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Jamie Lee

Paris, La Gaîté Lyrique - 6 avril 2017

Live-report par Cassandre Gouillaud

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Après une première édition de toute beauté, les équipes de l'ARTE Concert Festival sont revenues prendre les commandes de la Gaîté Lyrique pour un nouveau week-end de musique du 6 au 8 avril. La formule est restée la même et repose sur trois soirées correspondant chacune à des styles différents. Le public naviguera donc de la pop-rock au piano, puis à l'électro, tout cela sous l’œil attentif des caméras de la Blogothèque qui permettent la retransmission en direct de chaque concert.

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Cette fois-ci, le foyer a été pleinement investi et pensé comme une scène annexe, mettant à profit la diversité des espaces de ce lieu. Est maintenant offert à quelques artistes un espace plus intimiste que cette grande salle impersonnelle qui ne réussit pas à tous, et encore moins aux expressions artistiques les plus sensibles. Le caractère du lieu, associé à cette nouvelle proximité entre artiste et public, en fait le cadre idéal pour le premier concert de la soirée, celui de l'anglais Jamie Lee, échappé pour l'occasion de MONEY. Sa présence dans de line-up avait fait effet de surprise, dans la mesure où l'on ne lui prêtait pas jusque-là de projet solo défini. Pour autant, au vu de l'exceptionnelle puissance émotionnelle qu'on lui connaît, il n'était pas question de faire l'impasse sur ce début de soirée. Grand bien nous en aura pris.
Tote-bag sur l'épaule, écharpe autour du cou, il est vrai qu'il fait irruption sans grande cérémonie. Pour de la musique, oui, mais d'abord pour déclamer un long poème, intitulé A Man Sat In A Pub. Ce n'est qu'ensuite qu'il est rejoint par deux musiciens, respectivement au violon et au piano, l'accompagnant dans ses compositions. De celles-ci, nous ne reconnaîtrons que Hopeless World, la seule qui ne lui soit pas personnelle. L'échange entre artiste et public attentif n'en est que plus fort, d'autant plus que le cadre contribue à remettre parterre et scène à la même hauteur. Le sublime set de Jamie Lee a trouvé sa force dans cette simplicité, doublée d'une grande spontanéité, de l'expression musicale. L'artiste nous a offert un moment d'une beauté impeccable et pure, qui suscite, alors qu'il touche à sa fin après une petite demi-heure, des applaudissements nourris amplement mérités.

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Vient ensuite un total changement de configuration, et de registre, pour le second concert de la soirée. Les catalans de MOURN, plus d'un an après la sortie de Ha, Ha, He, peuvent enfin venir fouler à nouveau le sol des salles de concert européennes. Ils le font d'ailleurs avec un enthousiasme débordant, qui donne à leur post-punk une fougue et une ardeur électrisantes. Là où Jamie Lee était dans la sensibilité de l'échange, MOURN irradient d'énergie nerveuse. Carla Pérez Vas, Jazz Rodríguez Bueno et Leia Rodríguez forment sur scène une première ligne féminine et survoltée, où se jouent les duos de voix et de guitare qui font toute leur puissance, soutenus par la batterie d'Antonio Postius. Les deux premières, fondatrices du groupe, citaient évidemment Sleater-Kinney parmi leurs influences. MOURN n'a pas tant que cela à leur envier. La montée en tension maîtrisée de Your Brain Is Made of Candy prouve bien qu'un jeune âge n'empêche pas une construction musicale appliquée. Le groupe joue même sur ces moments dans la construction de son set, jouant entre les explosions de Irrational Friends et le martèlement anxieux de Silver Gold, dans un dernier tiers de set dont la puissance ne redescend qu'avec la dernière note.

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Là est sans doute la différence avec le second groupe de la mouvance punk de la soirée, les Black Lips, qui présentent sur cette même scène leur huitième album, Satan's graffiti Or God's Art?. Malgré un intérêt toujours présent, force est de constater qu'ils sont les perdants de cet enchaînement, et ont du mal à offrir un set aussi riche en intensité. Loin semble l'époque où un concert des Black Lips aurait été la porte ouverte à tout scénario, leur seul méfait de la soirée sera d'avoir demandé des ballons. Une sobriété nouvelle qui contraste avec l'histoire qu'on leur connaît, et qui ne contribue pas non plus à ranimer un effort musical qui se fait de moins en moins passionné.

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C'est à d'autres américains, que l'on attendait au tournant depuis plusieurs années, que revient la tâche de clôturer cette soirée. Grandaddy s'étaient séparés, puis reformés il y a cinq ans, sans qu'un album ne vienne parfaire le retour de ces incontournables de l'indie rock américain. C'est maintenant chose faite avec Last Place, que le groupe présente ce soir, à la recherche d'une nouvelle rencontre un peu nostalgique avec ces idoles d'il y a quelques années. Alternant classiques et nouvelles compositions, le tout relevé de visuels envahissant l'arrière-plan, la formation ne déçoit pas, quoique manque aussi de galvaniser. Les incontournables de The Sophtware Slump, et les magiques So You'll Aim Toward The Sky et He's Simple, He's Dumb, He's The Pilot, répondent présent sans en faire tellement plus. Il manque une dose de puissance qui aurait permis à ces titres planants d'acquérir un relief bienvenu et de prendre leur envol. Si Evermore ou Way We Won't confirment leur potentiel, subsiste aussi un petit regret de ne pas entendre A Lost Machine, fresque maîtresse de leur dernier album. Un sentiment ambigu se dessine alors que leur rappel prend fin sur Summer Here Kids, entre l'impossibilité de pouvoir honnêtement parler de déception, mais aussi la certitude que les américains auraient pu sortir de cette zone de confort à laquelle ils ont semblé s'accrocher.

Par-delà cette soirée pop-rock, qui aura été au moins aussi réussie que celle de l'année précédente, il semble que le succès de l'ARTE Concert Festival se confirme. Attestée par la vitesse à laquelle se sont remplies les deux premières soirées, la qualité de la programmation proposée cette année a su en faire un rendez-vous immanquable au sein des nombreuses affiches parisiennes de ce printemps. Il s'agira de confirmer ce statut lors de potentielles prochaines éditions ; mais, dans l'immédiat, laissons le charme encore se prolonger pour deux journées.
setlist
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