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In Dreams : David Lynch Revisited

Paris, Philharmonie de Paris - 22 novembre 2015

Live-report par Johan

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« Films are 50% visual and 50% sound.
Sometimes sound even overplays the visual... »
– David Lynch

Réparti sur deux sessions ces samedi 21 et dimanche 22 novembre à la Philharmonie de Paris, In Dreams : David Lynch Revisited fut une des principaux événements musicaux de la capitale ce week-end là. Véritable ode à la direction sonore de la filmographie de David Lynch, le spectacle offre à de nombreux artistes l’opportunité de se réapproprier l’univers si particulier et personnel du fameux réalisateur américain. Et quels artistes !

Stuart A. Staples (chanteur de Tindersticks), Jehnny Beth (chanteuse de Savages), Rebecca Hawley, Emily Lansley et Lucy Mercer (les trois prêtresses de Stealing Sheep), Conor O’Brien (frontman de Villagers), Mick Harvey (ex-The Bad Seeds et guitariste de Nick Cave), Miho Hatori et Yuka C Honda (du duo japonais Cibo Matto), les australiens Sophia Brous et Kirin J Callinan... Tout ce beau monde se succède sur scène pour un show qui parvient à rester cohérent tout du long et à conserver son atmosphère sombre et éthérée.
David Coulter, ancien musicien des mythiques The Pogues et de Test Dept (qui a depuis participé à de nombreux projets aux côtés de Damon Albarn, Tom Waits, Joe Strummer ou encore Nick Cave), a donc su une nouvelle fois s’entourer de très grands noms – sans oublier les six musiciens qui restent sur la scène une heure et demi durant (harpe, trompette, saxophone, claviers, guitare électrique, basse, contrebasse, batterie, percussions, ondes Martenot, cristal Baschet), ainsi que lui-même, face à une buche, une scie à la main, délivrant un son à la fois anxiogène et vibrant tout au long du show.

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In Dreams : David Lynch Revisited propose ainsi un concert-performance qui met en avant les 50% des films du cinéaste, aussi bien des œuvres habitées d’Angelo Badalamenti (compositeur attitré de Lynch) que des chansons iconiques qui ont marqué certaines scènes, notamment celles, habitées et chimériques, de Roy Orbison.
La première à être interprétée ce soir-là n’est d'ailleurs nulle autre que Llorando, scène culte au Silencio de Mullholand Drive, chantée ici a cappella par une Sophia Brous grave et poignante. Miho Hatori et Yuka C Honda viennent ensuite fouler les planches grinçantes de la salle, déballant leur synth rock foutraque pour une reprise dérangée et rocambolesque de The World Spins.
Plus loin, la finalement pas si sauvage Jehnny Beth prend la relève sur un somptueux Sycamore Trees jazzy et vaporeux, avant que l’élégant Stuart Staples ne s’empare de sa guitare acoustique pour interpréter Falling, thème classique et onirique de Twin Peaks à l’origine chanté par la muse Julee Cruise. Alors que le leader des Tindersticks entame Just You and I, les Stealing Sheep font discrètement leur entrée sur scène dans le noir afin d'y chanter les chœurs, pour une réinterprétation du titre plus sobre et doucereuse.
Jehnny Beth revient ensuite sur le devant de la scène pour nous interpréter le menaçant Into The Night, moment fort du spectacle, avant d’enchainer sur le non moins intense Up In Flame. Jamais on n’avait pu voir la londonienne comme ça auparavant, femme fatale envoutante et tragique, qui a trouvé sa parfaite reconversion après le post-punk de Savages !

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Après un entracte bienvenu qui permet de prendre l’air et décompresser de l'atmosphère ô combien jubilatoire mais quelque peu oppressante, on repart de plus belle avec le culte Blue Velvet, portée par une Sophia Brous qui n’a clairement rien à envier à Isabella Rosselini. Seule sur le devant de la scène, face à son micro, l’australienne interprète la composition, bouleversante, alors qu’apparait Kirin J Callinan armé de sa guitare, arpentant la scène durant une minute avant de dégainer et malmener le slow d’une électricité fulgurante et dérangeante. Celui-ci reste ensuite sur scène pour une interprétation exaltante du fameux I’m Deranged de Bowie, issu de Lost Highway, avant que ne s’ensuive une version electro pop décalée et bigarrée de The Magic Moment (Lou Reed), toujours tiré du même film.
La palme(r) de la « revisitation » revient toutefois aux colorées Stealing Sheep qui se réapproprient comme jamais les chansons qui leur ont été confiées ce soir. Dans leur configuration habituelle, ici placée sur la gauche de la scène, les trois musiciennes jouent en loop un Love Letters entrainant et hypnotisant avant de poursuivre sur un I’ve Told Every Little Star qui n’a rien à voir avec l’original : ici, les chœurs bubblegum sont remplacés par un synthé angoissant et discordant tandis que les voix des trois britanniques se succèdent, se superposent, se répondent, le tout sur fond de percussions sauvages.
Après un Ghost Of Love au crescendo animal, c’est au tour de la mirifique Jehnny Beth de reprendre le Song To The Siren de Tim Buckley dans une ambiance froide et poignante. Dépouillés, les arrangements mettent principalement le chant en avant, démontrant tout le savoir-faire et la palette d’émotions de l’artiste. Le dernier titre est enfin l’occasion de voir Conor O’Brien, bien évidemment armé de sa guitare sèche, qui vient nous jouer une sublime cover de In Dreams, portée par sa voix éraillée et perçante.

Le rappel, et pas des moindres, nous évoque dès les premiers accords une des plus grandes scènes du cinéma Lynchien à travers le film Wild at Heart (Sailor et Lula). Le grand Wicked Game de Chris Isaak est ici revu et corrigé à la sauce Mick Harvey, accompagné une dernière fois de la majestueuse Sophia Brous, certes classique dans ses arrangements mais qui n’a pas besoin de plus pour faire son petit effet. Le titre marque ainsi la fin d’une épopée de près de deux heures à travers la musique du plus mystérieux et singulier des réalisateurs. Élément majeur de ses œuvres, la musique est un personnage à part entière qui revient sans cesse nous hanter et rappeler à nous les scènes les plus marquantes pour ne plus jamais, au grand jamais, nous lâcher.
setlist
    Llorando
    The World Spins
    Sycamore Trees
    Falling
    Just You And I
    Into The Night
    Up In Flame
    Blue Velvet
    I'm Deranged
    The Magic Moment
    Love Letters
    I've Told Every Little Star
    Ghost Of Love
    Song To The Siren
    In Dreams
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    Wicked Game
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