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Young Fathers

Paris, Maroquinerie - 13 juin 2015

Live-report par Julien Soullière

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Young Fathers sont sur Paris ce soir. C'est ce qu'on appelle une bonne nouvelle. Qu'on le veuille ou non, la scène indépendante du rock britannique est actuellement gouvernée par un trio hip-hop. Il aura suffi d'un album pour créer la sensation, mais à la différence d'autres de leurs congénères, les Ecossais n'ont pas abaissé la barre à l'heure de sortir leur second effort. Chez eux, on parle avec et pour le cœur, les muscles mais aussi l'esprit. Young Fathers, c'est la part la plus animale de notre belle et sensible espère humaine.

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Attention, Mesdames et Messieurs, dans un instant, on va commencer. En ce début de soirée, la Maroquinerie emprunte ses frusques au Jamel Comedy Club. Sur scène, deux énergumènes noirs de peau. Fringué comme Niall Gavin, le premier est du genre rondouillard, c'est un sidekick. Équipé d'yeux aussi globuleux qu'embrumés, le bonhomme parviendra à nous sortir quelques modestes accords, en dépit d'un état proche de la mort cérébral et qui nous invitait à supposer le contraire. Le second, lui, est autrement éveillé. Il se présente: Kojey Radical. Le bougre est charismatique. Il a du bagout, une certaine élégance aussi. Il se décrit comme un poète de l'East-London, et ce qu'il nous propose ce soir est à la mi-chemin entre un one-man show, du slam et du hip-hop à la sauce Big Mac. Quelque peu décontenancée au démarrage, l'assistance se prendra finalement au jeu, petit à petit, renvoyant au maître de cérémonie ses rires et ses nombreux sourires. A coup de punchlines bien senties, de rythmiques maousses et d'anecdotes rondement amenées (dont celle narrant son arrivée à la Gare du Nord), notre Monsieur Loyal tiendra tête haute le rôle qui lui a été ici confié, non sans montrer son torse sculpté et ses muscles saillants: celui de pousser la foule à ne pas rester trop statique, à se lâcher comme il convient de se lâcher un samedi soir, et de faire en sorte que la foule soit juste comme il faut lorsque les grands patrons feront leur entrée sur scène.

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Dans cette cave moite gorgée de sueur et de bière rance, les corps s'agitent, convulsent, bégaient, embrassant avec fougue les espaces vides alentours. Un baiser de la mort, forcément, car il ne peut y avoir de place pour le néant là où s'expriment Young Fathers. Il y a chez eux trop de vigueur pour espérer qu'autre chose que leur seule fièvre ne survive. Leurs gestes convient les enfers dans la salle, rejoints dans leur danse folle par des effets de lumières acides et un son assourdissant. Le public s'immerge sans mal dans ces eaux profondes, sous le charme d'un spectacle total et dont les victimes consentantes sont autant nos yeux que nos oreilles. Nos enveloppes d'os et de chair sont elles aussi sollicitées, surtout lorsque l'endroit se transforme en gigantesque piste de danse et que, inconsciemment, par pur mimétisme, elles se tortillent sans pudeur ni but vers les multiples points qui délimitent notre espace vitale le plus intime.

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La Maroquinerie se prête bien au concert du soir. La salle a tout d'une arène de poche, avec sa fosse cerclée par une armée de petites marches. Elle accueille ce soir de magnifiques gladiateurs, deux yin et deux yang prêts à donner leurs tripes et leur cœur pour s'assurer les faveurs de la plèbe parisienne. Leurs armes au-delà de la seule assurance ? Des basses caverneuses, des percussions omniprésentes, des samples insistants, et des voix superposables à l'infini. Le set proposé ce soir est un quasi plan séquence, laissant peu de place aux digressions, discussions et autres remerciements. De toute façon, ce serait là le meilleur moyen de gâcher la fête, de nous faire sortir de la somptueuse brume concoctée par Youg Fathers à coups de voix et d'instruments. Les ombres nous tournoient autour, et pourtant on discerne sans mal l'inscription placardée en fond de scène. « White Men Are Black Men Too ». Young Fathers sont ce qu'ils sont, et ne s'inventent aucune identité, aucune aspiration politique. Ils aiment simplement impliquer l'autre autant qu'ils s'impliquent eux-mêmes, faire sortir de nous des sensations oubliées ou tout du moins libératrices. Leur parti, c'est celui de la jouissance, de l'hédonisme brut et racé. C'est l'unique, le seul.

Pas de rappel, c'est une bonne chose. Il n'aurait pas été possible de repartir après s'être arrêté de la sorte. Le retour à la réalité est brusque mais ô combien nécessaire. Si certains en doutaient encore, Young Fathers est un groupe à vivre en live. Définitivement.
setlist
    Drum Intro
    No Way
    Deadline
    Queen is Dead
    Feasting
    Just Another Bullet
    War
    Get Up
    Dare Me
    Rain or Shine
    Old Rock'n'Roll
    Get Started
    Rumbling
    Low
    Shame
    I Heard
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