajout de calques sonores qui atteignent leur paroxysme sur le couplet, maintenant connu de tous et défilant en typo verte sur tous les écrans de projections de la scène : « Feel, Trust, Obey » !



Black And Blue et Sleep, absent des setlists depuis 2009 et durant lequel une armée d’anges viendra flotter au-dessus des notes planantes des seuls claviers de Darius Keeler et Danny Griffiths, ou plus étonnamment encore The Feeling Of Loosing Everything, tiré de l’album Controlling Crowds part IV, précédent le très attendu Bullets. Un titre qui donnera l’occasion à Dave Pen d’échanger quelques mots avec le public, le temps que le clavier capricieux de Darius veuille bien rebooter ses loops, déclenchées trop tôt. Un incident qui provoquera une certaine hilarité pendant les trois minutes qu’il va durer, notamment quand Dave demandera au public : « Vous n’aviez rien d’autre de prévu de toute façon ? ».
Si Conflict, Violently ou Waste font également partie de la setlist, Again et Finding It So Hard, deux cultes hallucinatoires notoires dédiés au rock électro planant, ont eux disparu du répertoire. Après presque quinze années passées à illuminer et envoûter l’esprit de centaines de milliers de fans de par le monde, on se dit, un peu frustré malgré tout, qu’il était temps d’apporter un certain changement dans les titres choisis. Un changement que le rappel incluant Lights et Ladders (un pari risqué, mais payant) confirme.

Que les fans de la première heure se rassurent, si besoin était ; au détour des loges où la fin du premier set de la tournée se fête avec un bon Bordeaux et beaucoup de satisfaction, Darius nous avouera qu’une setlist n’est jamais figée et qu’au gré des différentes dates de 2015 qui se conclueront en France à l’automne prochain avec, notamment deux Zéniths parisiens les 30 et 31 octobre, celle-ci pourra être revisitée.
Mais, avec huit titres joués sur douze, c’est bien l’album Restriction que défendront Archive tout au long de cette tournée 2015, sûrement la plus ambitieuse de leur carrière. Depuis presque vingt ans et avec plus de quinze membres ou ex-membres, ce collectif est décidément passé maître dans l’art de se renouveler sans rien perdre de son identité.