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Drenge
Happyness

Paris, Flèche d'Or - 23 avril 2015

Live-report par Xavier Turlot

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Avec un sublime second album à peine sorti, Undertow, Drenge commencent à sérieusement s'affirmer comme une référence actuelle du blues rock. Un récent passage chez David Letterman et une notoriété qui monte en flèche ont suscité encore un peu plus la tentation d'aller les voir jeudi dernier à la Flèche d'Or à Paris...

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La première partie est assurée par un trio londonien nommé Happyness. L'opulence de matériel sur une scène aussi petite laisse imaginer une débauche délirante de décibels, pourtant ce premier groupe jouera à un volume excessivement faible. Le batteur effleure ses peaux, le guitariste ses cordes ; quant au chant il est faible, brouillon et ne se dégage pas de l'ensemble. Les trois garçons, au demeurant fort sympathiques et tout à fait impliqués, ne proposent ce soir qu'une suite de chansons molles et sans inspiration. Certains morceaux ont un potentiel, à l'instar de Anything I Do Is All Right, un single power pop très nineties et plutôt accrocheur, mais le résultat est ruiné par ce chant insipide et ce manque de puissance. Le court passage du bassiste au piano n'est guère plus convaincant : la chanson ne décolle pas et les effets dans le micro sont complètement excessifs... Deux ou trois solos de guitare honnêtes aident à sauver les apparences mais la foule qui s'amasse peu à peu en profitera surtout pour acheter quelques bières avant le changement de plateau.

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La nuit n'est pas encore complètement tombée quand Drenge montent sur scène. La fratrie s'est entourée d'un bassiste pour l'enregistrement et la promotion de Undertow, sans doute pour qu'Eoin Loveless puisse avoir les mains libres sur plus de phrases mélodiques. Visages graves et fermés, les trois Anglais attaquent par la première chanson du nouvel album, la psychédélique Running Wild. Le son est comme à l'accoutumée d'une puissance indescriptible, entre la batterie infernale et les éruptions distordues de la guitare du leader, mais les balances sont irréprochables. Après un court détour du côté du garage avec Gun Crazy, c'est l'ultra blues-rock de Nothing et son riff ravageur qui achève de chauffer la foule. Les frères Loveless ont dû tarauder la discographie de Jack White... La technique, l'énergie et la talent d'écriture sont toujours aussi bluffants, on le savait à l'écoute du disque, mais Drenge est l'un des (trop rares) groupes qui ne se révèlent qu'en live. Aucune chaîne hi-fi ne peut délivrer ne serait-ce que l'esquisse de ce que leur musique est réellement.

Pour ce qui est de la communication avec le public, on se situe proche du néant. Seul Rory, le batteur, s'essaye à un « Ça va ? » glaçant. L'exercice physique peut reprendre. Le leader jongle entre ses guitares au gré de la violence des textures qu'il souhaite restituer, puis hurle les yeux toujours clos ses phrasés saturés d'écho qui résonnent comme des sentences sorties des enfers. Des éclairages placés derrière les musiciens les font apercevoir en contre-jour par le public, ce qui brouille un peu plus les sens et renforce autant la sensation de brutalité que l'impression d'assister à un phénomène physique rare. We Can Do What We Want, curieusement mélodique et très british, s'attire un accueil chaleureux des auditeurs qui ne sont visiblement pas venus au hasard. Des mouvements d'épaules dans les premiers rangs se font de plus en plus énergiques, jusqu'à finalement dégénérer en pogo, et ce n'est pas la setlist de Drenge qui pourra calmer le jeu.

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Le riff étouffé de Bloodsports retentit et les changements de rythmes incessants n'empêcheront pas quelques fans de se lancer dans altercations toujours plus vigoureuses. Certains personnes sont contraintes de reculer pour ne pas recevoir de coups malheureux. Puis Standing In The Cold calme un peu le jeu avec ses accents de ballade grunge. Eoin a la voix cassée mais chante toujours juste, Rory a dû boire trois litres d'eau et assure toujours ses motifs délirants avec la même concentration, la tête abaissée au-dessus de sa caisse claire. L'un des morceaux les plus brillants du nouvel album passe par un solo épique, des accès de violence et des accalmies incongrues pour arriver à un tableau global qu'on aurait peine à décrire. Après le blues-rock et le grunge, c'est au stoner rock de s'affirmer dans le catalogue des Anglais, avec par exemple l'instrumentale Undertow. Un morceau lourd et brut qui confirme le positionnement osé du groupe, loin de se faire dicter une direction artistique.

La belle Fuckabout, aussi simple que directe, tient bien son rôle de baume aux tympans avant d'amener à l'OVNI Let's Pretend, dont toute description du rendu en concert serait risible et inopérante. Chose plutôt rare, il n'y aura aucune chance de rappel car les lumières se rallument tout de suite après la fin de l'apocalypse. Le groupe s'est éclipsé comme il était apparu : discrètement, sans explications ni commentaires, tellement dévoué à son art qu'on les soupçonnerait d'avoir dû troquer leur âme pour en arriver là.
setlist
    HAPPYNESS
    Non disponible

    DRENGE
    Running Wild
    Side By Side
    Gun Crazy
    Nothing
    The Snake
    Backwaters
    We Can Do What We Want
    I Wanna Break You In Half
    Bloodsports
    Favourite Son
    Standing In The Cold
    Undertow
    Face Like A Skull
    Fuckabout
    Let's Pretend
photos du concert
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