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Young Fathers

Paris, Point Éphémère - 15 février 2014

Live-report par Jeremy Leclerc

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J'ai pris une claque. Les Young Fathers sont coupables. Ce groupe de hip-hop écossais m'était inconnu avant le concert du 15 février dernier au Point Éphémère. Si j'y suis allé c'est avant tout parce que le billet était gratuit. J'avais bien regardé le clip I Heard sur Youtube, histoire de voir à quelle sauce j'allais être mangé ; tout cela me semblait charmant... trois minutes quarante-trois secondes de soul faite de douceurs, d'effluves printanières rehaussée d'une rythmique caribéenne des plus ensoleillée, en bref une espèce de cocktail tropical urbain que l'on boirait jusqu'à la dernière goutte. De là à s'imaginer nu sur une plage de sable blanc avec sa copine ou son copain, il n'y a qu'un pas que ce mois de février nous empêche pourtant de franchir.

Samedi soir dernier, il faisait froid. Ceux qui ont déjà tenté l'aventure jusqu'au Point Éphémère savent que le coin n'est pas des plus accueillants en cette période de l'année. Située non-loin de la station Stalingrad, la salle trempe ses pieds dans le canal Saint-Martin qui, la nuit et par quelques 3°C, prend alors des allures de petite Volga. L'inimitié des lieux a tout de l'éloge architecturale faite à la déprime : à peu de détails près, on est rendu dans un pays de l'ex-URSS. Sur scène, une vénus noire au crâne rasé, vêtue d'un costume jaune safran, hypnotise la foule. Vision fantasmagorique de prophétesse débarquée d'un film de science-fiction. On ne voit qu'elle, entourée d'un halo de lumière. Le silence. Sa voix caresse de graves et d'aigües suaves les instrumentaux lo-fi bousculés entre le trip-hop et la soul, à l'image des Young Fathers qui, dans quelques minutes, deviendront les maîtres des lieux.

Cette vision enchanteresse me réjouit à un point tel que je ne me souviens pas l'avoir vue quitter la scène, comme si elle n'avait été que le fruit de mon imagination galopante. Lorsque les lumières se rallument, le microcosme dans lequel nous sommes plongés étale la variété de ses spécimens : jeunes stylés en perfecto, bonnets, amateurs et amatrices de rap, sweat-shirts à capuche, papas bobos à lunettes, barbus... une arche de Noé de deux ou trois cents personnes à tout casser venue ce soir pour en prendre plein les oreilles. « Ca va être cool ce petit concert de soul » ai-je alors pensé. C'est le genre de truc qu'on pourrait écouter avant de s'endormir, lové dans une couette épaisse en plumes d'autruche.

Seulement j'ai bien vite compris avec les percussions lourdes et l'instru orientale obsédante de la première chanson, Queen Is Dead, que les fantasmes de douceur, de sable blanc, de naïade brune aux lèvres soyeuses, et de cocktail tropical pouvaient être remisés au placard.
Pensez donc, dès les premières minutes ce fut comme si les fous de l'asile d'à-côté s'étaient fait la malle pour se battre sur un rap-trip-hop-soul des plus sombres : un faux sosie de Will.I.Am période dreadlocks, un prophète noir haut de trois mètres aux allures de Shaft, ou de méchant qui aurait tanné le cul de Mel Gibson dans Mad Max, et un blanc bec atterri là par la force des choses, tous trois appuyés par un percussionniste très en retrait mais appuyant très fortement, au moyen d'une rythmique tribale, le jeu très sauvage de ces trois mecs pas venus là pour raconter des blagues.
Sauvage... Existe-t-il seulement un autre mot pour esquisser les contours d'un concert des Young Fathers ? En transe et secoués par des spasmes, ils rappent, susurrent, scandent, se démembrent lors de danses épileptiques et vous attrapent à la gorge pour ne vous lâcher qu'à la dernière seconde. Dit comme ça, on croirait à une agression physique au détour d'une ruelle.

Ce trio écossais vous offrira pourtant, à travers les chansons d'un premier album sorti cette année et des deux EPs qui l'ont précédé – respectivement DEAD, Tape Two et Tape One – un déluge de sentiments violents, nourris par les instincts primaires qui nous brûlent tous de l'intérieur.
setlist
    Intro
    Queen Is Dead
    No Way Deadline
    Come To Life
    War
    Am I Not Your Boy
    Get up
    Just Another Bullet
    Low
    Way Down In The Hole
    Rumbling
    Effigy
    I Heard
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